Alger a accordé à Tunis un prêt de 200 millions de dollars avec un faible taux d'intérêt, accompagné d'un don de 100 millions de dollars. Ce nouveau geste de solidarité de l'Algérie est le dernier d'une série réalisés par le pays en direction de son voisin. En Tunisie, ils sont cependant nombreux à critiquer ce rapprochement et à se demander quelle sera la contrepartie politique que devra fournir leur pays.
Jeudi 22 décembre, lors de sa rencontre mensuelle avec la presse algérienne diffusée à la télévision nationale, le président Abdelmadjid Tebboune a affirmé que son pays ne laisserait pas tomber la Tunisie, qui est en pleine crise économique et politique et qui peine, depuis de nombreux mois, à obtenir un prêt de la Banque mondiale. Les opposants à Kaïs Saïed, le président tunisien, craignent un effondrement.
Ainsi, l'Algérie vient d'accorder un prêt de 200 millions de dollars, ainsi qu'un don de 100 millions supplémentaires à son voisin. Précédemment, Alger a tenu à vendre l'électricité et l'essence à la Tunisie à des tarifs préférentiels. Elle lui a envoyé du sucre, alors que beaucoup de matières premières manquent sur le marché tunisien. Après la pandémie de Covid-19, les touristes algériens sont venus en nombre en 2022 pour aider le secteur du tourisme tunisien en crise.
Un rapprochement contraint par la nécessité
Alger nie vouloir faire de l'ingérence dans les affaires tunisiennes. " Laissons la Tunisie résoudre ses problèmes. Nous répondrons présents s'ils ont besoin de nous ", a expliqué le président Tebboune. Mais dans les faits, la politique étrangère de la Tunisie évolue. Beaucoup attribuent la brouille récente entre Rabat et Tunis au rapprochement des Tunisiens avec Alger et à l'influence diplomatique qu'exerce Alger sur la Tunisie.
Cette modification politique déplaît à de nombreux Tunisiens, qui critiquent " un alignement " du président Saïed sur les positions algériennes en ce qui concerne plusieurs dossiers internationaux et régionaux, faisant fi du principe de neutralité historiquement adopté par la diplomatie tunisienne.
La Tunisie doit subir, elle doit faire plaisir à ses voisins, que ce soit la Libye ou l'Algérie.
Majid Bouden, avocat et économiste franco-tunisien, analyse la relation entre Alger et Tunis
Houda Ibrahim
Pour Majid Bouden, avocat et économiste franco-tunisien, " la Tunisie a toujours gardé une orientation différente de l'Algérie ", notamment en commerçant essentiellement avec l'Europe, alors que l'Algérie est bien plus tournée vers les Brics. Toutefois, l'économiste constate que le pays se retrouve aujourd'hui " dans une dépendance totale " vis-à-vis de ses voisins, faute d'avoir pris la mesure de ses besoins et spécificités économiques ces 30 dernières années. Majid Bouden conclut : " La Tunisie est en situation difficile, puisqu'elle est dans un chaos politique, dans un chaos économique et maintenant dans un chaos diplomatique. "