L'année 2022 a encore mieux révélé l'iridescence de Dakar. La capitale sénégalaise a constitué une somptueuse tribune pour une grandiose expression du génie pictural, avec des signatures venant de tous les coins du monde. L'évènement phare qui a composé la majorité des couleurs est la Biennale de l'art africain contemporain.
L'année culturelle a été particulièrement marquée par la 14e édition de la Biennale de l'art africain contemporain de Dakar. Du 19 mai au 21 juin 2022, le Dak'Art a transformé la capitale sénégalaise en une gigantesque et effervescente galerie à ciel ouvert où les arts plastiques se recevaient presque partout. Le rendez-vous était très attendu du fait du report de l'édition 2020, pour cause de pandémie de Covid-19. Cette année, la sélection officielle de 59 artistes ou collectifs d'artistes-plasticiens a sorti le grand jeu de la palette pour offrir de sublimes créations picturales. Ils se sont tous inspirés du thème général, trouvé depuis 2019 durant la préparation de l'édition 2020 avortée, " I Ndaffa/forger/Out of fire ". L'idée était fondamentalement d'installer la découverte, la dynamique créatrice, le partage et la diversité tout en favorisant les nouvelles énergies qui impriment une envergure nouvelle au monde à partir de l'Afrique.
Le programme novateur de cette année a donné un souffle rafraichissant au " In ". Ainsi pouvait-on découvrir le volet " Doxantu ", qui était pour révéler le potentiel esthétique de la Corniche ouest de Dakar, en ornant sa boucle par de grandes sculptures et installations avec de prestigieuses signatures. C'était aussi un plaidoyer pour un art plus citoyen et proche du public. On avait, par ailleurs, noté les pavillons nationaux (Loositoo pour le Sénégal) et spéciaux, ainsi que les cartes blanches à certains artistes. Autre programme inédit, le Marché international de l'art africain. Initié par Kalidou Kassé, cet espace accueilli par le Monument de la renaissance africaine était pour provoquer des réflexions sur l'économie et le commerce de l'art, et son rapport à l'économie mondiale. C'est dans le but de contribuer à bâtir un environnement fertile où les échanges des œuvres d'art sont une réalité. Un nouveau prix, parrainé par le défunt grand sculpteur Ousmane Sow, était aussi institué pour sensibiliser sur le droit de suite afin de permettre à l'artiste de se nourrir de son art.
Émulation dans les arts plastiques
À côté de ce cachet officiel, le programme Off a créé un engouement à nul autre pareil. Plus de 400 galeries et particuliers avaient tenu des expositions et évènements décalés, présentant des artistes fabuleux qui se découvraient ou réaffirmaient un génie singulier. L'installation de l'artiste Faly Sène Sow à l'Espace Vema, qui reconstituait en miniature le souk géant de Colobane, a, par exemple, connu un franc succès et enregistré beaucoup de visiteurs. Aussi sélectionnée dans le " In ", une vaste campagne d'internautes a trouvé injuste que son installation au Palais 1 n'ait pas remporté le Grand prix. Le lauréat 2022 est l'Éthiopien Tegene Kunbi Senbeto, mais le plébiscite populaire était clairement en faveur du jeune Faly Sène Sow. Les organisateurs des expos Off ont aussi fortement grincé les dents. Ils ont beaucoup fustigé le Secrétariat général de la biennale qui, selon eux, n'a pas bien appuyé les initiatives.
Les médiateurs également et beaucoup d'artistes sont finalement entrés dans la danse des pourfendeurs. C'est ainsi que le Collectif des indignés de la Biennale a vu le jour, sur initiative du sculpteur sénégalais établi en Suisse, Ousmane Dia. Ce dernier affirmait ne pas comprendre que l'on combine deux budgets de 2 milliards de FCfa (2020 et 2022), 4 ans d'apprêt donc, en plus de la généreuse contribution de plusieurs sponsors, pour " qu'on se retrouve enfin avec autant d'irrégularités et de fautes de gestion ". En effet, des artistes ont déploré des cas de vandalisme récurrents, certains ont pleuré de graves manquements dans le montage de leurs œuvres, des médiateurs et autres personnels de terrain ont fustigé la modicité de leur paie. La Secrétaire générale de la Biennale, personnellement décriée, avait invité les contempteurs à patienter pour attendre la publication du bilan de la gestion de son organisation.
Toujours est-il que sur le plan strict de la création, la 14e Biennale de l'art africain contemporain a illuminé de génies. Même si la désolation annuelle sur l'absence d'intérêt du Sénégalais lambda est revenue. Enfin, cette période faisait de Dakar, avec cet évènement classé 3e meilleure Biennale mondiale, la capitale des arts plastiques. D'autant plus que, depuis plus d'un mois auparavant (1er avril au 30 juin), le Musée des civilisations noires accueillait la majestueuse exposition " Picasso à Dakar. 1972-2022 ". L'expo marquait le cinquantenaire du passage du maître sculpteur à Dakar, et offrait en vedette son inspiration des arts africains sur son œuvre monumentale et pionnière. En décalé, " Picasso Remix " avait permis de regrouper de jeunes artistes africains qui, en retour, ont été influencés dans leurs créations par l'esprit ou la matière de Picasso. C'était un projet de partage autour des œuvres, d'idées mises en commun et d'ouverture tolérante sur les pratiques étrangères. En 2022, le Sénégal a justement concentré cette émulation dans les arts plastiques. Ça a d'ailleurs continué jusqu'au 11 décembre dernier, avec la clôture officielle de la 11e édition du Partcours de Dakar, qui avait débuté le 25 novembre.
... CINÉMA
Des Prix... et de nouvelles salles pour les Sénégalais
C'est devenu une habitude. Le cinéma sénégalais s'est régulièrement distingué, ces dernières années, aux différents festivals dédiés au septième art où il prend part. L'édition 2022 des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc) n'a pas été une exception à cette règle, traduisant toute la dynamique de notre cinéma, depuis que l'État du Sénégal a mis la main à la patte, à travers le Fonds de promotion de l'industrie cinématographique et audiovisuelle en (Fopica). L'appui des autorités à ce secteur stratégique est en train de porter ses fruits. La qualité des films présentés aux différentes compétitions cinématographiques sur le continent et en dehors donne, aujourd'hui, des résultats satisfaisants.
Aux Journées cinématographiques de Carthage (29 octobre, 5 novembre 2022), notre pays s'est adjugé deux trophées. Le long métrage " Xalé : les blessures de l'enfance " de Moussa Sène Absa a décroché le Prix de la meilleure interprétation féminine, dans la catégorie des longs métrages de fiction et " Astel " de Ramatoulaye Sy a remporté le bronze dans la section court métrage des Jcc. Des récompenses qui confirment la place fondamentale du Sénégal dans le cinéma du continent. Au pays de Sembène Ousmane et de Djibril Diop Mambéty, la lumière du cinéma ne saurait s'éteindre. Elle continue de briller pour accompagner la fougue d'une jeunesse qui a envie de marcher sur les pas de ses aînés. D'ailleurs, c'est en reconnaissance de cette place qu'occupe le Sénégal dans le cinéma du continent que l'affiche de cette 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage s'est inspirée du portrait de la grande actrice Mbissine Thérèse Diop, héroïne du film " La Noire de... " réalisé par Ousmane Sembène, " Tanit d'or " aux premières Jcc en 1966.
La tenue, du 5 au 10 décembre, de la cinquième édition du Dakar court, rendez-vous incontournable du septième art, depuis quelques années, a vu la participation de 15 films dans la compétition officielle. L'édition 2022 a été marquée par la consécration du film " Ousmane " Grand Prix Dakar Court.
Cette dynamique du cinéma sénégalais se traduit aussi par la construction de nouvelles infrastructures cinématographiques. Cette année, deux grandes salles de cinéma ont été construites dans la capitale sénégalaise. Il s'agit de Pathé Dakar, un complexe de 7 salles de cinéma implanté à Mermoz et à l'espace Seanéma du Centre commercial Sea Plaza, lequel est constitué de 3 salles de 810 places.
Une année en musique
L'année a été musicalement fructueuse. Le ton a été donné dès le jour de l'An, avec un formidable concert du mythique groupe Xalam, au Théâtre national Daniel Sorano. Le show marquait le retour sur scène, après plusieurs années de disette. À 30 km de là, Youssou Ndour créait l'exploit inédit en faisant le plein au complexe Dakar Arena (Diamniadio) pour un spectacle époustouflant de 4 heures. Le Sénégal musical s'annonçait ainsi festif et fécond pour le reste de l'année. La promesse des fleurs se concrétisait dès le 3 février avec la 3e édition du Dakar music expo (Dmx), qui a réuni les grands noms et enseignes de l'industrie musicale du monde, jusqu'au 6 février. Des panels ont permis la réflexion de l'écosystème de la matière au Sénégal.
Afin d'enrichir cet écosystème justement, Stereo Africa Festival a été lancé par l'artiste Sahad Sarr, du 23 au 25 juin. C'est un creuset musical et de réflexions dont le but fondamental est de promouvoir et conforter les musiques alternatives au Sénégal qui peinent à imposer leurs notes à côté du Mbalax hégémonique. Le Festival à Sahel ouvert de Mboumba a aussi connu sa 10e édition avec Baaba Maal en tête d'affiche, un album en prime et une attention particulière à l'eau et l'écologie. Le Festival du Sahel de Lompoul a aussi repris ses droits, pour sa 7e édition, après 9 ans de léthargie. Le Festival international de Jazz de Saint-Louis a également renoué avec sa ferveur légendaire. Sur les productions, on a aussi une année avantageuse aux couleurs jolof beats (avec Jeeba, ISS 814, Dieyla, l'inusable Viviane Chidid, etc.) Le Mbalax a été évidemment au chapitre, notamment avec les " ambianceurs ", un Kéba Seck ressuscité et Wally Seck qui a récemment lancé son album " État d'esprit ".