À l'arrivée des Français à Madagascar, en 1895-1896, Mananjary, ville antambahoaka, est déjà un centre important et un port qui fonctionne normalement. D'après Armand Raomelina (Notes sur les Antambahoaka, 1969), elle est dès lors choisie par les colons comme centre d'exploitation commerciale, agricole et industrielle. " Son prestige n'a cessé de s'accroitre au rythme de l'affluence européenne. "
Durant la colonisation, Mananjary continue à jouer ce rôle important. En tant que circonscription administrative, elle est tour à tour chef-lieu de province, chef-lieu de région, chef-lieu de district délégué et chef-lieu de district.
Sous la première République, elle devient chef-lieu de préfecture dont l'autorité s'exerce sur huit postes de commandement. À savoir, la sous-préfecture de Mananjary avec deux arrondissements, Vohilava et Antsenavolo; celle de Nosy-Varika avec un arrondissement, Ampasinambola; celle d'Ifanadiana avec l'arrondissement d'Ambohimanga-sud; et la sous-préfecture de Fort-Carnot.
Si Mananjary est érigée, le 24 octobre 1923, en commune de moyen exercice elle devient commune de plein exercice, le 15 mai 1959. " On n'hésite pas à affirmer que son plein épanouissement date de 1967." C'est cette année-là qu'elle a ses armoiries et dispose d'un Hôtel de ville convenablement monté.
" Les diverses influences subies de longue date font de Mananjary plutôt une ville urbaine. " Vaincus dans une lutte inégale d'influence, la plupart des habitants perdent leurs terrains de cultures au profit des colons et dès lors, " ils sont désorientés de l'indépendance rurale ". Beaucoup doivent ainsi leur existence aux Maisons de commerce, en particulier aux opérations maritimes.
" Il est pourtant regrettable que, quoique bien relié au centre de l'ile par une bonne route, le port de Mananjary voit ses opérations se ralentir au bénéfice de celui de Manakara. Et quelle catastrophe si jamais il cesse de fonctionner régulièrement ! " À noter que Mananjary, avec les sous-préfectures de Nosy-Varika et d'Ifanadiana, est l'un des plus grands centres de production de café de toute l'ile.
Concernant sa population, le recensement de 1967 constate que ses habitants sont en grande partie formés d'Antambahoaka, tout au moins pour le quart. Le reste est inégalement représenté par tous les groupes ethniques de la Grande ile, dont les plus nombreux sont les Antemoro, les Betsileo et les Betsimisaraka. Son organisation sociale, notamment celle de la ville ancienne, est basée sur la tradition antambahoaka. " Les Antambahoaka sont attachés à tout ce qui relève des ancêtres. Le régime patriarcal divise la population en quatre clans placés respectivement sous l'autorité des Mpanjaka (patriarches). "
Le Mpanjaka, toujours de sexe masculin, est désigné au cours d'un grand kabary du clan parmi les doyens d'âge qui, dès l'âge viril, respectent avec dévotion toutes les traditions ancestrales et sont initiés à tous les rites. Il dirige toutes les relations civiles dans le clan. Prêtre de droit pour le culte des ancêtres, il est l'intermédiaire entre les morts et les vivants. Et comme chef temporel, il est un auxiliaire indispensable de l'autorité locale pour intercéder entre le peuple et l'administration locale.
C'est surtout dans les cérémonies qu'il se distingue des autres, en revêtant sa tenue patriarcale : " En tunique pourpre, il est alors coiffé d'un chéchia rouge et drapé dans une grosse soie crème à grandes rayures rouges et noires. " Sa maison d'habitation est à la fois salle de réunion pour le clan, de temple pour le culte des ancêtres, de maison des vivants et des morts. Elle est bâtie sur un modèle antique immuable : case rectangulaire sur pilotis, sans véranda, toit à deux pentes, toiture en feuilles de ravinala, parois en falafa, plancher en écorce de ravinala étalée en guise de planches. Le toit est surmonté de bâtons de bois croisés, portant une image d'oiseau de mer sculpté. " Cette pièce unique est constamment chauffée par un foyer interne : les mânes des ancêtres ont horreur des maisons sans feu. "