Il fallait s'y attendre. Le mois de décembre est toujours synonyme de consommation. Et qui dit consommation, dit circulation effrénée d'argent. Résultat des courses : l'explosion inévitable de la masse monétaire. Celle de ce mois est estimée à plus de Rs 48 milliards par les spécialistes.
Ces derniers attribuent cette hausse à des facteurs conjoncturels dus au gonflement de la masse salariale en raison du paiement du 13e mois aux salariés du public et du privé et autres rémunérations. Et comme ils sont couplés à différents bonis, une masse d'argent entre dans le circuit découlant des transactions commerciales de fin d'année des principaux secteurs économiques. "Pour le mois de décembre, il faut compter additionnellement entre Rs 2 milliards et Rs 3 milliards. Encore que cette année il y a eu l'allocation CSG de Rs 1 000 à ceux touchant un salaire moins de Rs 50 000 mensuellement", affirme Azad Jeetun, économiste et ex-directeur de la défunte MEF.
Or, si en décembre 2021, la masse monétaire en circulation était chiffrée à Rs 50,2 milliards, celle de 2019 et 2020 était relativement inférieure, soit respectivement Rs 43 milliards et Rs 46 milliards, d'après les données de la Banque centrale. En l'absence des statistiques pour le mois dernier, qui seront publiées par la Banque de Maurice (BoM) à la fin de ce mois, on ne relèvera qu'en novembre 2022, la totalité d'argent dans le circuit monétaire était de Rs 44 milliards et que la moyenne en 2022 se montait à Rs 46 milliards.
En fait, contrairement aux précédentes périodes de fin d'année où la barre de Rs 50 milliards de masse monétaire était franchie, on assiste à une circulation moindre d'argent durant le 12e mois de l'année. Sans doute, le besoin d'économiser pour la période de vaches maigres couplée à la baisse du pouvoir d'achat de la majorité des ménages en raison de la flambée des prix des produits de consommation de base liés aux effets inflationnistes de la guerre en Ukraine est pour quelque chose dans les comportements d'achat de la population.
Risques inflationnistes
Faut-il pour autant craindre des risques inflationnistes avec une telle masse monétaire en circulation ? Des observateurs économiques comme des dirigeants des associations des consommateurs estiment que les risques d'une nouvelle poussée inflationniste sont réels alors même que l'inflation en glissement annuel s'élevait en novembre 2022 à 12,1 %.
Il va de soi que les quatre hausses successives du taux repo l'année dernière par la Banque de Maurice, totalisant 265 points de base, soit 2,65 % et ramenant le taux directeur à 4,5 %, a impacté négativement sur le niveau d'endettement des ménages. Résultat : une augmentation substantielle du montant de remboursement des prêts bancaires, réduisant ainsi la capacité financière des ménages à s'engager dans de nouvelles dépenses liées à la consommation en cette fin d'année.
Ce qui allégera à terme les pressions sur l'inflation. D'ailleurs, la BoM table sur une inflation en nette baisse, se situant entre 5 et 6 % en 2023, cela découlant de sa politique de normalisation monétaire enclenchée depuis le début de l'année dernière mais aussi d'une tendance baissière des prix des commodités sur les marchés internationaux.
Comme chaque année, l'injection d'une masse monétaire de cet ordre force les opérateurs financiers à proposer des plans d'épargne, les uns plus rémunérateurs que les autres, afin de réduire l'excédent de liquidités sur le marché monétaire. "Il y a fort à parier que tous ces plans n'inciteront pas les familles mauriciennes à épargner, compte tenu du taux d'intérêt historiquement bas, à plus de 2 %, même avec les récentes hausses du taux directeur, car le différentiel reste largement négatif avec une inflation galopante. Du coup, on peut compter sur les doigts d'une main ceux qui vont s'aventurer dans cette voie. Certains sont conservateurs et opteront comme d'habitude pour des dépôts fixes", insiste Azad Jeetun.
Consommation effrénée ou raisonnée, celle-ci fait doper des milliards en cette fin d'année marquée par la nouvelle normalité. Et le temps pour de nombreuses familles de se payer quelques largesses en attendant des lendemains difficiles.