De Bamako où il était le 4 janvier dernier, pour rencontrer le président de la transition malienne, Assimi Goïta, le chef de l'Etat togolais, Faure Gnassingbé, s'est rendu à Abidjan où il a eu, dans la soirée, un échange à huis clos avec son homologue ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO).
Comme on peut aisément l'imaginer, le principal sujet dans sa valise diplomatique, est celui des militaires ivoiriens détenus depuis bientôt six mois au Mali pour mercenariat, selon Bamako, et condamnés en fin d'année à de lourdes peines d'emprisonnement. Des peines qui varient de vingt ans pour les quarante-six soldats encore détenus à Bamako, à la peine capitale pour les trois femmes du contingent jugées par contumace, après avoir été pourtant libérées quelques mois plus tôt pour raison " humanitaire " et qui sont depuis lors rentrées au bercail.
De quoi déboussoler plus d'un observateur qui s'attendait à un happy end dans les délais les plus courts, après le déplacement, le 22 décembre dernier, d'une délégation de haut niveau conduite par le frère cadet du président ivoirien dans la capitale malienne. Une visite officielle qui poussait à l'optimisme quant à une libération très prochaine des infortunés soldats qui se retrouvent au centre d'une polémique et d'une crise diplomatique qui a fortement dégradé les relations entre Bamako et Abidjan.
Deux semaines après le passage de Photocopie et sa délégation à Bamako, la libération espérée des soldats ivoiriens se fait toujours attendre
L'espoir était d'autant plus permis qu'au terme de cette visite de médiation menée par la partie togolaise, un mémorandum de conciliation, à en croire les déclarations des différentes parties prenantes, a été signé dans le sens d'un apaisement et d'un réchauffement des relations qui laissait subodorer un élargissement desdits soldats dans les meilleurs délais. Mais deux semaines après le passage du ministre d'Etat Photocopie (frère cadet du président ADO) et sa délégation sur les rives du fleuve Djoliba, la libération espérée des soldats ivoiriens se fait toujours attendre.
Et pour en rajouter à l'incompréhension des nombreux observateurs qui ne sont pas dans le secret du mémorandum conclu entre les deux parties, cette visite de la délégation ivoirienne en terre malienne semble avoir donné un coup d'accélérateur au dossier pour mieux aboutir à de lourdes condamnations. De là à penser que l'homme fort de Bamako joue quelque peu avec les nerfs du locataire du palais de Cocody, il y a un pas que d'aucuns ne sont pas loin de franchir.
Qu'est-ce qui coince alors, pour que le dossier continue de traîner en longueur ? Qu'est-ce qui coince pour que le médiateur en chef, le président togolais, Faure Gnassingbé, prenne son avion... de pèlerin pour rallier Lomé-Bamako-Abidjan en une journée ? Est-ce pour s'assurer d'éventuelles garanties quant à la parole donnée de part et d'autre dans le cadre du mémorandum secret censé résoudre l'équation ? Ou bien y a-t-il d'autres points d'achoppement ? L'histoire le dira sans doute. En attendant, la Justice malienne a joué son rôle en vidant le dossier.
La balle est dans les camps de Assimi Goïta et de Alassane Dramane Ouattara
A présent, tout porte à croire que la libération des infortunés soldats ivoiriens ne tient plus qu'à une grâce présidentielle. Mais d'où viendra-t-elle et quand interviendra-t-elle ? Bien malin qui saurait répondre à ces questions. De Koulouba ? Ce n'est peut-être pas impossible si Bamako devait trouver son compte dans l'opérationnalisation du mémorandum secret conclu entre les deux parties.
De Cocody ? Cela ne paraît pas non plus impossible si un arrangement devait être trouvé pour permettre aux condamnés de purger leurs peines dans leur pays d'appartenance. En attendant, tout se passe comme si tous les acteurs avaient décidé de donner une chance à la diplomatie dans cette brouille entre deux pays frères, qui n'est pas loin de la crise de confiance.
On peut d'autant plus le croire que même la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui brandissait le bâton contre le Mali si l'ultimatum du 1er janvier dernier n'était pas respecté pour la libération desdits soldats, semble revenue à de meilleurs sentiments en déclarant qu'elle n'envisageait pas de sanctions dans l'immédiat.
La balle est donc dans les camps de Assimi Goïta et de Alassane Dramane Ouattara qui jouent leur crédibilité. Plus encore le président ivoirien qui s'est solennellement engagé à la libération de ses soldats et qui a donné des assurances à ses compatriotes à l'occasion de son message de Nouvel an à la Nation. En tout état de cause, il faut espérer que la situation se dénoue au plus vite, dans l'intérêt des deux pays et de celui de leurs voisins de la sous-région, engagés, tous autant qu'ils sont, dans le combat contre les terroristes qui ne rêvent que d'installer un califat dans leur espace communautaire.