Réagissant aux dernières mesures de hausse des prix de l'énergie, l'économiste Demba Moussa Dembélé soutient " la décision d'augmenter les prix de l'électricité et du carburant va affecter davantage les couches pauvres que les " riches ". Pire encore, il dit n'être pas sûr que les 258,2 milliards soutirés des fortunés seront alloués aux couches pauvres.
Derrière la hausse des prix de l'électricité et du carburant décidée par le gouvernement se profile " l'ombre du Fonds monétaire international (Fmi) " croit savoir l'économiste Demba Moussa Dembélé. En effet, tient-il à rappeler : " On se rappelle la mission de cette institution dans notre pays du 29 septembre au 6 octobre 2022, dirigée par M. Edward Gemayel, dont le but était de faire le point sur " les progrès dans les réformes soutenues par l'Instrument
de coordination des politiques économiques, l'Accord de confirmation et la Facilité de crédit de confirmation. "
La mission avait noté que malgré " la bonne performance des recettes, la forte augmentation des
subventions à l'énergie avait réduit les marges de manœuvre budgétaires ", explique-t-il. Elle (la mission) préconisait donc des objectifs plus élevés en matière de mobilisation des recettes et des engagements forts pour supprimer progressivement les subventions à l'énergie. Pour atteindre ces objectifs, la mission
exhortait le gouvernement du Sénégal " à éliminer les exonérations fiscales onéreuses, à rationaliser les dépenses non prioritaires et à prendre les mesures nécessaires pour réduire les subventions à l'énergie, tout en protégeant les plus vulnérables par des mesures ciblées. "
Taxer les " riches " pour donner aux " pauvres " ?
Cela signifie taxer les couches les plus riches pour utiliser une partie des ressources au profit
des couches les plus pauvres. C'est une politique préconisée par le Fmi qui pense que la plupart
des possesseurs de voitures privées font partie de la catégorie des " riches " qui profitent plus
de la subvention généralisée des produits énergétiques. C'est une idée très simpliste qui illustre une fois de plus la méconnaissance des réalités des pays africains par cette institution. Le problème est que la décision d'augmenter les prix de l'électricité et du carburant va affecter davantage les couches pauvres que les " riches ". En effet, les prix de transport public vont augmenter, tant pour le transport de personnes que celui de marchandises. De même que les prix des produits et services dont la production dépend de l'électricité. Par ailleurs, ce n'est pas
sûr que tout l'argent récupéré par la hausse des prix - 258,2 milliards - sera alloué aux couches
pauvres. Ce qui fait que celles-ci risquent de voir la dégradation de leur pouvoir d'achat. Une contradiction avec " l'année sociale " promise par Macky Sall !
Viabilité budgétaire et celle de la dette publique
En réalité, le vrai objectif de cet ajustement des subventions est la réduction des dépenses publiques dans le but de réduire le déficit budgétaire et le niveau de la dette publique. En effet, dans le communiqué du Fmi on lit encore ceci ; " Il sera essentiel de poursuivre les efforts de mobilisation des recettes, de rationaliser et de mieux cibler les subventions pour reconstituer les réserves budgétaires épuisées et placer la dette publique sur une trajectoire descendante... Bien que le projet de budget pour 2023 prévoie une réduction du déficit budgétaire, les efforts d'assainissement sont insuffisants compte tenu des contraintes fortes de financement et de la vulnérabilité croissante de la dette publique. "
Ces passages indiquent clairement les priorités du Fmi : réduire le déficit budgétaire et le niveau de la dette publique. On sait que depuis l'apparition de la pandémie en 2020, le Sénégal et les autres pays membres
de l'Uemoa ont suspendu les critères de convergence macroéconomique, comme le ciblage du déficit budgétaire et le plafonnement de la dette publique. Le Fmi veut que le Sénégal renoue avec ces politiques, ce qui impliquera une forte réduction des dépenses publiques. Cela signifie
que d'autres hausses risquent de suivre, car le Fmi va continuer à mettre la pression sur le gouvernement pour faire appliquer toutes ses recommandations. Surtout que ramener le déficit budgétaire de son niveau de 6,2% en 2022 à la norme Uemoa de 2-3% du produit intérieur
brut (Pib) exigera d'importants efforts de réductions de dépenses publiques.
Dans son message du 31 décembre, tient-il à rappeler le président de la République avait déjà annoncé son acceptation de cette recommandation en ces termes : " les mesures de subventions concernant le carburant et l'électricité seront cependant ajustées et mieux ciblées en faveur des couches sociales les plus nécessiteuses. "