Si la titrisation des créances se limite pour l'instant, à Madagascar, à solutionner les problèmes d'arriérés de paiement de l'État, cette option financière est appelée à se développer.
Généralement, la titrisation est une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances en les transformant en titres financiers émis sur le marché des capitaux via un véhicule financier dédié. Cela permet à l'entité cédante de générer de la liquidité ou d'optimiser la taille et la structure de son bilan.
Apparue il y a environ 60 ans aux États-Unis, la titrisation s'est progressivement répandue dans le monde comme un véritable outil de financement ou de placement financier. Malgré le fait que le marché de la titrisation ait mis du temps à se développer en Afrique, l'augmentation du nombre d'opérations dans certaines régions du continent met en évidence son potentiel de croissance.
Selon les experts, un marché de titrisation de créances a besoin que plusieurs facteurs soient réunis. Il faut déjà des originations (productions) de créances qui soient constantes, aient des maturités longues et soient dans un volume suffisant pour créer des flux de revenus. Il doit y avoir une connexion forte entre les interventions de la Banque centrale et les banques commerciales. Aussi, le marché doit avoir des investisseurs qui sont prêts à racheter les paquets de créances et les garder longtemps dans leurs portefeuilles. En outre, un mécanisme d'assurance ou de garantie supplémentaire comme les couvertures sur les risques de crédit (CDS) doit pouvoir être mis en place.
À remarquer également que pour les opérations qui ont été lancées en Afrique, le but était soit de libérer du capital supplémentaire pour les banques qui en avaient besoin, soit de permettre aux États d'apurer une partie de leurs dettes. Il existe en effet de nombreuses opportunités de développer ce segment de la finance. Sur le marché des titres publics, les emprunts des Etats sont plus importants, avec des maturités plus longues. Même si les banques continuent de jouir de solides conditions leur permettant de toujours répondre favorablement aux besoins de financement des États, la conjoncture internationale marquée par l'inflation et la hausse des taux fait craindre une hausse de la pression sur la dette souveraine. Dans ce cas, les banques risquent d'avoir besoin de transmettre ce risque à des investisseurs de plus long terme pour se donner des marges d'intervention.
Instrument alternatif
C'est en s'appuyant sur ces constats que le cabinet Deloitte a organisé, fin novembre dernier, avec des sociétés de gestion de fonds communs de titrisation le 1er Forum africain sur la titrisation. L'événement a été sponsorisé notamment par la Banque Mondiale, la Société Financière Internationale (SFI) GCR Ratings. Présenté comme une plateforme unique d'échanges, le forum a eu vocation de réunir tous les acteurs de l'écosystème et de créer un réel cadre permanent afin de promouvoir la titrisation comme instrument de financement alternatif et complémentaire de l'économie, tout en saisissant les innovations techniques et financière.
Pour le cas de Madagascar, la titrisation consiste, pour le moment, à transformer les créances d'un fournisseur ou d'une société en Bons du Trésor. Elle concerne uniquement les créanciers de l'État et exclut ceux des collectivités territoriales décentralisées ou des établissements publics. Toutes les créances peuvent être titrisées sous deux conditions. La première est que le créancier soit titulaire d'un titre de règlement (bons de caisse, avis de crédit, chèques sur le trésor, etc.). La seconde est que le créancier matérialise son accord par une lettre de consentement ou une convention. La souscription aux Bons du Trésor par titrisation des créances est régie par les mêmes règles que celles de la souscription normale.
Selon le ministère de l'Economie et des Finances, la titrisation est avant tout une solution aux problèmes d'arriérés de paiement de l'État. Depuis son application, cette procédure a concerné essentiellement les arriérés de paiement au profit des fournisseurs d'énergies de la JIRAMA et les remboursements des crédits TVA des sociétés pour les années antérieures à 2016. Et, dernièrement, plus exactement lors du Conseil des ministres du 21 décembre 2022, l'Exécutif a choisi de nouveau de recourir à la titrisation par l'émission de Bons du Trésor Spéciaux au profit du Groupement Pétrolier de Madagascar ou GPM.