Cote d'Ivoire: Kouadio Konan Bertin (ministre de la Réconciliation nationale) - " Unis dans nos diversités, nous pouvons construire une nation forte et prospère "

interview

La 26ème édition de la Journée nationale de la paix couplée à la 1ère édition de la Journée nationale du Pardon et du Souvenir a été célébrée récemment à Duékoué, capitale du Guémon. Dans cet entretien, Konan Kouadio Bertin, ministre de la Réconciliation nationale et de la Cohésion nationale, revient sur les temps forts de cette célébration. Il se réjouit de la contribution des fils et filles de la région autour de cette célébration et appelle les Ivoiriens à l'union pour construire une nation forte et prospère.

Le Patriote : Monsieur le ministre, nous sortons de la célébration de la paix à Duékoué. Au regard de la mobilisation des populations, êtes-vous satisfait des résultats de cette célébration ?

Kouadio Konan Bertin : Permettez-moi, avant de répondre à cette question, de rendre hommage à Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République, architecte de la réconciliation, pour sa vision et son engagement pour la paix et la cohésion entre les filles et fils de la Côte d'Ivoire.

C'est aussi pour moi l'occasion d'adresser mes remerciements les plus appuyés à Monsieur Jérôme Patrick Achi, Premier ministre, chef du gouvernement, pour son implication réelle et sa présence effective à Duékoué.

Pour revenir à votre question, selon les retours que nous enregistrons, cette célébration de la 26ème édition de la Journée nationale de la Paix couplée à la 1ère édition de la Journée nationale du Pardon et du Souvenir a connu un grand succès en ce sens que cette cérémonie officielle a enregistré une mobilisation exceptionnelle des élus, des cadres et des populations des régions du Guémon, du Cavally et du Tonkpi, en somme du District autonome des Montagnes, auxquels il faut ajouter les membres du corps préfectoral, les représentants des partis politiques, les autorités traditionnelles et religieuses, les associations de jeunes et de femmes, les associations des victimes des crises, les ressortissants de la CEDEAO... C'est la Côte d'Ivoire dans sa diversité et terre d'hospitalité qui s'est rassemblée pour célébrer dans l'union, sa valeur cardinale qu'est la paix, notre " seconde religion " comme aimait à le dire le père fondateur, le Président Félix Houphouët Boigny. J'y ai vu la volonté commune de renouer avec notre âme, notre destin de paix.

Il faut indiquer qu'en prélude à cette célébration, les composantes de cette même population ont pris part à l'ensemble des activités prévues, telles que les ateliers de sensibilisation à la culture de la paix, l'éducation au civisme et à la cohésion sociale, et les valeurs universelles de la démocratie. La conférence sur le foncier animée par le Directeur Général de l'Agence Foncière Rurale (AFOR) sur le thème : " la sécurisation foncière, gage de paix et de cohésion sociale " a été une séquence mémorable. En effet, chacun des 222 villages y était représenté par le chef du village, le chef de terre, le président des jeunes et la présidente des femmes. De 10 heures à 19 heures, cet auditoire représentatif des terroirs a suivi avec une attention soutenue, l'exposé du directeur général de l'AFOR. Au cours des débats, ils ont posé de multiples questions pour mieux comprendre le dispositif législatif et réglementaire mis en place par l'Etat pour traiter les questions du foncier rural et urbain. Cette conférence a permis de dissiper les mensonges et autres intoxications visant à faire croire que l'Etat est indifférent voire absent face à la problématique foncière. L'exposé du conférencier et les réponses apportées ont apaisé les populations qui ont laissé éclater leur joie à travers une salve d'applaudissements à la fin de la conférence.

La séance de thérapie communautaire a une fonction cathartique. C'est une prise de conscience par laquelle le sujet se remémore les événements traumatiques passés, les revit puis les dépasse en vue d'aboutir au pardon. Les femmes victimes de violences pendant les crises sont restées dignes, ont évacué tout esprit de haine et de vengeance pour transcender leurs douleurs physiques et morales en vue d'accorder leur pardon et aller à la réconciliation.

La pose de la 1ère pierre pour la reconstruction de deux (02) salles de classes à l'école primaire publique du quartier Duékoué Carrefour et l'inauguration du point d'eau de la mosquée Meïté du quartier Kokoman, s'inscrivent dans les activités de réparation communautaire pour mettre à la disposition des populations fragilisées par les destructions, des équipements sociaux de base. C'est une réponse globale qui s'inscrit dans la stratégie de la réconciliation et de la cohésion sociale prônée par le gouvernement et mise en œuvre par mon département ministériel. Quant à la marche blanche pour la paix, c'est la symbolique du chemin que nous devons parcourir ensemble dans la cohésion pour bâtir une paix durable.

Par ailleurs, il faut noter la présence massive des populations au cours des activités cultuelles, avec la prière à la mosquée principale de la ville de Duékoué, le vendredi 11 novembre 2022, marquée par la lecture coranique en faveur de SEM Alassane Ouattara, Président de la République et pour la paix en Côte d'Ivoire, ainsi que la messe pour la paix, le dimanche 13 novembre 2022 à la Paroisse Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus de Duékoué.

En outre, la mobilisation des composantes de la population a été observée avec la forte implication des initiés et des tenants de la tradition dans la conduite des rituels de purification qui témoigne de leur sincérité et de leur l'adhésion. Ces rituels de purification voulus par les tenants de la tradition et réalisés grâce à l'accompagnement financier du Chef de l'Etat, sont une réponse forte à l'attente légitime, pour apaiser les âmes des défunts, laver la terre souillée par le sang versé, expurger des consciences les fantômes mortifères et conjurer l'esprit de mort et de violence. Témoin privilégié de ce dialogue dans le bois sacré avec les âmes des ancêtres Wê, les forces telluriques et cosmiques, je puis affirmer que nous avons franchi un cap important dans la reconstruction intégrale des femmes et des hommes de la région du Guémon.

Ces cérémonies de purification ont permis, selon la tradition, de soulager les meurtrissures, de guérir les douleurs, la tristesse et les incertitudes nées des multiples violences enregistrées durant la période de crise. Elles ont une fonction d'expiation du mal qui conduit à la survenue des crises. La solennité de ces rituels est la preuve que les populations de la région du Guémon ont résolument tourné la page, en faisant le deuil du passé, pour se projeter vers un avenir de paix et de concorde.

LP : Avez-vous le sentiment d'avoir réussi à essuyer les larmes des populations de Duékoué qui attendaient cette cérémonie ?

KKB : Je voudrais faire noter que des séances d'écoute ont été organisées par les services compétents du ministère de la Réconciliation et de la Cohésion nationale, des mois durant, dans les 23 sous-préfectures de la région du Guémon. Celles-ci ont permis de cerner les préoccupations des populations.

Au cours de ces séances, elles ont exprimé leurs ressentis et leurs attentes, toutes choses qui ont permis d'orienter les réponses à apporter, à savoir la compassion de l'Etat de par la présence effective de Monsieur le Premier ministre et des membres du gouvernement, la promesse de la restitution des corps des victimes de la crise post-électorale de 2011 et la dissipation du sentiment de rejet observée au sein de la population.

Les attentes sont très fortes et les réponses de l'Etat ont été dans le sens du soulagement et de la consolation de la population.

LP : Le Premier ministre Patrick Achi, chef du gouvernement, a fait des annonces fortes à Duékoué le 15 novembre dernier. Pensez-vous que ces mesures contribueront à tourner définitivement la page de la crise post-électorale dans cette localité ?

KKB : Les mesures annoncées par le Premier ministre participent des actions régaliennes d'un Etat vis-à-vis de ses populations. Duékoué a droit au développement au même titre que l'ensemble des localités de la Côte d'Ivoire, sans que cela ne soit lié à une crise fut-elle post-électorale. Par conséquent, toutes ces mesures sont à saluer d'autant qu'elles contribueront au relèvement socio-économique de la région du Guémon.

Aujourd'hui, l'état d'esprit favorable des populations à l'issue de la célébration entretient l'espoir d'un lendemain meilleur. Avec la paix retrouvée, nous irons ensemble plus loin. J'ai vécu pendant une semaine en immersion dans la région. J'ai rencontré et écouté les hommes et les femmes de diverses conditions, les chefs de terre et de villages, les élus, les cadres, les religieux, les allochtones et les allogènes. Tous n'aspirent qu'à la paix pour bénéficier du développement réalisé par le Président Alassane Ouattara et le gouvernement. L'Etat se tient à leurs côtés pour développer la région du Guémon si riche en potentialités.

LP : Vous avez rencontré lors de cette journée de la paix à Duékoué plusieurs couches de la société à savoir les chefs traditionnels et les jeunes. Ces derniers vous ont-ils transmis des messages particuliers à l'endroit du chef de l'Etat Alassane Ouattara ?

KKB : L'opportunité d'une rencontre des chefs traditionnels, garants de la tradition, et des jeunes, espoirs de la nation, avec un ministre de la République est un signal fort du Gouvernement de maintenir un dialogue social permanent.

Nous demeurons toujours à l'écoute des populations. Nous avons effectivement enregistré des doléances. Toutefois, permettez que je réserve la primeur de ces messages particuliers au Chef de l'Etat.

LP : Vous semblez très satisfait des résultats et attentes de cette journée de la paix à Duékoué. L'implication des cadres et élus n'est-elle pas la clé de ce succès ?

KKB : Dans toutes nos régions, le leadership des cadres est indéniable. Ce sont eux qui initient et accompagnent les projets de développement, et qui généralement constituent les relais des partis politiques nationaux. Ils sont donc très écoutés et leurs avis comptent dans l'adhésion des populations à une cause.

Les cadres et élus de la région du Guemon n'échappent pas à cette réalité. Fort heureusement, à la faveur de l'organisation des Journées nationales de la Paix, du Pardon et du Souvenir, ils ont su se départir des intérêts partisans pour ne privilégier que le développement de leur région. Transcendant les divergences politiques, ils se sont mobilisés en amont et en aval et ont été les fers de lance de cette organisation. Ce succès, je le leur dois en partie. C'est la preuve qu'unis dans nos diversités, nous pouvons construire une nation forte et prospère.

LP : On a pu voir l'ex-ministre Kahé Eric ainsi que le député Oula Privat et le président du conseil régional Serey Doh main dans la main, alors qu'on les annonçait très opposés. Comment êtes-vous parvenu à arracher leur présence lors de cette journée ?

KKB : Au sortir des crises, la méfiance s'est installée au point où les frères d'hier n'osaient plus se fréquenter. Aussi, en ma qualité de ministre de la Réconciliation et de la Cohésion nationale, ma mission, qui consiste à bâtir des ponts entre les hommes en vue de les mettre ensemble m'a conduit à faciliter les rapprochements de certains cadres.

Il faut rappeler, s'agissant du ministre Kahé Eric, du député Oula Privat et du président du conseil régional Serey Doh, que ceux-ci ont entretenu des liens fraternels avant d'être en politique. Dans une région comme Duékoué, où le poids de la tradition demeure vivace, les valeurs culturelles comptent dans toutes relations humaines.

Je leur ai rappelé cela et aussi fait comprendre l'intérêt de privilégier le développement de leur région au détriment de toute autre considération.

Ce sont tous ces leviers qui ont facilité la présence de ces personnalités à la cérémonie de Duékoué.

LP : La paix et la réconciliation sont désormais une réalité en Côte d'Ivoire. Charles Blé Goudé regagne la Côte d'Ivoire ce 26 novembre 2022, à quelques jours de son arrivée, avez-vous un message à l'endroit de ce fils du pays et que diriez-vous de votre mission à la tête du ministère de la Réconciliation nationale ?

KKB : Le retour de Charles Blé Goudé traduit la volonté de Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République, de voir les filles et fils de la Côte d'Ivoire réunis pour son développement.

Cette volonté s'est matérialisée par la remise du passeport du concerné le 30 mai 2022 et son retour concerté avec les autorités.

Pour ma part, c'est une invitation lancée à Monsieur Charles Blé Goudé à saisir la main tendue du Chef de l'Etat et à s'inscrire résolument dans le processus de réconciliation et de cohésion nationale.

Il faut noter que ma mission à la tête du ministère de la Réconciliation et de la Cohésion nationale est une mission exaltante qui s'inscrit dans la vision du Président Alassane Ouattara qui en est l'architecte.

Je suis par conséquent un instrument de la mise en œuvre de cette vision de paix et de cohésion nationale pour " Une Côte d'Ivoire Solidaire "

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