S'il y a eu, tout de même, quelques bonnes nouvelles cette année : la réussite stupéfiante du télescope James Webb ; un 2e semestre où les prix des commodités sur le marché mondial sont globalement à la baisse ; la claque retentissante des électeurs américains aux candidats trumpistes lors des élections de mi-mandat ; l'initiative 30 x 30 prise pour mieux protéger la biodiversité mondialement ; l'accélération massive de l'énergie renouvelable dans le sillage de la guerre de Poutine ; une étape décisive désormais maîtrisée sur la route menant aux bienfaits immenses de la fusion nucléaire ; la reprise tonifiante de notre tourisme ; il reste, malgré tout, bien des inquiétudes à l'horizon.
Prenez l'inflation locale pour commencer. Si vous êtes une petite ou une moyenne entreprise ou même, une grosse entreprise déjà fragilisée, la compensation salariale de Rs 1 000 (plus les 'contributions diverses' d'environ 20 % de plus), la hausse de prix du KWh qui arrive et les nouveaux taux d'intérêts, sont de véritables coups de massue dans un environnement où tout ce qui s'importe (y compris l'essence et le diesel) coûtait déjà bien plus cher. Notamment parce que la roupie a perdu plus de 25 % face au dollar, depuis le début de 2019, en sus des prix d'achat et du fret qui ont indépendamment grimpé selon leur propre 'logique' ! Il est évident que les compagnies qui vont le plus souffrir sont celles à forte intensité de main-d'oeuvre ou grandes consommatrices d'énergie et/ou encore fortement emprunteuses. On peut ainsi penser aux compagnies de nettoyage ou de gardiennage, par exemple, d'autant plus qu'elles ont généralement des contrats à prix fixes dans la durée, ce qui va les coincer pour sûr. Autre exemple : les maisons de retraite où il y a, typiquement, une fois et demie plus d'employés que de résidents, ces employés s'occupant 24/7 de personnes malades, alitées, parfois grabataires. Notons aussi que les retraités qui sont dans ces maisons n'ont, généralement, qu'une pension mensuelle qui n'augmente pas de son côté, ce qui rendra difficile le paiement des augmentations... L'hôtellerie, a un degré moindre, il est vrai, va aussi devoir faire ses comptes. Il y a sûrement bien d'autres situations où ça va grincer.
La situation en Chine, à la sortie brutale de sa politique "zéro Covid", a de quoi inquiéter aussi. Pour plusieurs raisons. Signalons d'abord le fait que les autorités chinoises, menées par le Parti communiste chinois, ont décidé de 'prendre en main' les statistiques trop embarrassantes. Ils ont ainsi décidé de redéfinir les mortalités pour exclure toutes celles qui ne seraient pas causées par le seul Covid ! Les mortalités causées par le Covid de patients ayant des comorbidités, sont donc exclues en Chine. L'OMS n'est pas du tout impressionnée par cette approche, mais depuis que les restrictions ont été levées, on n'aurait, en conséquence que... 12 morts du Covid ! Le but immédiat est atteint.
La Chine qui se glorifiait de la supériorité de sa politique "zéro Covid", a aussi apporté une redéfinition au mot "infection" en ne comptabilisant désormais que les cas suffisamment sérieux pour être admis en soins intensifs. La presse internationale est sceptique sur les capacités hospitalières de la Chine maintenant que les vannes sont ouvertes, mais aussi sur les taux de vaccination des plus vulnérables, sur la disponibilité de 'bons' vaccins et celle de médicaments appropriés. Les chiffres étant rares, l'anecdotique présente ses propres dangers, comme ces vidéos d'hôpitaux chinois débordants littéralement de patients, comme en Italie en 2020. Le point est que la propension de la Chine à parler le moins possible de ce qui va mal, jette le doute sur tout ce qu'il dit, par ailleurs... ou ce qu'il ne dit pas. Il faudra attendre, comme on aura été obligé de le faire déjà à Maurice, une analyse des excess deaths dans quelques mois, pour avoir une idée réelle des dégâts ! À moins que les chiffres de mortalité eux-mêmes ne deviennent secret d'État ! En attendant, des modélisations provenant de Hong Kong et d'ailleurs évoquent un million de morts possibles pour les premiers mois suivant l'abandon de la politique "zéro Covid" (*)
Aujourd'hui, l'inquiétude gagne d'ailleurs le reste de la planète qui initie des restrictions sur le trafic aérien et maritime venant de la Chine, car il est estimé que presque 250 millions de Chinois ont déjà été infectés dans les 20 premiers jours de décembre (*). Tout cela occasionnera sans doute d'autres conséquences sur les chaînes d'approvisionnement mondialement, la Chine totalisant environ 18,6 % de toute l'activité économique mondiale, tant au niveau de l'inflation que du côté de la récession... Inquiétudes renouvelées donc pour la stagflation en 2023 !
Parmi d'autres sujets d'inquiétude : les 12 000 logements sociaux promis qui ne démarrent pas fort et qui vont coûter bien plus cher que prévu à l'origine. Pour rappel, cette promesse gouvernementale avait été concrétisée dans le budget de juin 2020 avec une allocation de Rs 12 milliards et la livraison était promise sur trois ans selon les affirmations du ministre lors des débats budgétaires (**). Juin 2023 donc... ?
Il faut aussi s'inquiéter pour la fragilisation générale des corps paraétatiques, historiquement les plus solides, comme le CEB, dont le gouvernement a ponctionné les réserves, et qui se retrouve forcé d'augmenter son kWh à un mauvais moment, puisqu'il ne reste maintenant plus que sept ans pour passer à 60 % d'énergie renouvelable avant 2030 ! La STC, outre sa Berezina face à Betamax (Rs 5,7 milliards), ayant aussi été ponctionnée par le gouvernement (Rs 2,4 milliards), doit rétablir ses réserves avant de seulement considérer pouvoir traduire la baisse des prix du pétrole sur le marché mondial... aux consommateurs. Rs 8,5 milliards ont été, ainsi, globalement, transférées aux caisses du gouvernement, apparemment pour financer Rs 11,7 milliards de drains, selon le budget 2021-22 (para 41).
Mais l'inquiétude la plus imminente est sûrement focalisée sur l'eau. La pluviométrie est moche depuis des mois, les réservoirs sont à moins de 35 % de leur capacité ; notre consommation serait de 5 % de cette capacité chaque semaine ; on nous avise gentiment que les derniers 15 % de cette eau sont 'inexploitables' et que l'eau 24/7, redéfinie par nos ayatollahs à nous, ne veut désormais plus du tout dire 24/7, comme annoncé lors du programme électoral de 2014, il y a huit ans déjà.
Cependant, le point d'inquiétude principal en est un de priorité nationale. On avait annoncé avoir dépensé Rs 2,8 milliards pour remplacer 500 km de tuyaux à fin 2020, sur les 1,570 km jugés percés à ce moment-là. Les budgets qui ont suivi annoncèrent d'autres dépenses, pas toujours chiffrées, mais notoirement on évoquait en 2021-22, une somme de Rs 9,4 milliards pour le nouveau réservoir de Rivière-des-Anguilles alors que le budget suivant n'allouait que Rs 100 millions pour 'démarrer' ce même projet ! C'est effrayant.
Car l'eau, à n'en point douter, est une priorité nationale ABSOLUE. Bien plus que les Rs 16 milliards de Huawei/Safe City, bien plus que les Rs 5 milliards + de Côte-d'Or, bien plus que les Rs 14 milliards que coûtera l'extension du métro jusqu'à Côte-d'Or, bien plus que les Rs 8,8 milliards financés par l'Inde pour, apparemment, seulement mieux 'connecter' Agalega à Maurice, bien plus que les Rs 11,7 milliards votés pour des drains additionnels ou même les Rs 12 milliards des logements sociaux, surtout qu'ils auront des robinets ! Et pourtant, chaque été, c'est le psychodrame des réservoirs insuffisants qui se vident, des coupures d'eau, des douches que l'on va prendre chez la belle-mère, souvent localisée au numéro 8. On n'en finit toujours pas de remplacer les tuyaux ! Les nouveaux tuyaux coulent-ils aussi ? Depuis Bagatelle en 2018 (60 millions de m3 par an selon les constructeurs chinois), aucune nouvelle capacité de réservoir. On parle de Rivière-des-Anguilles depuis 2009 (***). Il aurait alors couté Rs 2,4 milliards. Il est clair que ni le tourisme, ni les smart cities ne peuvent préserver leurs chances avec des robinets sans eau, que la désalinisation ne peut se considérer que sur la côte et qu'une population qui est water-stressed deviendra inévitablement plus agressive vis-à-vis des nantis de l'eau, même si ce n'est qu'une perception.
Le Premier ministre, qui préside tant de comités d'importance 'prioritaire', ne croit-il pas qu'il est temps de fouetter ce canard toujours boiteux, même au prix d'augmenter le prix du mètre cube ?
(*) https://www.nytimes.com/2022/12/29/health/china-covid-outbreak-predictions.html
(**) http://www.govmu.org/French/News/Pages/Budget-2020-2021--Garantir-l%E2%80%99acc%C3%A8s-au-logement-pour-tous-.aspx
(***) https://lexpress.mu/node/395586