Après le discours tenu par le président tunisien 28 décembre au soir, l'étonnement et la lassitude semblent dominer en Tunisie. Dans une sortie véhémente, Kaïs Saïed s'en est pris durement aux personnalités qui ont pris position contre lui : accusés d'œuvrer contre les intérêts du pays, ils sont menacés à demi-mot de représailles.
Jeudi, toute la journée, les médias tunisiens ont tenté de décrypter le discours tenu par Kaïs Saïed mercredi soir. Au micro de Shems FM, le secrétaire-général adjoint de l'UGTT, principal syndicat du pays a exprimé sa lassitude :
" On aimerait que la parole officielle en Tunisie se fasse avec plus de calme et de sagesse, surtout que notre pays vit des conditions très difficiles à plusieurs niveaux : la santé, les transports, l'éducation, les pénuries de médicaments, de lait, a dit Samir Cheffi. Pas la peine d'en rajouter une couche en plus. " Une allusion claire au discours de la veille de Kaïs Saïed.
Plus de 20 minutes de réquisitoire sans nommer ses accusés
En présence de plusieurs ministres silencieux, le président tunisien a pendant plus de 20 minutes livré un réquisitoire contre ses opposants. Dans son collimateur notamment : les médias qui, selon lui, enveniment la situation dans le pays.
Qualifiés de " traîtres ", éléments travaillant à la solde de l'étranger et cherchant à nuire à la nation, sans les citer nommément, le Maître de Carthage a laissé entendre que des mesures seraient prises contre ceux qui, à ses yeux, complotent contre les intérêts du pays.
Il les a accusés pêle-mêle d'être responsables des pénuries de denrées de matières premières, du naufrage d'une embarcation de migrants au large de Zarzis en septembre dernier ou encore de faits de corruption.
Une intervention tournée en dérision
Cette intervention véhémente lui a valu d'être aussitôt critiqué et tourné en dérision sur les réseaux sociaux par des membres de la société civile, ainsi que des observateurs de la vie politique tunisienne. Certains y ont vu dans cette sortie un discours aux allures de communication de crise improvisée, d'autres allant même jusqu'à évoquer une ambiance de fin de règne à Carthage.
Alors que le premier tour des législatives a attiré moins de 12 % des votants, le président du syndicat des journalistes tunisiens Yassine Jelassi estime que le Maître de Carthage tente de faire diversion :
" Il sort nous menacer comme ça? Est-ce qu'il ne devrait pas plutôt s'atteler à trouver des solutions aux problèmes quotidiens du pays? Il devrait faire cela au lieu de s'attaquer aux syndicats, à l'UGTT, aux médias ou encore aux ONG de défense des droits de l'Homme. "
Des préavis de grève ont déjà été déposés pour janvier prochain : le bras de fer risque de se poursuivre.