Tunisie: Enseignement - Mobilisation sur tous les fronts

9 Janvier 2023

Ce mois de janvier s'annonce très chaud pour l'enseignement. Déjà, tous les syndicats (du primaire au supérieur, en passant par le secondaire) sont sur le qui-vive. Dès demain, 10 janvier, les enseignants suppléants organiseront une "journée de colère" dans tous les gouvernorats.

La Fédération générale de l'enseignement secondaire (Fges) poursuit son boycott administratif en s'abstenant de remettre les notes des élèves. Pour sa part, la Fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Fgesrs) se dit prête à une journée de mobilisation le jeudi 26 janvier (toute une symbolique si l'on se réfère au "jeudi noir" du 26 janvier 1978).

Menace de suspension des cours

C'est dans cette atmosphère quasiment suffocante qu'évolue le Tunisien et qu'il accuse les coups sans espoir de voir le bout du tunnel. C'est ainsi que les enseignants suppléants reviennent à la charge sous prétexte que les autorités n'ont pas réglé le dossier de leur recrutement et de leur intégration. Cette affaire est négligée depuis 15 ans à cause des "atermoiements" des autorités de tutelle. Il faudrait que ce dossier soit réglé définitivement en adoptant la régularisation par tranches progressives.

La Fges campe sur ses positions et maintient sa décision de ne pas remettre les notes à l'administration tout en menaçant de nouvelles "escalades" pouvant aller jusqu'à la suspension des cours dans les collèges et les lycées.

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En privant l'administration des notes des élèves, cela veut dire que les bulletins ne seront pas préparés et que les conseils de classe ne se tiendront pas. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'une telle mesure est suivie par le syndicat à tel point que les parents et les élèves ont oublié l'existence de ce document. Pourtant, le bulletin de notes fait partie intégrante de tout le système d'évaluation mis en place depuis des décennies. En agissant de cette sorte pour la énième fois, la Fges fausse tout un processus et porte une grave atteinte à tout le système éducatif.

Certes, les syndicats ont, toujours, des raisons pour mobiliser leurs troupes. Mais à force d'agir de façon intempestive et inappropriée on finit par exaspérer tout le monde. C'est, justement, ce qui explique la vague de migration vers le secteur privé. Les parents ne supportent plus ces perturbations qui ponctuent, chaque année, le parcours scolaire de leurs enfants. Ils sont de plus en plus convaincus que l'école publique est devenue l'otage de ces syndicats et qu'il n'y a plus de possibilités de laisser leur progéniture poursuivre ses études dans un climat de tension et de stress.

Ceci n'embarrasse guère les responsables des fédérations de l'enseignement qui continuent de revendiquer l'application des accords conclus, selon eux, depuis 2015 et 2019 mais qui n'ont pas été appliqués par le gouvernement. Le ministre de l'Education a beau répéter que la situation financière difficile du pays doit être prise en compte, rien n'y fait. Comment, alors, faire entendre raison à ceux qui exigent de voir leurs demandes satisfaites ?

Les points de désaccord

Malgré la rencontre de représentants de la Fges et du gouvernement, le 5 octobre dernier, rien de palpable n'a été constaté. Les positions n'ont pas changé puisque la Fges revient à la charge en énumérant toutes ses revendications. A cet effet, elle appelle tous les enseignants à suivre à la lettre les consignes qui consistent à ne pas remettre les notes à l'administration, à ne pas assister aux conseils dans l'attente d'un accord sur tous les points en suspens. Le recours à des grèves n'est pas exclu d'autant que le secrétaire général de la Fges a déclaré que les enseignants étaient prêts à cette éventualité. Toutes les autres possibilités d'"escalade" seront envisagées si le blocage continue de la part des autorités. La Fges précise que cette mobilisation avait été annoncée depuis le 1er septembre dernier au cours de la réunion de sa commission administrative et les mêmes décisions ont été reconduites et réaffirmées au cours d'une autre réunion de la même commission, le 15 novembre.

En clair, les demandes se résument dans les points restés en suspens lors des accords conclus avec le ministère en février 2019. Il y a la question de la retraite anticipée pour raison de santé, du travail administratif, de la promotion exceptionnelle pour les enseignants du corps commun (promotion 2015), de l'engagement des deux ministères de l'Education et celui du Sport à verser ce qui est dû en respectant la valeur et les délais, de l'ouverture de concours de promotion professionnelle au titre de 2022 et de la revalorisation de la prime de rentrée scolaire sans la soumettre à un quelconque impôt. Un autre lot de demandes figure, également, sur la liste. Il s'agit, entre autres, du doublement de la prime spécifique, de la prime des fournitures scolaires et de sa généralisation aux censeurs et aux directeurs, du montant des promotions professionnelles et la régularisation globale du dossier des suppléants tout en rompant avec les emplois précaires.

Au vu de toutes ces demandes, on ne sait pas si les autorités seront en mesure de répondre favorablement. Le budget de l'Etat pourra-t-il supporter un tel fardeau ?

Dans tous les cas, on ne s'attend guère à une issue proche de cette question, et il est fort à parier qu'un nouveau bras de fer se profile à l'horizon entre la Fges et le ministère dont les conséquences sont imprévisibles. Et comme d'habitude, ce seront les élèves et leurs parents qui paieront les pots.

Le même scénario est à signaler pour la Fgesrs. Celle-ci, à travers des déclarations de son secrétaire général, déplore la situation dans laquelle se trouvent les universitaires ainsi que les mauvaises conditions dans lesquelles ils exercent. C'est ce qui a poussé de nombreux enseignants à quitter le pays à la recherche d'un environnement meilleur. Selon la Fgesrs, il y aurait près de 4.000 enseignants universitaires qui auraient préféré poursuivre leur carrière hors du pays. Ils se trouvent en Europe, dans les pays arabes, en Amérique du Nord et en Asie. Cette hémorragie va se poursuivre au cours des prochaines années tant que l'Etat n'aura pas assumé ses responsabilités vis-à-vis de la situation des enseignants universitaires.

Le statut professionnel des universitaires doit être pris en compte. Ce qui ne serait pas le cas si on examinait le budget réservé au ministère et celui alloué à la recherche. Ce dernier devrait, au contraire, être augmenté.

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