Afrique Centrale: Filière bois au Gabon - "Il faut à tout prix transformer... pour créer plus d'emplois"

interview

Retranscription de l'interview:

VOA:

Monsieur le ministre de l'Industrie, ont dit souvent qu'en Afrique on a des problèmes de transformation, on exporte les produits bruts. Alors, quels sont les programmes et les projets du Gabon?

Pacôme Moubelet-Boubeya, ministre gabonais de l'Industrie:

"Il faut déjà préciser que son Excellence Monsieur Ali Bongo Ondimba, président de la République gabonaise, a pris une décision majeure, celle de ne plus exporter les matières premières brutes, et qu'il faut les transformer. Et l'une des décisions majeures a été l'interdiction de l'exportation des grumes en 2010, ce qui a abouti à la mise en place de zones économiques spéciales, y compris une spécialement dédiée à la transformation du bois.

On a vu ainsi le Gabon partir d'exportateur à aujourd'hui devenir le deuxième producteur de contre-plaqué au monde, premier en Afrique. Ce qui veut dire que cette vision, cette politique de mise en œuvre prônée par les plus hautes autorités du pays, est celle qu'il faut. Il faut à tout prix transformer, pour ajouter plus de valeur, créer plus d'emplois."

VOA:

Dans quelle mesure le gouvernement gabonais peut-il soutenir la diaspora ici aux Etats-Unis?

Pacôme Moubelet-Boubeya, ministre gabonais de l'Industrie:

"Nous sommes déjà fiers de discuter avec la diaspora gabonaise installée ici. Cette diaspora qui apparaît comme étant des VRP du Gabon. Nous devons pouvoir profiter de leur experience, de leur expertise, de leur connexion ici pour qu'au niveau du Gabon, on puisse créer des petites et moyennes industries qui vont concourir au développement de notre pays.

Vous savez nous sommes un pays en voie de construction. Nous consommons énormément de produits qui sont fabriqués à l'extérieur, et l'ambition que nous avons, c'est d'inverser la tendance. Nous comptons donc sur cette diaspora pour voir avec elle quels sont les domaines dans lesquels nous allons agir ensemble. Que ce soit dans l'agroalimentaire, dans le domaine pharmaceutique, des technologies, tous les domaines possibles de développement."

VOA:

Monsieur le ministre de l'Investissement, peut-on parler concrètement d'investissements particuliers avec la diaspora? Est-ce qu'une structure va être créée pour ça? Comment prévoyez-vous éventuellement des programmer cela?

Hugues Mbadinga Madiya, ministre gabonais des Investissements:

"Bien, merci. Je pense qu'il faut dans un premier temps mettre en place des plateformes d'échanges.

La promotion des investissements pour un pays comme le Gabon est essentielle, parce que nous aspirons à nous développer pour passer du stade de pays à revenu intermédiaire à des stades plus élevés.

Le Gabon, sous les hautes orientations des plus hautes autorités, le chef de l'Etat, son Excellence Ali Bongo Ondimba, a mis en place un plan d'accélération de la transformation, qui est un condensé de projets dans divers secteurs.

Ce plan représente un portefeuille d'investissements de 3.000 milliards de francs CFA, donc 6 milliards de dollars, dans divers secteurs. Des secteurs productifs: le bois, qui est un secteur essentiel, l'agriculture, la pêche, et aussi nos secteurs traditionnels, comme le pétrole, les mines, mais aussi des besoins importants dans le domaine des infrastructures. L'énergie, sans laquelle il n'y a pas de croissance, mais aussi tout ce qui est infrastructures routières, ferroviaires, etc. Donc, il y a beaucoup d'opportunités d'investissement.

Nous avons particulièrement apprécié les échanges avec la diaspora qui, bien évidemment, constitue des acteurs de cette problématique de l'investissement. Parce que l'investissement, nous n'allons pas le concevoir simplement sous l'angle des grands groupes internationaux. Il faut que la diaspora soit aussi un acteur dans l'objectif, justement, d'amener plus d'investissements vers le Gabon, parce que c'est la clé de la transformation."

VOA:

Messieurs les ministres, est-ce que vous êtes satisfaits de ce qui se met en place jusqu'à maintenant avec le gouvernement des Etats-Unis? Comment voyez vous un partenariat gagnant-gagnant, comme on dit?

Pacôme Moubelet-Boubeya, ministre gabonais de l'Industrie:

"C'est un partenariat qui ne peut être que gagnant-gagnant. Nous avons répondu à l'invitation de l'Amérique, avec laquelle nous avons également présenté nos projets de développement, notre vision globale, qui est la vision, comme nous disions tantôt, de son Excellence Monsieur Ali Bongo Ondimba, chef de l'Etat.

Il y a beaucoup de points de convergence, beaucoup de points d'alignement et de soutien sur lesquels nous pourrions encore renforcer les domaines d'investissement, que ce soit dans le domaine de la transformation ou autre. Et quand je dis transformation, c'est tout type de transformation. C'est-à-dire, comment appuyer par des financements au niveau même des marchés financiers américains, les efforts de l'investissement gabonais. Comment faire en sorte surtout que l'on puisse profiter réciproquement de l'expérience et de l'expertise des uns et des autres.

Vous n'êtes pas sans savoir que le monde est en perpétuel mouvement et que ce mouvement, qui est accéléré depuis un peu plus d'un an, fait en sorte que nous devons construire des nouveaux repères importants. D'autant plus qu'aujourd'hui le monde est de plus en plus un village planétaire, où les actions et les relations doivent être renforcées et mises ensemble pour que nous puissions gagner réciproquement."

VOA:

Dans le développement de l'industrie, il est demandé aux pays africains aussi de s'adapter à la transition energetique, ce qui n'est pas toujours evident finalement. Est-il prévu au niveau industriel de tenir compte de la transition énergétique et de la protection de l'environnement? Par exemple, concernant la forêt, le pétrole...

Pacôme Moubelet-Boubeya, ministre gabonais de l'Industrie:

"Il faut se rappeler que le Gabon est très engagé sur les questions environnementales et notre engagement repart déjà depuis Rio. Et si nous passons en revue les éléments de la COP 21 de Paris, vous allez voir que le Gabon a été très présent, et à la COP de Glasgow et celle de Charm el-Cheikh, le Gabon a toujours pris des positions très importantes, d'autant plus qu'à travers son président, le Gabon est le champion de l'Afrique sur les questions d'adaptation. C'est pour dire que la question environnementale est une question impérative.

Le Gabon fait partie des forêts du bassin du Congo, qui est devenu le premier poumon de la planète, bien au dessus de l'Amazonie. Le Gabon, s'est 88% de forêt équatoriale. Aujourd'hui le Gabon absorbe beaucoup plus de CO2 qu'il en émet. C'est l'un des seuls pays au monde à être carbone neutre. Donc vous voyez, nous faisons tout notre possible possible pour que nous puissions, non seulement continuer à fournir les efforts d'industrialisation, de développement, mais surtout avoir des politiques dans le domaine de l'environnement, de la préservation, qui soient adaptées avec le discours international.

Sauf que pour ce qui concerne le Gabon, ce n'est pas simplement un discours. D'ailleurs le chef de l'Etat gabonais, lors du sommet, a fait une communication très remarquée sur la question, pour dire que si nous voulons effectivement maintenir nos ambitions de 1.5% d'augmentation de température, il faut que chaque pays, au delà des engagements qui sont pris à 2040, 2050, 2070, accélèrent leur politique de préservation et de durabilité. Dans tous les cas, en ce qui concerne le Gabon, le développement durable est un impératif, parce que les générations futures doivent être protégées.

Vous savez, pour revenir un peu sur la question de l'environnement et des forêts du bassin du Congo. Si nous ne protégeons pas les forêts du bassin du Congo, nous allons avoir moins de pluviométrie dans la zone ; c'est à dire que nous allons moins alimenter le Nil bleu. Imaginez les conséquences sur le Nil jusqu'en Égypte et les conséquences beaucoup plus grandes encore sur l'étendue du désert. Donc, c'est un impact qui est réel et une préoccupation pour le Gabon."

VOA:

Monsieur le ministre de l'investissement, vous êtes également en charge du partenariat public-privé. Est-ce que l'on est dans la tendance au Gabon, comme un peu partout, de privatiser les entreprises d'Etat? Quelles sont les réformes à ce niveau? Si vous pouvez citer quelques exemples.

Hugues Mbadinga Madiya, ministre gabonais des Investissements:

"Nous avons effectivement mis en place un cadre législatif assez fourni qui favorise le partenariat public-privé. Aujourd'hui, au niveau du Gabon, beaucoup de projets se réalisent sous cette modalité de partenariat. Il y a une unité dédiée du gouvernement qui est en charge de discuter avec les promoteurs sur la mise en place de ces partenariats.

Nous avons également ouvert la possibilité dans certains secteurs comme l'énergie, avec des codes particuliers, à permettre notamment des producteurs indépendants d'énergie, ce qui permet de faire entrer des investisseurs sous le mode de partenariat public-privé.

Aujourd'hui, pour vous donner une idée dans notre stratégie d'investissement, je vous ai indiqué le montant tout à l'heure, qui est l'équivalent de 6 milliards de dollars. Les deux tiers de ce montant sont prévus s'exécuter par le biais des investissements directs étrangers, des investissements directs nationaux et des partenariats publics-privés. C'est pour dire que c'est une norme essentielle pour nous.

Le plus important, au delà de cette norme, c'est de trouver le juste équilibre, parce que ce que nous voulons, ce sont des investissements qui arrivent à créer de l'emploi. Ce que nous voulons, ce sont des investissements qui respectent nos guidelines en matière de transfert de technologie, en matière d'environnement, le ministre d'Etat le disait également.

Donc, pour répondre effectivement à votre question, notre pays, le Gabon, est prêt pour user justement de cette modalité. La loi est prête, le portefeuille de projets également est prêt. Nous attendons et sommes ouverts aux investisseurs qui veulent venir au Gabon et faire des partenariats publics-privés."

VOA:

Monsieur le ministre de l'Industrie, on parle beaucoup de l'autosuffisance alimentaire en Afrique, de la chaîne des valeurs au niveau de la production de la nourriture. Est-ce qu'on envisage de passer à un échelon agroalimentaire industriel?

Pacôme Moubelet-Boubeya, ministre gabonais de l'Industrie:

"La question de la sécurité alimentaire est une question qui préoccupe presque tous les États. On a vu cette situation s'aggraver avec le conflit Russie/Ukraine; on a pu constater le prix de certains produits avoir une volatilité exceptionnelle. C'est ce qui a ramené les pays à s'interroger sur l'essentiel, c'est à dire de conforter leur sécurité alimentaire.

Le Gabon, pour sa part, dans le domaine de l'agriculture, a sécurisé un ensemble de terres arables avec un ensemble de projets. Nous avons un programme qui est le plan national d'affectation des terres, et aujourd'hui, il a été mis à disposition des investisseurs potentiels, 25 à 28 mille hectares de terres qui vont être là pour venir sécuriser l'agriculture.

Ce qu'on ne veut pas, c'est, comme je vous le disais tantôt, que nous arrivions à une situation où nous allons déforester pour faire de l'agriculture et par là même augmenter la production de CO2. Donc, nous sommes dans le cadre de la mise en place d'une agriculture qui soit intégrée pour que les produits qui vont être sélectionnés comme spéculation puissent s'harmoniser avec les projets environnementaux et de préservation que nous avons."

VOA:

Messieurs les ministres, merci beaucoup d'avoir accepté cet entretien avec VOA Afrique.

Pacôme Moubelet-Boubeya, ministre gabonais de l'Industrie:

"C'est nous qui vous remercions."

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