Congo-Brazzaville: Je m'étais ouvert à lui

tribune

Au moment où je mettais en forme le tapuscrit de "L'école de Denis Sassou N'Guesso", mon ouvrage paru chez Jean Picollec en France, en 2016, avec le concours de Jean-Paul Pigasse, j'eus parmi mes contacts pour la relecture le doyen Camille Bongou. Qui me fit l'honneur, sur rendez-vous, de me rencontrer aux "Dépêches de Brazzaville".

Ayant pris soin de lire mon texte une ou deux semaines auparavant et approuvé l'essentiel du contenu, il vint me le restituer au bureau, me partageant une recommandation que je fis mienne. Surtout il m'encouragea à conserver le titre " L'école de Denis Sassou N'Guesso ", soutenant contre certains avis que tel que formulé il était bon. Il me suggéra aussi d'ajouter à propos du " Mouvement insurrectionnel " qui porta les militaires au pouvoir sous la houlette du commandant Marien Ngouabi, que le 31 juillet 1968 avait à l'époque bénéficié d'un large appui populaire. Je restais dubitatif sur un passage dans lequel lui-même était nommément cité quand j'ai décrit son ascension puis son éviction de la direction du Parti congolais du travail-PCT- entre 1984 et 1989. Il n'en souffla mot, me laissant sur ma faim.

Recevoir l'intellectuel et l'homme politique de l'envergure de Camille Bongou dans nos modestes bureaux m'était paru éminemment réconfortant. Non seulement ce fut pour moi l'occasion unique d'un tête-à-tête avec l'ex-numéro 2 du PCT et deuxième personnalité de l'Etat ; non seulement il fut l'une des icônes des espérances et des contradictions politiques aux premières heures du petit âge de cette formation politique et au-delà, mais il y avait cette dimension mythique qu'alimentait chez l'interlocuteur de Camille Bongou une certaine perplexité à le circonscrire tant il se retenait à beaucoup dire. Au fond, se contenter des apparences restera éternellement un tort, les apparences car nous savons bien qu'elles ont une destinée tragique. Elles construisent des jugements par avance et les corrompent parfois définitivement ; elles faussent la profondeur des certitudes.

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Je demande à ce que l'on nous prenne en photo pendant notre discussion. Le courant passe. Avant cette entrevue autour du livre, nous nous étions retrouvés loin du pays, au cours d'une mission culturelle à Salvador de Bahia, au Brésil, en septembre 2013. Alors conseiller à la Culture et aux Arts du président de la République, l'actuelle ministre de l'Industrie culturelle, artistique, touristique et des Loisirs, Lydie Pongault, prit la tête d'une exposition à succès sur le kiebe-kiebe dans l'une des provinces du Brésil où la trace de la mixité des cultures liée au commerce des esclaves est des plus vivantes.

La délégation congolaise à laquelle nous faisions partie avec ma collègue Bénédicte de Capèle et l'actuelle ministre du Plan, de la Statistique et de l'Intégration régionale, Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas, comprenait les Prs Théophile Obenga et Armand Moyikoua, l'ancien préfet de la Cuvette aujourd'hui à Brazzaville, Pierre-Cebert Iboko Onanga, l'architecte Jean-Marie Ossemalekou et justement le philosophe et chercheur Camille Bongou. Tous avaient une approche scientifique éprouvée, doublée d'une attache motivée avec la célèbre danse-spectacle initiatique qu'ont en commun les départements des Plateaux, de la Cuvette et de la Cuvette Ouest, au Nord Congo.

Sur place nous fûmes accueillis par l'ambassadeur du Congo au Brésil, Louis Sylvain Goma. Assisté de son premier conseiller, Jacques Obindza, en poste désormais au Nigeria comme chef de mission diplomatique, le général montra une telle disponibilité à l'égard de la délégation de son pays au point de se délocaliser de Brasilia où il est établi à Salvador de Bahia le temps de l'exposition.

Les rangs des délégués congolais grossirent avec l'arrivée du ministre d'Etat Aimé Emmanuel Yoka. Je voyais combien tous ces dirigeants échangeaient avec intérêt autour de la mission. Et combien ces retrouvailles les avaient marqués. J'en déduisais que l'on peut faire beaucoup pour le Congo si l'on s'y engage à fond. Le voyage de Salvador de Bahia en était une belle preuve. Je me souviendrai encore longtemps de ce moment de partage avec ces aînés. Avec Camille Bongou. Qui a rejoint l'infinie éternité auprès des siens, chez lui à Ikouba/ Bokouélé, le 28 décembre 2022.

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