Tunisie: Entretien avec Brahim konstantini, Sculpteur et Médailleur - D'art et de matière !

1 Janvier 2023

Il vient de fêter ses 90 ans en novembre 2022. Brahim Konstantini a marqué nos paysages et titillé notre imaginaire avec ses sculptures géantes qui habitent nos espaces publics. Considéré comme le meilleur médailleur de la Tunisie, il a accompagné l'histoire et les accomplissements de notre pays à travers ses œuvres exceptionnelles qui seront bientôt exposées à Bonn en Allemagne. Il est, également, le premier sculpteur tunisien qui a réalisé un bas-relief de Lamine Bey en 1951, exposé dernièrement au centre des arts de la culture et des lettres Ksar Saïd lors de l'exposition consacrée aux Beys husseinites.

"Brahim Konstantini, un parcours hors normes". C'est le titre du livre qui vient de paraître sur l'homme et l'œuvre, co-écrit par son épouse Klémentine Konstantini et son petit-fils Slim Dghim.

Entretien...

A quand remonte votre première œuvre ?

En 1951, c'était un bas-relief de Lamine Bey. J'étais invité dans son palais à Hammam-Lif pour lui offrir cette œuvre que j'ai réalisée à partir de sa photo et il m'a donné vingt dinars à l'époque. C'est avec cette somme que j'ai acheté le marbre qui a servi à ma deuxième sculpture réalisée en 1953 à l'occasion de la commémoration de l'assassinat de Farhat Hached.

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Le premier buste de Bourguiba était votre œuvre. Cette rencontre avec "le père de la nation" semble vous avoir marqué... Vous en faites la couverture de votre livre...

Bourguiba était un homme très intelligent. C'était un homme qui n'aimait pas les personnalités faibles. Il était prévoyant et sensible en même temps. Le jour où on devait réaliser son buste, il est arrivé avec un livre et il s'est installé sur une chaise devant moi. Je lui ai demandé de prendre la station debout. Il m'a répondu "Pourquoi debout ? Le sculpteur français a fait un buste de moi dans la position assise en lisant un livre". J'ai répondu. "Je ne suis pas français, monsieur le Président, mais la position debout dégage mieux votre cou et vous donne plus d'élégance. Il s'est mis alors debout. En trouvant qu'il était de petite taille, j'ai vidé la caisse où je transportais de l'argile, je l'ai couverte avec une serviette et je lui ai demandé de monter dessus. Il était surpris, mais je lui ai expliqué que c'était pour les besoins de la sculpture. Alors que nous discutions, Taïeb Mhiri entre dans la pièce, remarque que j'étais en tenue d'atelier, en tenue de travail comme on dit. Il m'a demandé de porter un costume pour sculpter le président de la République. Je lui ai répondu qu'il y a la République d'un côté et qu'il y a le travail artistique de l'autre et que je ne pouvais pas travailler en costume et cravate. Bourguiba m'a lancé un regard sévère avant de prendre un air normal et de répondre : "Moi aussi je ne me sens pas à l'aise parfois avec une cravate et un costume pendant mes discours officiels". Cela se passait en 1961.

Quelles sont les figures culturelles ou politiques qui vous ont marqué après Bourguiba ?

Docteur Mohamed Mandhour, écrivain égyptien et colonel de l'armée. Les traits de son visage m'ont interpellé et il a accepté ma demande de lui réaliser un buste en 1963. Je garde de lui cette phrase qu'il m'a confiée : "L'artiste pense comme un homme, est sensible comme une femme et se comporte comme un enfant".

De tous les matériaux que vous avez manipulés, quel est celui qui vous a donné le plus de fil à retordre ?

L'argile est le matériau le plus difficile à travailler. Devant l'argile, le marbre est une matière très douce à façonner. L'argile nous oblige à reprendre tout dès le début comme un château de carte qui s'écroule, alors que si on avance doucement avec le marbre, il sera plus clément.

Vous êtes considéré comme le meilleur médailleur de la Tunisie. Quel est votre rapport à cet art en particulier ?

En effet, j'ai réalisé plus de 200 matrices de médailles gravées à la main. Ces médailles sont exposées dans mon musée. Je pense qu'il n'y a pas mieux qu'une médaille pour inscrire un personnage, une institution ou un événement dans l'éternité. Une médaille peut être enterrée pendant des milliers d'années sous terre et rester intacte.

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