Sénégal: Secteur de l'énergie - Le Gouvernement s'engage à supprimer les subventions d'ici 2025

9 Janvier 2023

Le Gouvernement a pris l'engagement de réduire progressivement les subventions dans le secteur de l'énergie avant de les supprimer à l'horizon 2025. Le Ministère des Finances et du Budget a dévoilé, hier, une feuille de route pour y parvenir.

Le Sénégal dépense plus de 4% de son Pib dans les subventions d'électricité, des produits pétroliers (essence, supercarburant et gasoil) et du gaz butane. Au rythme actuel des choses, les subventions énergétiques franchiront la barre des 800 milliards de FCfa en 2023 (524,7 milliards de FCfa pour les produits pétroliers et le gaz butane et 279,8 milliards pour l'électricité sous forme de compensation tarifaire versée à la Senelec), après avoir coûté 750 milliards de FCfa en 2022. Un effort devenu intenable.

Le Gouvernement a donc cédé aux nombreuses alertes du Fonds monétaire international (Fmi). Ainsi, le Ministère des Finances et du Budget a dévoilé, hier, une feuille route pour la suppression des subventions dans le secteur de l'énergie à l'horizon 2025. Trois produits sont ciblés : l'électricité, le supercarburant et le gasoil. La stratégie gouvernementale s'articule autour de six points.

La première consiste à un ajustement à la hausse de certains prix de l'énergie et mesures d'atténuation de l'impact de cette hausse sur les ménages vulnérables (échéance : à partir du 1er janvier 2023). L'objectif est de contenir les subventions dans l'enveloppe budgétaire de 2023, soit 2,7% du Pib. Ce qui implique de réduire le coût budgétaire des subventions de 258,1 milliards de FCfa en 2023.

Ainsi, concernant l'électricité, le Gouvernement a décidé, comme annoncé vendredi dernier, une hausse moyenne de 16,72 FCfa sur le KWh : +22,79 FCfa par kWh pour les 3 641 clients de la basse tension (essentiellement des entreprises, représentant 25,4% de la consommation globale d'électricité au Sénégal) ; +14,31 FCfa/kWh pour les 10 clients de la haute tension (9 entreprises industrielles + le Ter, représentant 9,8% de la consommation globale) et +18,97 FCfa/kWh pour les autres clients logés à la basse tension (99,8% de l'effectif total des 2 422 072 clients de Senelec et représentant 60% de la consommation globale).

Préserver les ménages vulnérables

Toutefois, pour préserver les ménages vulnérables, il est prévu un tarif spécial dit " tarif social " à l'intérieur du segment basse tension. " Les clients du tarif social ne sont donc en rien concernés par la hausse ", précise le document. Sont éligibles à ce tarif les clients qui consomment habituellement moins de 150 kWh par mois, soit 1.159.146 clients (47,8% de l'effectif total), représentant environ 10% de toute l'électricité vendue par la Senelec. Le tarif social est exonéré de la Tva mais aussi de la taxe sur les consommations d'électricité reversée aux communes. D'autres mesures d'accompagnement sont prévues, le Gouvernement se disant " prêt à ouvrir des discussions autour de mesures d'accompagnement visant à atténuer les effets de la hausse sur la compétitivité de certaines entreprises ".

Carburant : les classes aisées sevrées

Pour ce qui est du supercarburant, l'État se montre moins scrupuleux. " Au Sénégal, l'utilisation d'une voiture personnelle demeure un attribut des classes moyenne et aisée. Car, en vérité, les couches populaires, celles qui devraient être l'unique cible de la politique de subvention de l'État, empruntent le transport public de voyageurs (Tpv), surtout depuis les bonds remarquables accomplis par celui-ci au cours de la dernière décennie (renforcement et modernisation du parc de Dakar Dem Dikk, Ter, demain le Brt... ) ", soutient le Gouvernement.

Ainsi, pour les 181.171 véhicules roulant au supercarburant (49% du parc automobile, dont 22% de véhicules grosse puissance, c'est-à-dire supérieure à 11 cheveux), il n'est plus question de continuer à subventionner les classes aisées qui les utilisent. Même si les autorités insistent sur le fait que le litre de gasoil, qui coûte actuellement 755 FCfa, aurait coûté 1019 FCfa et celui du supercarburant (990 FCfa au prix actuel) 1063 FCfa.

Autrement dit, chaque litre de gasoil vendu coûte 364 FCfa au Trésor public, et 173 FCfa pour chaque litre de supercarburant. Les économies réalisées sur la hausse de 100 FCfa/litre annoncée vendredi (158,5 milliards) " permettront de faire passer l'enveloppe budgétaire allouée aux bourses de sécurité familiale en 2023 de 35 à 50 milliards de FCfa ". Toutefois, là aussi, pour atténuer le choc, le Gouvernement versera des subventions aux transporteurs pour limiter l'effet de la hausse, éviter que celle-ci ne soit répercutée sur les voyageurs, autrement dit sur les ménages les plus vulnérables.

Pour prévenir les risques de fraude (détournements et abus de subvention), les transporteurs souhaitant bénéficier de la subvention devront accepter de faire implanter sur leurs véhicules, par les services de l'État, un dispositif technologique permettant de retracer au kilomètre près les moindres déplacements desdits véhicules. " Ce qui permettra de liquider et de manière totalement sécurisée et transparente les montants à rembourser ". En revanche, les taxis urbains " n'ont pas été pris en compte dans cette projection et c'est une omission volontaire, car la sociologie des villes sénégalaises montre qu'ils constituent un moyen régulier de déplacement uniquement pour les classes favorisées, lesquelles n'ont pas vocation à être subventionnées par l'État ".

Nouvelles formules de prix du carburant et de l'électricité

La deuxième étape de la feuille de route du Gouvernement consiste à revoir la formule de détermination des prix du carburant et la structure des tarifs de l'électricité (échéance : d'ici fin 2023) afin d'assurer que les prix à la pompe tiennent davantage compte des développements sur les marchés internationaux. Ainsi, la révision portera sur les points suivants : les différents éléments de la structure des prix, le prix de référence, un mécanisme de lissage pour l'ajustement des prix afin d'éviter de fortes variations, et la fréquence des ajustements de prix ; et la composition et les attributions du comité technique en charge de la fixation des prix.

À cet effet, le Gouvernement prévoit de solliciter l'assistance technique du Fmi. Pour l'électricité, l'autorité publique engagera une étude pour la révision de la structure des tarifs de l'électricité afin de la rendre plus progressive. Sur ce point, c'est l'assistance technique de la Banque mondiale qui serait requise.

" Le Gouvernement est pleinement conscient que la réduction des pertes dans le secteur de l'électricité et donc la suppression progressive des subventions ne peut pas se faire uniquement via des ajustements tarifaires, raison pour laquelle il compte renforcer la situation financière ainsi que le cadre de gouvernance de la Senelec sur des bases plus saines. Dans ce cadre, le gouvernement finalisera d'ici fin 2023 un audit financier de la Senelec en vue de réviser la formule du revenu maximum autorisé (Rma) ", souligne le document.

Cash transfer : un million de ménages ciblés

L'étape trois concerne le renforcement du dispositif de transfert monétaire au profit des 558.000 ménages inscrits au Registre national unique (Rnu) auxquels s'ajoutent 412.000 ménages vulnérables identifiés grâce au ciblage communautaire, soit au total au moins un million de ménages.

Au final, le Gouvernement s'engage à diminuer les subventions de 2,7% du Pib en 2023 à 1% du Pib en 2024 avant de les supprimer à l'électricité en 2025. Pour convaincre la population, le Gouvernement annonce le lancement d'une grande campagne de communication (mesure 6) dès cette année.

ABOU KANE, PROFESSEUR AGRÉGÉ D'ÉCONOMIE (UCAD)

" On doit s'attendre à d'autres mesures de hausse "

Par rapport à 2022, les subventions à l'énergie vont baisser de 27%, passant de 750 milliards à 546 milliards (au lieu de 804 milliards initialement prévus). " Puisque les chocs externes sont fréquents, on doit s'attendre à d'autres mesures de hausse résultant de la baisse des subventions parce que l'État n'y pourra rien ", prévient Abou Kane, professeur agrégé en économie et assesseur (vice-doyen) de la Faculté de sciences économiques et de gestion (Faseg-Ucad), dans un poste publié sur sa page Facebook.

À son avis, on tendra de plus en plus vers la vérité des prix, encourageant l'État à continuer sur la lancée de la vérité sur les prix comme ça a été fait avec une note détaillée. Rappelant les mesures de baisse des prix prises il y a quelques semaines et qui ont coûté à l'État 157 milliards de FCfa et les mesures d'augmentation de salaires qui vont coûter 120 milliards, (soit au total 277 milliards), l'économiste relève que la hausse des prix du carburant et de l'électricité, décidée vendredi dernier, permettra à l'État de récupérer 258 de ces 277 milliards de FCfa. Finalement, " rien ne se perd, rien ne se gagne, tout se transforme ", dit le Pr Kane.

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