La finance verte est à la mode. Mais que cache réellement ce concept ? L'expert financier et en Trading, Meïssa Lô, apporte des éclairages en abordant les différents contours, exigences et profits.
Finance verte, finance durable... Ces concepts sont à la mode, réunissant souvent des experts dans des ateliers ou séminaires. Mais qu'est-ce qui se cache derrière ces termes ? Selon Meïssa Lô, expert financier, la finance et l'économie vertes ne sont rien d'autres que des techniques financières et une gestion économique visant à s'appuyer sur des notions et pratiques durables dans le but de produire des biens et services sans abuser de l'utilisation des ressources non renouvelables et sans une forte pollution ou production de déchets. Le changement climatique a remis au-devant de l'actualité cette préoccupation. " Les nombreuses crises traversées ces dernières années, entre catastrophes naturelles, crises sanitaires et conséquences du réchauffement climatique, nous montrent l'urgence de réfléchir sérieusement sur des modèles de vie sur terre qui prennent suffisamment en compte les risques de dégradation de la nature au profit de l'usage de certaines ressources naturelles non renouvelables ", estime l'expert en Trading. C'est pour, éclaire-t-il, aborder les défis du développement et répondre aux besoins des populations contemporaines tout en préservant une planète saine pour les générations à venir. " Nous avons cette lourde responsabilité d'en faire même le cœur de métier ou programme politique de tous les gouvernements et organisations internationales. Et pour ce faire, il n'est pas question de réinventer la finance et l'économie mondiale, mais juste les réadapter selon les réalités géographiques, culturelles et climatiques observées déjà dans des études réalisées un peu partout dans le monde ", souligne M. Lô.
Réussir la transition
En effet, observe-t-il, l'utilisation abusive de certaines ressources naturelles a entrainé le tarissement de certains produits (halieutiques, énergétiques, etc.), un pic de pollution occasionnant des maladies (respiratoires, cancéreuses) et une grande production de déchets dégradants, dans certains pays, les conditions de vie des riverains ou toute la population en générale, sans compter les conséquences des catastrophes naturelles qui sont à l'origine des exodes et immigrations. Ainsi, poursuit-il, l'urgence est de réfléchir à une nouvelle chaine économique et se départir de celle classique consistant à " extraire, fabriquer, consommer, jeter ". " Donc, la ruée vers ce modèle économique s'explique aisément car il est question maintenant de survie et de sauvegarde de la planète, pour nous qui y vivons et ceux qui viendront après nous ", résume M. Lô. Cependant, il est fondamental de veiller à la réussite de cette transition. Elle est d'ailleurs enclenchée, selon lui. Il en veut pour preuve, la création de certains ministères écologiques ou de transition écologique, et aussi le fait, qu'aujourd'hui, cette question est primordiale dans les programmes politiques de tous les hommes politiques ou leaders de ce monde. " Financièrement, nous avons constaté de plus en plus de création de fonds d'investissement verts spécifiquement orientés vers le financement des projets ou entreprises qui tiennent compte de ces questions et enjeux écologiques. Socialement, nous pouvons aussi noter de plus en plus la création de mouvements et associations (Ong, Clubs d'influence, etc.) qui œuvrent pour préserver et sensibiliser les populations sur l'utilité d'être soucieux des questions à fort impact environnemental ", explique Meïssa Lô.
Pas de concurrence avec la finance classique
La finance verte concurrence-t-elle la finance classique ? Meïssa Lô n'en est pas convaincu. " Je doute que la finance verte puisse concurrencer ou reléguer au second plan la finance classique. À mon avis, ces deux modes de financement sont complémentaires et on finira par ne parler que la finance tout court une fois que ces questions d'ordre écologique seront suffisamment et définitivement intégrées et prises en compte dans toutes les branches de la finance classique ", argumente l'expert. Pour lui, ce sont des questions nobles, légitimes et importantes, et que si elles ne sont pas traitées dès maintenant, la finance classique même aura du mal à exister car plus aucune ressource (humaine, naturelle ou matérielle) ne pourra être utilisée à bon escient et permettre une création de valeur ou de richesse. C'est pourquoi, dit-il, l'heure est déjà grave et ce qui est important pour les entreprises, fonds d'investissement ou autres services, c'est de faire des profits, mais dans un espace exploitable où une partie de la chaine économique classique ne fait pas défaut. " Car si on parle de consommation, elle est une partie importante dans un cycle économique, et cela n'est possible que dans un environnement non dégradé où la vie est possible. Adapter les stratégies de financement ou sa politique financière selon les enjeux écologiques locaux doit être dans le tableau de bord de tout projet d'investissement ou dans toutes les politiques d'orientations stratégiques des entreprises ", suggère M. Lô.
Des investisseurs de plus en plus exigeants
Avec cette nouvelle donne, Meïssa Lô estime qu'il est clair que les investisseurs sont de plus en plus exigeants sur ces questions et misent plus sur les projets à fort impact social et environnemental. " Les fonds d'investissement dans le monde pèsent, selon le Fonds monétaire international (Fmi), 50 000 milliards de dollars dont les fonds verts qui œuvrent pour une finance et économie de plus en plus verte. Rien que pour lutter contre la pollution, le Fmi estime que plus de 20 000 milliards de dollars seront nécessaires dans les deux prochaines décennies afin de réussir la transition verte, c'est-à-dire le passage à des émissions nettes, nulles de gaz à effet de serre. Mais, le processus de levée de fonds et de financement exige quand même un sérieux engagement, de sorte que toute entreprise qui fait recours au financement via les fonds d'investissement verts et dévoyant ensuite le projet, en paiera les conséquences ", analyse le spécialiste. Dans ce combat pour la transparence et la traçabilité des fonds, Meïssa Lô est d'avis que les agences de notation aussi jouent pleinement leur rôle de garde-fou dans cette chaine de financement, dans la mesure où leur notation impacte le choix de l'investisseur. " Et si toutefois certains engagements ne sont pas respectés, la dégradation de la note d'une entité (États, entreprises ou fonds d'investissement) aura un fort impact sur le facteur risque et la capacité à se faire financer une prochaine fois. Donc, je dirai oui effectivement pour bénéficier de ces types de financement, beaucoup d'entreprises et États ont réorienté leur stratégie de financement pour séduire les fonds verts, mais les actions opérationnelles de développement doivent être cohérentes avec l'attente des militants d'un monde plus responsable et équilibré ", dit-il. Ainsi, conclut l'expert, l'évaluation des impacts de leur action sur la société et sur les combats écologiques est un élément important dans leur stratégie de financement ou non de tout ou en partie d'un projet, puisque l'objectif de ces fonds d'investissement, c'est d'influer sur les pratiques et politiques.
Une offre de formation qui s'adapte
Devenue incontournable, la finance verte prend place dans les curricula. Pour Papa Diallo, Directeur de l'Institut supérieur des finances (Isf), l'ambition pour son établissement est d'être un acteur majeur de premier plan dans l'enseignement de ces nouveaux domaines de la finance en Afrique et dans le monde dans un contexte économique marqué par la convergence des marchés où la concurrence est de plus en plus rude. " Concernant la finance durable, l'Isf a mis en place une Académie dédiée qui couvre l'ensemble des segments du domaine avec une offre de formations très structurée, permettant de prendre en charge les différents besoins du domaine. À cet effet, nous allons proposer, dès cette rentrée académique 2022-2023, une formation conduisant à un diplôme de Master, des formations modulaires, des séminaires, des formations certifiantes en plus des conférences en présentiel ou en ligne ", informe-t-il. Cela permettra, selon lui, aux étudiants dans ce domaine de bénéficier d'un des meilleurs enseignements internationaux dans le domaine et de positionner l'Afrique de l'Ouest comme un centre reconnu de durabilité au niveau international aussi bien pour les entreprises que pour les collectivités. À côté, il y aura, d'après lui, une Académie du développement durable qui a, dans son portefeuille, la mise en place d'un centre d'incubation, d'une cellule d'assistance-conseil aux entreprises et aux Etats et d'une plateforme pour faciliter la levée de fonds et le financement des projets qui ont un caractère de durabilité tout en bénéficiant de transfert de connaissance et de réseaux des meilleurs spécialistes internationaux dans le domaine.