Madagascar: Secteur élevage - Atteindre des objectifs ambitieux

L'écosystème de l'élevage contribue à hauteur de 15 % au PIB national. Le gouvernement souhaite accroitre de façon significative cette part dans les prochaines années, en misant sur la consolidation du secteur et le développement des filières émergentes.

Le secteur de l'élevage joue un rôle économique non négligeable et constitue un premier capital mobilisable pour les ménages ruraux ou périurbains, car il contribue à 60 % à la formation des revenus des ménages. Les analyses confirment que le secteur dispose d'un important potentiel de croissance car la production nationale reste en deçà de la demande et la tendance sectorielle sur le long terme est en baisse. Comparées aux moyennes mondiales, la consommation locale, elle aussi, est très faible.

Pour booster le secteur, les autorités comptent élargir le cheptel bovin à viande pour atteindre 1 580 000 têtes supplémentaires d'ici 2024 et environ 11 800 000 têtes d'ici 2027. Doubler le cheptel de petits ruminants fait parie aussi des objectifs pour passer de 2 912 914 têtes à 5 800 000 têtes en 2024, puis le quadruple d'ici 2027. La consommation nationale de produits laitiers devrait également augmenter sensiblement (10kg/habitant/an en 2024 et le triple en 2027) tout comme la consommation de viande de volaille. Cette dernière filière table sur une production de 151 200 000 têtes dès 2024. Pour la filière porcine, l'objectif est d'accroitre de 25% de l'effectif en passant de 1 780 000 têtes actuellement à 2 200 000 têtes en 2024 et 3 520 000 têtes d'ici 2027.

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Selon les responsables, la stratégie de développement du secteur répond notamment aux problématiques de sécurisation et de traçabilité du cheptel, de déclin génétique, de manque de structuration et de professionnalisation des éleveurs, de mauvaise conduite de l'élevage et de manque d'accès aux intrants et aux marchés. Face notamment aux vols répétés et à l'usage de faux papiers sur les marchés à bestiaux, un vaste chantier de réforme en profondeur est en cours. Avec l'appui du gouvernement et de ses partenaires, le ministère de l'Agriculture et de l'élevage (Minae) a ainsi lancé le système d'identification et de traçabilité du cheptel bovin par l'implantation de boucles électroniques infalsifiables dans les régions. Les résultats partagés font état de plus de 3 000 têtes d'animaux bouclées avec l'appui de la Société financière internationale (SFI) et du projet Casef, sur financement de la Banque Mondiale.

Il a aussi été indiqué que les actions s'intensifient dans l'amélioration de la race des bovins à viande et des vaches laitières, des petits ruminants et de porcs. L'importation de vaches laitières de race performante (Montbéliarde, Normande et Holstein) va se poursuivre avec l'objectif d'importer 5 000 têtes de plus d'ici 2027. " Le ministère, en coopération étroite avec les éleveurs, a pris les mesures nécessaires pour garantir l'alimentation adéquate de ces nouveaux arrivants. À ce jour, plus de 650 ha de zones de pâturage de vaches ont été installées dans tout Madagascar dont 500 ha dans les zones d'élevage ", rapporte-t-on aussi.

Du côté des petits ruminants, 1 200 têtes de chèvres de races Angora à laine et Murciana, destinée à la production de viande, de lait et de laine seront également importées d'ici 2024 et 6 000 tètes jusqu'en 2027. Du côté de l'élevage porcin, l'État s'active pour étendre les zones d'élevage de porcs de race améliorée. Il a aussi été expliqué que l'importation de semences performantes et la promotion de la pratique de l'insémination artificielle répondent à la problématique de déclin génétique. Cinq centres régionaux d'insémination artificielle et deux centres de production d'azote liquide seront opérationnels d'ici 2024. Dans les régions Anosy et Androy, un premier centre d'insémination artificielle est installé à Fort Dauphin avec l'appui de la Banque Mondiale à travers le projet Casef. Un premier centre de production d'azote liquide a déjà été établi dans le Vakinankaratra (Fifamanor). L'ouverture de cinq centres de multiplicateurs de géniteurs, de deux feedlots ainsi que l'installation de 10 000 ha de superficie de zone de pâturage améliorée avec infrastructure d'abreuvement sont aussi en projet.

Tracer une nouvelle trajectoire

Madagascar a organisé le premier Colloque national pour le développement de l'élevage en décembre 2021. Réunissant plus de cent cinquante participants, ce grand rendez-vous a vu la participation de tous les acteurs impliqués dans la formulation d'une nouvelle trajectoire pour ce secteur dont les éleveurs, l'administration, les parlementaires, les Collectivités territoriales décentralisées, le secteur privé et les partenaires techniques et financiers. "Nous avons une obligation de résultats et la ferme volonté de redorer le blason de l'élevage par des résolutions pragmatiques, réalisables et conformes aux attentes présentielles ", a-t-on lancé à cette occasion.

Le colloque a permis aux participants d'échanger de manière constructive sur les priorités et de poser les fondations de son avenir dans le respect des réalités locales, la valeur historique de certaines filières emblématiques, et des impératifs de rentabilité économique et d'utilité sociale de ces filières. Parmi les priorités retenues : la finalisation de la Stratégie de gouvernance intégrée pour développer le Secteur élevage à Madagascar. À ce titre, l'aspect budgétaire pour consolider la stratégie nationale a déjà été dessiné.

Notons aussi les débats thématiques qui ont marqué ce colloque, notamment sur les opportunités d'investissement du secteur élevage et la contribution du secteur élevage à l'atteinte des objectifs de sécurité alimentaire. Une table ronde a permis de réunir les bailleurs de fonds susceptibles de participer au financement du plan de relance du secteur. Quant au président de la République, Andry Rajoelina, il a souligné que le gouvernement est à l'écoute et soutient les éleveurs, avant d'ajouter que des efforts importants ont été déployés comme la prise en charge par l'État des taxes pour l'affrètement des matériels pour l'élevage, le renforcement de la lutte contre l'insécurité ou encore l'utilisation de nouvelles technologies pour la surveillance des animaux d'élevage.

Rappel a aussi été fait que le secteur contribue aussi à la réalisation des Velirano du président de la République relatifs à l'emploi décent pour tous, l'industrialisation de Madagascar et à l'autonomisation et la responsabilisation de nos territoires. Pour sa part, le vice-ministère chargé de l'Élevage a noté que, face aux différentes problématiques de faible performance de la production nationale, d'insécurité, de faiblesse de la consommation, de rareté des débouchés à l'exportation, aux menaces sanitaires ... , l'heure est à l'accélération du redressement du secteur avec l'appui de ses partenaires et en collaboration avec le secteur privé.

En outre, l'évènement a permis d'avancer dans les échanges sur la modernisation du secteur de l'élevage à travers notamment la transformation numérique. C'est dans ce cadre que confirmation a été donnée que le secteur est bénéficiaire du programme d'appui à l'innovation et à la digitalisation des systèmes agroalimentaires à Madagascar.

Valorisation et formation au menu

Un an, jour pour jour, après la tenue du Colloque national sur l'élevage, les responsables institutionnels, acteurs du secteur et le grand public se sont donnés rendez-vous dans le cadre de la première édition de la Foire internationale de l'élevage et de la production animale à Madagascar " FIEPA ", qui s'est tenu du 8 au 11 décembre au Kianja Barea à Mahamasina, à Antananarivo. Une occasion pour les responsables de valoriser le secteur, de présenter les avancées enregistrées et de rappeler le chemin encore à parcourir.

Selon les organisateurs du salon, le secteur élevage confirme sa place de pilier du développement à Madagascar par le rôle qu'il tient sur le plan économique, social et culturel du pays. L'élevage est cependant une filière qui rencontre des difficultés majeures. Les quantités consommées demeurent faibles comparées aux moyennes mondiales. Malgré les nombreux débouchés à l'exportation, Madagascar ne remplit pas les conditions normatives des produits. Les exigences en matière d'infrastructures, de matériel de production et de conservation des produits ne sont pas encore à la portée du pouvoir d'achat des petits producteurs.

Concernant la Stratégie de gouvernance intégrée pour développer le secteur élevage validée lors du Colloque national sur l'élevage, il a été indiqué lors du salon que le gouvernement attend que soient impulsés de nouveaux investissements et ainsi contribuer à l'autosuffisance alimentaire et à l'émergence de cette filière que le ministère promeut avec les Malagasy professionnels de l'élevage (MPE), avec l'appui du ministère des Affaires étrangères.

La Fiepa, a-t-on expliqué, est un espace d'exposition et de valorisation des animaux d'élevage de race performante, d'origine locale et étrangère, un lieu de promotion des bonnes pratiques et innovations techniques et technologiques dans le secteur, de renforcement des partenariats nationaux, régionaux et internationaux sur ces innovations, un cadre d'impulsion de relations d'affaires avec les opérateurs, les experts, les fournisseurs de biens et services. Il s'agit aussi pour l'État et les investisseurs nationaux et internationaux d'une opportunité de partage et d'échange autour de la nouvelle vision, des axes stratégiques et des lignes d'action pour une meilleure gouvernance du secteur élevage et un développement de filières émergentes.

Notons, enfin, que des initiatives pour renforcer les capacités des agents, notamment ceux de la Direction générale de l'élevage, se multiplient. Ainsi, à titre d'exemple, une séance de formation sur l'approche chaine de valeur a été organisée en juillet. D'après le chef de cabinet auprès du vice-ministère chargé de l'Élevage, Jean Michel Rakoto, le renforcement des capacités et le recyclage constituent une condition incontournable pour les agents de ce département ministériel si l'on souhaite atteindre les objectifs fixés en matière d'émergence de la filière élevage. Cette dernière qui, malgré sa place dans l'économie, dispose encore d'une grande marge de développement pour mieux s'arrimer aux attentes du système alimentaire.

Pour sa part, le directeur général de l'Élevage, Lezoma Tsiry Andriamahatola, a expliqué que l'amélioration de la chaine de valeur dans le secteur de l'élevage est essentielle afin d'assurer la compétitivité des filières tant en quantité qu'en qualité. Avis partagé par Abberrahmane Outmani, formateur auprès du programme Rindra (Renforcement institutionnel vers le développement de la résilience agricole), qui est intervenu durant l'atelier et souligné que l'élevage est l'une des activités qui puissent assurer un revenu monétaire conséquent et stable.

VERBATIM

Dr Raymond,

Vice-ministre en charge de l'Élevage

" Notre département ne ménage pas ses efforts pour solliciter le secteur privé à investir davantage dans le secteur de l'élevage en appuyant les petits exploitants agricoles familiaux pour améliorer leur niveau de vie. Ce qui permettra de réaliser le velirano présidentiel qu'est l'autosuffisance alimentaire. Les recommandations émises à l'issue du colloque national ont été soumises au président de la République. "

Rabearivelo Andriamananarivo, président national de la plateforme Malagasy Professionnels de l'Élevage (MPE)

" Nous sollicitons l'implication effective de tous les acteurs concernés par le développement du secteur de l'élevage, dont, entre autres, les éleveurs, les opérateurs, les prestataires, les différents partenaires techniques et financiers ainsi que les autorités compétentes, à chercher de manière concertée les solutions permettant de redynamiser le secteur de l'élevage à

Filière lait

Une offre à muscler

Estimée de 5 à 7 kg par personne chaque année, la consommation de lait ou de produits laitiers à Madagascar est bien inférieure à la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui est de 60 kg par personne par an. L'offre laitière est aussi restée insuffisante, 100 millions de litres contre un besoin de 140 millions, contraignant le pays à importer en forte quantité. L'importation de vaches laitières performantes de race Normande et Montbéliarde est ainsi devenue capitale afin de développer l'élevage tourné vers l'autosuffisance laitière et augmenter la consommation.

Courant de la première semaine du mois d'octobre, une première vague comptant 165 génisses, toutes en gestation, est arrivée sur le sol national, accueillie par le chef de l'État. Les nouvelles races peuvent produire 25 à 30 litres de lait par jour contre 5 à 7 litres actuellement pour les vaches locales. Une production additionnelle d'environ 490 000 litre de lait est ainsi attendue.

Les vaches ont été mises en quarantaine dès leur arrivée au Fifamanor, suivant le règlement en matière d'importation d'animaux. Des experts dans le suivi sanitaire, l'alimentation et la conduite d'élevage de ces vaches importées ont assuré la formation des techniciens malgaches engagés durant la période de quarantaine. Aujourd'hui, les animaux se portent bien et les naissances se multiplient.

L'on compte 18 nouveau-nés pesant 30 à 49 kg en fin d'année. Sur les 165 vaches porteuses, 94 vaches sont destinées aux Jeunes entrepreneurs modernes bénéficiaires du projet titre vert dans la région Vakinankaratra. Les autres seront proposées aux éleveurs intéressés et répondant aux critères spécifiés dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêts.

 

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