Le Fmi défend les mesures annoncées par le Gouvernement du Sénégal visant à supprimer progressivement les subventions à l'énergie. Mieux, c'était, " d'une certaine façon ", une condition pour l'approbation de l'Instrument de coordination de la politique économique (Icpe) en faveur de notre pays, a reconnu, hier, en conférence de presse, le représentant du Fonds au Sénégal, Mesmin Koulet-Vickot.
Le Fonds monétaire international (Fmi) se montre satisfait des dernières mesures prises par le Gouvernement du Sénégal : la baisse des subventions à l'électricité et du carburant ainsi que la publication d'une feuille de route pour leur suppression totale à l'horizon 2025.
Au lendemain de l'approbation par le conseil d'administration de la sixième et dernière revue du programme au titre de l'Instrument de coordination de la politique économique (Icpe) et les troisième et dernières revues de l'Accord de confirmation (Ac) et de la Facilité de crédit de confirmation (Fcs), avec à la clé le déblocage immédiat de 133 milliards de FCfa, le représentant résident du Fmi au Sénégal a organisé, hier à Dakar, une conférence de presse pour expliquer le sens de ces mesures. Pour Mesmin Koulet-Vickot, le statu quo était devenu " intenable " et il était " profondément injuste ".
Il rappelle les chiffres pour mieux convaincre de la nécessité d'une telle mesure évidemment impopulaire. Les subventions au secteur de l'énergie sont passées de 150 milliards de FCfa en 2021 à 750 milliards en 2022, soit 23% des recettes budgétaires propres de l'État. Et en l'absence d'une telle mesure, ces subventions allaient atteindre 800 milliards de FCfa en 2023, soit plus que les recettes attendues de l'exploitation du pétrole. Pis, l'année dernière, l'État a dû couper 150 milliards dans les dépenses d'investissement pour maintenir les prix de l'énergie, contribuant ainsi à creuser le déficit budgétaire (6%), alors que ces subventions profitent à 80% à la classe aisée.
Bref, " tous ceux qui sont épris de justice et d'équité et qui sont préoccupés par le niveau d'endettement du pays devraient applaudir cette décision du Gouvernement qui va dans le bon sens ", estime M. Koulet-Vickot, espérant que la mesure permettra au Sénégal de garder sa signature sur le marché financier international. Il reconnaît que l'approbation du conseil d'administration du Fmi de l'Icpe (le 9 janvier) était " d'une certaine façon " conditionnée aux mesures annoncées par le Gouvernement concernant le secteur de l'énergie.
Incidence sur l'inflation
Toutefois, le représentant du Fmi se dit conscient que cette hausse des prix du carburant et de l'électricité aura une incidence (+1,2%) sur l'inflation. Ce qui veut dire que même les ménages pauvres vont en souffrir, en dépit du fait qu'une partie des économies réalisées (258,1 milliards de FCfa) sera réaffectée au programme de filets sociaux et des mesures d'accompagnement promis par le Gouvernement. " Il y a toujours cette préoccupation de protéger les ménages vulnérables dans la prise de décision ", insiste Mesmin Koulet-Vickot. En outre, dit-il, il s'agit de mesures " graduelles, supportables par la population ". Mieux, cette pilule, aussi amère soit-elle, a reçu l'onction de l'Assemblée nationale, estime le fonctionnaire du Fmi.
En effet, souligne-t-il, en votant un budget prévoyant 450 milliards de FCfa pour la subvention à l'énergie, alors que les projections tablent sur 800 milliards, la représentation nationale " reconnaît implicitement qu'il fallait des mesures pour rester dans l'enveloppe ". Convaincu que cet ajustement des prix contribuera à " reconstituer une marge de manœuvre budgétaire ", permettant ainsi à faire face aux futurs chocs, le représentant du Fonds souligne aussi le fait que le Gouvernement a le souci de soutenir non seulement ceux qui sont en situation d'extrême pauvreté, mais aussi ceux qui sont en situation de vulnérabilité, englobant ainsi une large fourchette de la population (environ un million de ménages). Enfin, en dépit d'une forte croissance attendue en 2023 (le Gouvernement table sur +10,1%, le Fmi sur +8,3%), la balance des risques est plutôt baissière, indique Mesmin Koulet-Vickot.
Rapport de la Cour des comptes : le Fmi " attentif " à la suite
Réagissant à la publication du rapport de la Cour des comptes sur la gestion du Fonds Force-Covid-19 pour lequel le Fmi a apporté une contribution à hauteur de 40%, le représentant de l'institution de Bretton Woods au Sénégal a d'abord salué " la capacité et l'indépendance " de ladite institution. Mesmin Koulet-Vickot promet que le Fmi " sera attentif " à la suite que le Gouvernement donnera à ce rapport. Du reste, à la suite de la dernière revue satisfaisante, le Conseil d'administration du Fonds monétaire international a décidé que le Sénégal devrait s'engager dans une Evaluation post-financement (Epf). D'après M. Koulet-Vickot, ce mécanisme est réservé aux pays qui ont une dette auprès du Fmi qui dépasse de 200% leur quote-part.
Quant aux " irrégularités sérieuses " relevées, il dit avoir l'assurance du Ministre de la Justice que le dossier a été transmis au Procureur de la République et invite à laisser le processus judiciaire suivre son cours. Mais le plus important à ses yeux, c'est que le Gouvernement a adopté un plan d'action, avec des comptes rendus réguliers, pour mettre en œuvre les recommandations de la Cour des comptes afin d'éviter que de pareilles irrégularités ne se reproduisent à l'avenir.
Il salue les récentes réformes entreprises dans ce sens : l'adoption d'un nouveau code des marchés publics pour mieux encadrer les procédures dérogatoires, le renforcement du dispositif de transferts monétaires, " qui règle une des lacunes ayant favorisé ces irrégularités " ou encore le compte unique du Trésor, " une avancée majeure " dans l'exécution budgétaire. S. KA