Le rapport annuel de la Cour des comptes, rendu public récemment, a de nouveau mis en exergue la problématique de la gestion du secteur aurifère à Madagascar et notamment les difficultés rencontrées pour assurer la traçabilité de l'or extrait et exporté.
Selon le Centre des Ressources sur les Entreprises et les Droits de l'Homme, une plateforme basée en Grande Bretagne, les résultats d'audits contenus dans le dernier rapport de la Cour des Comptes sont " préoccupants, révélant des pertes de recettes publiques, lourdes de conséquences sur les finances du pays (... ). Dans le secteur extractif de l'or, la gestion laxiste de bout en bout de la chaîne demeure un grand problème pour le pays ".
Rapportant les propos du Président de la Cour des Comptes, le Centre de souligner que le manque de traçabilité est perceptible au niveau de la production, du transport, et surtout au niveau de l'exportation de l'or. Et d'ajouter qu'il existe " un écart très important entre l'or qui a été déclaré auprès du ministère en charge des Mines et la valeur de l'or déclaré au niveau international. Pour l'année 2021, par exemple, il y a un écart de 4,5 tonnes d'or. On peut estimer ce manque à gagner pour l'État à 780 milliards d'ariary (170 millions d'euros) concernant le rapatriement de devises ". Mais la Cour des comptes n'a pas le pouvoir de poursuivre les agents mis en cause. Seuls les organes compétents peuvent le faire.
Filière dominée par l'informel
Du côté de l'ANOR (Agence Nationale de la filière Or à Madagascar), l'organe d'appui du Ministère chargé des Mines et des Ressources Stratégiques (MMRS) dans l'harmonisation de la filière or, on reconnait que le volet traçabilité dans l'exploitation de la filière aurifère reste un grand défi. Mais cette entité de rappeler aussi que c'est la raison pour laquelle elle a pris l'initiative d'entamer, il y a un peu plus de deux ans, des réflexions quant à la mise en place d'une structure de canalisation de l'or produit à Madagascar. Grâce au soutien de son organe de tutelle technique avec l'appui de la Banque mondiale et celui du PREA (Programme de Réformes pour l'Efficacité de l'Administration), un état des lieux de la filière et une étude de faisabilité d'une société d'affinage et de traitement de l'or ont pu être réalisés.
Il est à rappeler que, jusque-là, la filière or à Madagascar est dominée par l'exploitation artisanale et la multiplicité des acteurs œuvrant dans l'informel. Ce dernier qui continue de faire la part belle dans ce contexte et qui nuit à l'économie nationale ainsi qu'aux conditions de vie de ceux qui, à la base, travaillent pour l'extraction de ce métal précieux. Sans oublier les 2 à 3 tonnes par an exportées officiellement alors que les estimations de production tablent sur un potentiel de 10 à 20 tonnes par an. C'est pour identifier les solutions potentielles qui devraient répondre aux constats établis que les réflexions ont été menées et qui a permis d'organiser un atelier de restitution en présence notamment du Ministre des Mines et des Ressources Stratégiques, de l'équipe de l'ANOR et celle du PREA. La présentation des résultats a été effectuée par les consultants du cabinet Levin Sources.
Les grandes lignes traitées lors des phases d'étude et de restitution ont été la traçabilité, la chaine d'approvisionnement, le dispositif légal et institutionnel, les revenus de l'État, l'analyse économique de la filière, le marché international et les raffineries. Divers groupes de personnes concernées par la filière y ont participé dont ceux de la Chambre des Mines, de la Banky Foiben'i Madagasikara (BFM), des Douanes, de l'Organisation de la Société Civile et des ministères concernés.
Notons, enfin, que la collaboration actée entre le Ministère en charge des Mines et des Ressources Stratégiques et la Banky Foiben'i Madagasikara est appelée à assurer une meilleure traçabilité de l'or produit dans la Grande Ile. Le MMRS assure en amont la traçabilité de l'or, la professionnalisation des acteurs et l'amélioration des revenus générés par son exploitation au profit des collectivités et de l'État, mais également pour fournir à l'Etat une opportunité de se dresser un stock d'or national. De son côté, BFM assure, en aval, l'approvisionnement en or et la valorisation de l'or ainsi acquis, pour en conférer ultérieurement une valeur monétaire, " servant à la stabilisation et au renforcement de la monnaie nationale ".