Il a fallu quatre années de négociations, dix jours et une nuit marathon diplomatique pour qu'un accord soit trouvé lors de la COP15, tenue au Canada. Ce sommet, qui avait dû être reporté en raison du Covid19, a réuni, du 7 au 19 décembre, les gouvernements du monde entier pour établir de nouveaux objectifs afin de guider les actions pour inverser la perte de la nature d'ici 2030 et accroître le financement pour soutenir la perte de la biodiversité des pays en développement. Ce "pacte avec la nature", la planète en a cruellement besoin car l'alimentation, l'économie et la santé en dépendent. À Maurice, l'on fait appel à la responsabilité citoyenne. Même si atteindre les objectifs jusqu'en 2030 paraît loin...
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le fossé entre la nature et l'homme continue de grandir. L'accord de "Kunming-Montréal" cherche à secourir les terres, les océans et les espèces de la pollution mais aussi de la crise climatique. Pour ce faire, les pays ont rédigé une feuille de route qui doit protéger 30 % de la planète d'ici à 2030. Une enveloppe de 30 milliards de dollars serait même déboursée pour aider les pays en développement. Certains comparent cet accord à celui de Paris sur le climat, signé en 2015. Comme le mentionne le ministre de l'Environnement canadien, Steven Guilbeault : "Beaucoup ont comparé l'accord de Montréal à l'accord de Paris pour le climat. Cette analogie est très à propos car nous venons de faire un pas significatif pour la protection de la nature. Et sans Montréal, il n'y a pas Paris, car la lutte contre le réchauffement a besoin de la biodiversité."
À Maurice, ces mesures ne sont pas prises à la légère. Surtout au niveau du parti mauve, comme le soutient Joanna Bérenger. La députée avance que l'environnement a une place primordiale au sein de son parti comme il en avait fait part dans son manifeste électoral en 2019. "Nous réitérons de faire de Saint-Brandon une aire marine protégée et une réserve ornithologique, de concert avec les organismes internationaux." Aussi, elle parle du plan de revitalisation des lagons avec la participation de la communauté des pêcheurs et autres utilisateurs du lagon. "L'ESA Bill est toujours attendu pour préserver nos trésors naturels. Le dernier projet en date derrière Store 2000 à Grand-Baie - j'avais même partagé une vidéo faite par un internaute qui a alerté l'opinion publique - où l'on faisait une construction sur un wetlands."
Joanna Bérenger souligne qu'il y a des solutions pour pallier les problèmes de pollution et ainsi préserver les écosystèmes en danger. "À ce titre, je salue bien bas l'initiative et le super travail de Foodwise mais il faut faire des campagnes concernant la surconsommation." Surtout lorsqu'on voit les répercussions de l'incendie qui a éclaté à Mare-Chicose, le 22 novembre. "Mare-Chicose est saturé et nous avons un réel problème de gestion de déchets. Plus de la moitié de ceux-ci sont des déchets 'verts' et peuvent être compostés. Cela pourrait être une première étape à mettre sur pied pour soulager ce site d'enfouissement." Par la suite, elle propose l'introduction du tri sélectif, qui devient même une urgence. "Avec plus d'unités de recyclage, et en parallèle, il faut réduire la production de déchets et responsabiliser les producteurs."
Autre sujet qui fait grincer des dents: l'état des forêts mauriciennes. La députée mauve n'est pas la seule à mettre le doigt sur le problème. C'est aussi le constat du directeur de la conservation à la Mauritian Wildlife Foundation, Vikash Tatayah. "Au bas mot, il ne resterait que 12 à 15 % de forêt à Maurice. Des études faites en 1997 dans le rapport Page/Gabriel D'Argent faisaient mention de 2 % de forêt de bonne qualité. Vingt-cinq ans plus tard, on doit être à 1,3 %. Les choses ont empiré." Il salue néanmoins ceux qui essaient de faire des efforts pour restaurer certains milieux. "Comme les petites parcelles au Parc National, ou encore dans les îles Ronde et aux Aigrettes. Aussi à Rodrigues, comme à Grande-Montagne ou Anse-Quitor. Il y a également des projets privés comme la Vallée de Ferney, Chamarel ou encore la forêt à Bel-Ombre."
Mais c'est trop peu. Car la destruction se poursuit. "J'implore le gouvernement de prendre des actions immédiates. Il faut stopper la déforestation." D'autant plus qu'il y a comme une nouvelle mode, celle d'acheter des terrains en montagne pour construire des maisons et des chalets. "Il faut voir de Yemen jusqu'à Bel-Ombre, le nombre de forêts qui ont été détruites. Et puis, on s'étonne que l'on ait des inondations à Maurice et l'on constate une perte de la biodiversité."
Même son de cloche du côté de Joanna Bérenger. "Il ne nous reste que peu de forêts endémiques en bonne santé et le gouvernement continue la déforestation pour des projets en béton comme le Metro Express, Legend Hill, la route à Chamarel ou encore la nouvelle autoroute sur la Vigie."
La grande question est de savoir comment Maurice va s'y prendre pour protéger 30 % de la planète, restaurer 30 % des écosystèmes et cela d'ici à 2030. Pour Vikash Tatayah, tout réside entre les mains du gouvernement. "Beaucoup d'accent a été mis lors de cette COP15 sur les gouvernements. Ils ont la responsabilité de prendre les actions appropriées." Mais pour l'heure, on semble mal parti, soutient notre interlocuteur. "On ne peut restaurer une centaine d'hectares de forêt et en perdre des milliers pour des projets. C'est au gouvernement de stopper cela."
Nous avons sollicité une réaction du ministre de l'Environnement à ce sujet, mais nos demandes sont restées vaines. Nous avons également contacté le ministère de l'Agro-industrie, et nous sommes dans l'attente d'une réponse. À savoir que Maurice était représenté lors de cette COP15 au Canada par le directeur du National Parks and Conservation Service, Kevin Ruhomaun.