Comme de nombreux établissements pénitentiaires à Madagascar, la Maison centrale d'Antsiranana est confrontée à la surpopulation carcérale.
Elle génère des conditions de vie inhumaines pour les détenus, en créant une promiscuité préjudiciable et en facilitant la propagation de maladies. Ainsi, les conditions de détention dans les prisons antsiranaises sont indécentes. En outre, le surpeuplement carcéral est une contrainte qui pèse notamment sur le travail du personnel pénitentiaire, sur le respect des droits en prison et sur l'organisation de la vie carcérale. Il entraîne aussi le non-respect des droits fondamentaux et du principe de la séparation des détenus. Il favorise la prolifération des maladies, avec un faible accès aux soins de santé .
Les statistiques présentées par le chef d'établissement, le contrôleur d'administration pénitentiaire Gino Raherimandimby, ont montré que la population carcérale a atteint le nombre de neuf-cent-quarante- huit . Or cette prison, bâtie à l'époque coloniale, vers 1850 selon les historiens, a été construite pour accueillir une centaine de détenus. Avec l'actuelle augmentation de la population carcérale, les mesures prises par les gouvernants pour endiguer la surpopulation carcérale demeurent infructueuses. Un projet a été initié pour construire une prison de haute sécurité à Antazoalava, dans le fokontany d'Anamakia, mais il est tombé à l'eau.
Le surpeuplement carcéral a de multiples conséquences néfastes sur la vie quotidienne des détenus, en termes d'accès à la nourriture, à l'eau potable, au matériel de couchage, aux douches, aux toilettes, etc. Il enfreint le respect de l'intimité de ces derniers. Abdou A., porte-parole des détenus, a profité du passage des autorités locales à la Maison centrale avant la fin d'année, pour leur révéler la réalité qu'ils endurent quotidiennement.
"Kongo-mantsina"
A titre illustratif, les détenus sont obligés de faire la file pour se soulager. Au quartier général de cette prison, plus de cinquante détenus entrent dans un même lieu d'aisances (WC), alors que dix personnes par WC sont recommandées. Suite à la surpopulation carcérale, plusieurs détenus dorment ensemble dans un même dortoir trop surchargé, avec toutes les conséquences qui peuvent s'ensuivre. L'envahissement d'un genre de punaises qui émettent une odeur désagréable , connu localement par " Kongo-mantsina", affolent les détenus. Selon les explications, l'établissement pénitentiaire d'Antsiranana a des difficultés pour se débarrasser de ces insectes, même si une séance de désinfection a lieu chaque trimestre. En effet, la prison étant un facteur criminogène, les détenus logés ensemble peuvent se transmettre des techniques de commission des actes criminels.
Sur le plan de l'alimentation , la situation nutritionnelle de l' établissement est totalement déplorable puisque la quantité des repas donnés à chaque détenu est insuffisante. Ils ne mangent pas à leur faim. 70% d'entre eux , plus précisément ceux qui n'ont pas de famille à Antsiranana, ne mangent qu'un demi- saladier de maïs ou de manioc par jour. Et cela n'est pas régulier. Le détenu peut passer un jour ,voire deux, sans manger, ce que les détenus appellent " phénomène de délestage "
Suivant les indiscrétions, le gouvernement alloue au fonctionnement de la prison un montant insignifiant qui ne permet pas de subvenir efficacement aux besoins des détenus. Ce sont généralement les familles des détenus, les confessions religieuses et les organisations non gouvernementales (ONG) tant nationales qu'internationales, qui apportent la nourriture, les habits, aux détenus de la prison centrale d'Antsiranana. Ce phénomène met en exergue une place cruciale occupée par les ONG au regard de la déficience de l'État. En outre, la voiture cellulaire est clouée au sol faute de pièces de rechange . Les gardiens pénitentiaires sont obligés d' emmener une cinquantaine de prisonniers à pied au tribunal. En conclusion, la surpopulation carcérale affecte inévitablement l'ensemble des droits fondamentaux des personnes détenues.