La crise humanitaire due aux affrontements entre l'armée congolaise et le Mouvement du 23 mars (M23) dans le territoire de Rutshuru, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), demeure préoccupante. Dans les sites d'hébergement des personnes déplacées, l'ampleur des besoins reste grande. Différents acteurs humanitaires poursuivent leurs actions pour répondre à ce drame. Fin décembre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a organisé une distribution de nourriture et une assistance financière respectivement à 47 950 et 44 910 personnes.
Kanyaruchinya, territoire de Nyiragongo, province du Nord-Kivu, est de la RDC.
Comme dans chacune de ses activités, le CICR a privilégié l'écoute et la participation des communautés concernées par cette assistance afin de mieux comprendre leurs besoins, vulnérabilités et capacités, de recueillir leurs avis sur leurs priorités et d'y répondre. Ses équipes sont restées en interaction avec les familles déplacées avant, pendant et après la distribution des vivres. Cette communication transparente a permis d'offrir une aide qui reflète les besoins réels ressentis par ces personnes touchées par la crise sécuritaire dans le territoire de Rutshuru.
Depuis l'intensification des affrontements entre le Mouvement du 23 mars (M23) et l'armée congolaise dans le territoire de Rutshuru, au mois d'octobre dernier, un bon nombre de familles qui s'étaient déplacées pour s'installer dans le camp de Kanyaruchinya n'avaient reçu aucune aide en nourriture. L'attente était visiblement grande.
Avec l'aide des volontaires de la Croix-Rouge de la RDC, le CICR a distribué des vivres à 47 280 personnes (déplacées et membres de familles d'accueil). Il a remis à chaque famille un sac de riz de 25 kg, 12,5 kg de haricots, 5 litres d'huile et 1 kg de sel. Le CICR a procédé au même type d'assistance dans la ville de Goma pour 670 personnes.
Des milliers de personnes déplacées se sont dirigées vers le pied du Mont Nyiragongo où était distribué la nourriture. Avec patience et discipline, elles ont respecté les consignes données par les volontaires de la Croix-Rouge de la RDC. L'assistance était donnée sur base des listes établies lors des opérations d'enregistrement réalisées au préalable.
" Mon calvaire a commencé depuis mon arrivée ici il y a 2 mois et quelques semaines. Avec mon handicap, je peine à nourrir ma famille ", explique Jean de Dieu Kasiki, déplacé en provenance de Kisigari, tout en gardant un sourire qui dissimule sa souffrance.
" Ici nous n'avons pas de champ, c'est vraiment compliqué. II faut que la guerre cesse pour que nous rentrions chez nous ".
Jean de Dieu a reçu une assistance en nourriture. Au vu de sa situation de handicap, les volontaires de la Croix-Rouge de la RDC l'ont aidé à transporter les vivres reçus jusque dans le hangar où il a pu trouver de la place pour sa famille. " Ici, nous dormons à même le sol. Nous n'avons même pas de natte ", regrette-il.
La vie quotidienne sur ce site de déplacés n'est pas de tout repos. Les communautés qui ont fui les affrontements armés ont presque tout laissé derrière eux : champs, bétails, nourriture, biens essentiels, etc. Sans moyens de subsistance, il faut se débrouiller pour survivre. Beaucoup s'adonnent à des travaux journaliers mais ces derniers sont de plus en plus rares vu le nombre exponentiel de déplacés. Ainsi, le revenu des ménages (déplacés et familles d'accueil) demeure faible. Le coût lié à la consommation alimentaire ne dépasse pas une moyenne de 2 000 FC (environ 1 dollar américain) par jour.
Dans ce site qui a accueilli des milliers de personnes déplacées non loin du camp des sinistrés de l'éruption du volcan Nyiragongo de juin 2021, l'environnement demeure insalubre. La situation s'empire lorsqu'il pleut. De petites cases de fortune, qui servent d'abri pour ceux qui n'ont pas trouvé de la place dans des écoles, églises et autres campements, sont généralement envahies par les eaux de pluie. Les occupants sont ainsi exposés aux maladies. Des cas de choléra ont été signalés.
Kanyabayonga, sud du territoire de Lubero, province du Nord-Kivu, est de la RDC.
Dans cette région, acheminer de l'aide humanitaire était soumis à différentes contraintes. Plusieurs zones n'offraient pas de garanties sécuritaires requises pour des activités d'assistance et les routes n'étaient pas praticables à la suite des éboulements dus à la saison pluvieuse. Avec ces difficultés d'accès et de sécurité, une assistance en nature était difficilement réalisable. Le CICR a donc opté pour une aide en espèces en faveur de 44 910 personnes (déplacées et membres de familles d'accueil). " Cette assistance financière va contribuer à baisser les tensions qui existaient déjà entre les déplacés et les familles d'accueil ", s'est réjoui Kambale Muhindo, chef de quartier Kikyo, dans le sud Lubero. " Les déplacés ne vont plus peser sur les autorités et la population de ma localité. Désormais ils sont autonomes ".
" Cette fois-ci je peux me reposer ", s'est exclamée Kavugho Kifukutu en vérifiant le contenu de l'enveloppe reçu dans le cadre de l'assistance financière organisée par le CICR.
Veuve, elle a accueilli chez elle 8 personnes déplacées venues de Kiwanja, dans le territoire de Rutshuru, fuyant les accrochages entre l'armée congolaise et le M23. Assurer la survie de sa propre famille et celle des arrivants était devenue un poids difficile à supporter.
" Je donnais des coups de mains dans les champs d'autrui pour gagner journalièrement 2 000 Francs congolais, soit 1 dollar américain. Le peu de nourriture qu'on achetait était servi aux enfants qui sont plus vulnérables ", confie-t-elle.
Avec l'aide en espèces reçue, Kavugho compte lancer un petit commerce, acquérir son propre champ et se procurer quelques biens de ménage.