Ile Maurice: Logement - Problèmes à la pelle

Le 21 juillet 2022, le premier coup de pioche pour 12 000 logements sociaux a été donné à Coromandel. À cette occasion, le ministre Soodesh Callichurn avait souligné le besoin de renforcer la main-d'oeuvre pour atteindre cet objectif. Or, cette mesure datant du budget 2020-21, se fait toujours attendre. N'est-il pas temps de changer de stratégie pour ces habitations destinées aux plus vulnérables ?

Rs 12 milliards : c'est le montant alloué dans le budget 2020-21 pour la construction de 12 000 logements sociaux. Mais selon le ministère du Logement et des Terres, des investigations géotechniques, entre autres bémols, seraient à l'origine du retard dans le démarrage des chantiers prévus dans une cinquantaine de localités. Des travaux prévus en janvier 2022 sur des terrains identifiés peinaient à débuter. Mais en juillet 2022, les autorités ont finalement donné les premiers coups de pioche à Coromandel. Le ministre Steven Obeegadoo avait alors déclaré que plus de 30 000 personnes étaient en attente d'un logement. Selon le ministère de tutelle, le bilan de la National Housing Development Corporation (NHDC) de novembre 2019 à ce jour, s'inscrit comme suit : 2 188 unités de logement déjà livrées; 708 seront livrées en 2023 et 463 en 2024.

Mais le scepticisme demeure, indiquent les parties engagées dans cette cause. À commencer par Lalit, qui plaide pour une révision de la politique de logements sociaux. "Lekzistans skwaterz li réprézant zis 'tip of the iceberg'. Dan Lalit, nou estimé ki ena pré 100 000 fami ki bizin lozman. Ek zot pa reflété dan sif ofisyel", constate Rajni Lallah, membre de ce parti. En réalité, poursuit-elle, des milliers de Mauriciens vivent dans des maisons héritées de leurs père et mère avec la fratrie mais ces demeures sont souvent restreintes pour le nombre de personnes d'après la loi de l'héritage. Donc, souvent, des constructions y sont entamées à gauche et à droite, ce qui n'arrange pas les choses. Ou alors, les "héritiers" partent vivre ailleurs et subissent l'insécurité liée au logement.

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Elle distingue deux problèmes majeurs au système actuel : "Dimounn ki konsidéré 'propriyeter lakaz' akoz zot ena par dan lakaz zérityé pa kalifyé pou lakaz sosial ou prozé 12 000 lakaz minis Obeegadoo akoz zot konsidéré kom 'co-owner' dapré kriter élizibilité NHDC. Dézyemman sekinn vinn kler pandan konfinnman, séki ena 200 000 dimounn ki self-employed - savedir, zot péna reveni stab ditou. Ek pou ou kalifyé pou lakaz NHDC, ou bizin éna reveni stab, sétadir kapasité pu répéyé régilyerman", poursuit-elle. D'ailleurs, Lalit a demandé au gouvernement d'ouvrir un registre national pour y inscrire tout citoyen privé d'un toit, ce qui permettra de mesurer la véritable ampleur du problème de logement. Cependant, dit-elle, même sans un tel registre, la réalité démontre que la politique de logement actuelle de l'État n'aborde pas la question de la crise du logement. "Bizin sanz politik lozman", avance-t-elle.

Comment ? Pour Rajni Lallah, les autorités doivent construire des maisons pour les louer aux personnes subissant ces problèmes de logement à travers une nouvelle institution basée sur le modèle de la Central Housing Authority (CHA). Selon elle, ce nouvel organisme doit employer des personnes en permanence pour la construction, maintenance des logements afin qu'il n'y ait pas de gaspillage de fonds. Ainsi, l'État aurait la capacité de fournir des maisons sur une grande échelle. D'ailleurs, souligne-t-elle, la CHA disposait d'un cadre légal et d'une tradition transparente où les citoyens en bénéficiaient selon leur tour.

Rajni Lallah suggère que les autorités réquisitionnent les terrains des grands propriétaires pour implémenter une centaine de villages intégrés ainsi que des espaces de production alimentaire. "Proze IRS, PDS, Smart City sibvansyoné masivman par gouvernman avek tou kalité konsésyon tax. Bizin aret sibvansyonn lozman milyarder ki dayer pa kapav servi tou later, betoné ek vandé, bayanté. Sa li pa enn politik ékonomik soutenab ek stab. Plivomyé servi later pu prodiksyon alimanter lor gran lesel pu ki kréé lanplwa lor gran lésel pu dimounn kapav pey lakaz", déclare-t-elle.

Bien que la volonté de concrétiser ce projet soit là, la réalité dans la pratique peut varier, indique Clive Auffray, Chief Executive Officer de la National Empowerment Foundation (NEF). "Qui dit logement, dit terrains. Et c'est un casse-tête pour en identifier dans les régions appropriées. Parfois, s'y greffent des problèmes de main-d'oeuvre ou encore de matériaux. Cela cause toujours des problèmes. Très souvent, les demandes excèdent largement les offres. La politique du gouvernement, avec la NEF, prévoyait des constructions sur les terrains de ceux figurant sur le registre social dans certains cas. Mais on ne peut pas en entreprendre beaucoup par année", déclare-t-il.

Selon lui, la Mauritius Housing Company Ltd (MHC) et la NHDC sont les deux entités indiquées pour répondre à cette demande. Des constructions ont été entamées pour la classe moyenne. Quels changements doivent intervenir ? Clive Auffray suggère de considérer d'autres types de construction. Par exemple, au lieu du béton, d'autres options pourraient être étudiées. "On pourrait voir des constructions plus rapides. N'oublions pas qu'à Maurice, nous sommes toujours frappés par des cyclones, ce qui ne facilite pas les choses pour accéder à d'autres modèles de construction plus rapides. Il faut que ces maisons résistent à certaines conditions climatiques. C'est donc complexe d'arriver à répondre aux demandes pour ces logements", ajoute-t-il.

Quid d'un système de location ? Selon Clive Auffray, l'achat et la location sont à considérer. "Dans les cas où d'autres ne peuvent pas acquérir les habitations, la location peut devenir une option", souligne-t-il. Une autre stratégie est que l'État encourage ceux possédant déjà des petits terrains d'y entreprendre des projets de construction et d'en proposer l'achat aux autorités. "Cela pourrait développer une petite entreprise et favoriser l'intégration sociale, en évitant que cela ne génère des ghettos. La superficie pourrait être d'environ 50 mètres carrés par maison", affirme-t-il. Une fois ces projets approuvés, la qualité pourrait être assurée avec une équipe qualifiée qui évaluerait la construction au fil de son avancement. Cette approche serait à la portée de plus de citoyens et privilégierait l'entrepreneuriat.

Il faut retourner à la case départ et restaurer l'ancienne formule avec des maisons individuelles pour les citoyens au bas de l'échelle.

Pour sa part, Bashir Khodabux, ancien directeur de la NHDC, revient sur le social housing programme, qui ciblait une catégorie spécifique de la population avec des critères établis et une subvention de deux tiers de l'État. Un accord était établi entre le gouvernement et les propriétés sucrières. "1 000 arpents étaient destinés à des maisons sociales. Ce qu'il fallait continuer à faire, c'est puiser de ces terrains que les propriétés sucrières avaient mis à la disposition du gouvernement mais tout a été chamboulé", constate-t-il.

Une autre solution est la conversion de sites industriels en logements sociaux. De plus, le modèle de construction doit être revu, précise-t-il. Selon lui, l'infrastructure en verticale convient mieux à cette catégorie de la population. Sous l'ancien système, la construction comprenait deux chambres, les aménités et les possibilités d'expansion avec un prix abordable. "Ce concept a été substitué à des blocs d'appartements en hauteur qui peuvent coûter autour de Rs 1,6 à Rs 1,8 million. Pour moi, il faut retourner à la case départ et restaurer l'ancienne formule avec des maisons individuelles pour les citoyens au bas de l'échelle", conclut Bashir Khodabux.

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