La mesure d'interdiction de l'importation des pneus usagés ou d'occasion passe mal chez les commerçants et vulcanisateur. Ils dénoncent une décision mettant en péril leur activité.
L'interdiction d'importation des pneus usagés ou pneus d'occasion est l'une des 23 mesures du Gouvernement du Sénégal, prise lors du Conseil interministériel de lundi dernier, à la suite de l'accident tragique de Kaffrine (40 décès). Mame Ousmane s'en émeut toujours. " C'est un terrible accident qui fait mal à tout le peuple. C'est atroce ", témoigne-t-il, le visage pâle, la voix étreinte d'émotion. Le jeune homme de forte corpulence est debout devant des pneus empilés. Vulcanisateur de son état, il évolue dans ce créneau depuis plusieurs années, au point d'en devenir un expert très couru. À côté de garçons tapant des jantes, sont exposés des dizaines de pneus étiquetés. À l'angoisse, s'est ajoutée de l'inquiétude pour leur avenir professionnel. " Le Gouvernement se trompe en interdisant l'importation des pneus. 90% des acteurs travaillent sur ces pneus importés. Ils sont souvent de qualité car un tri rigoureux est fait à l'arrivée des conteneurs ", explique-t-il, tout en gesticulant.
Pour lui, l'erreur c'est de croire que les pneus fabriqués par les " Chinois " sont de meilleure qualité. " À l'arrivée du conteneur, je choisis les pneus de meilleure qualité. Cette sélection que nous faisons permet d'éliminer automatiquement les pneus endommagés ", souligne-t-il. À ses yeux, le problème, ce n'est pas l'origine du pneu mais l'entretien et le comportement du chauffeur. " Avec le temps, les pneus deviennent usés. Ainsi, le chauffeur doit veiller à les changer afin de garantir sa sécurité et celle du voyageur. Quand un chauffeur est négligent, la faute ne peut pas être imputée au vendeur de pneus. C'est trop facile ", râle-t-il, la main noircie par l'huile de moteur.
À " Pompier ", la matinée est animée. La circulation est fluide. L'activité commerciale se déroule normalement avec la vente de pièces détachées et autres produits. Ousmane Ndiaye tient un magasin de pneus. Il en a exposé aussi dehors. Depuis plus de six ans, il vend des pneus provenant du Japon ou de l'Italie. Il travaille avec des partenaires qui lui envoient des conteneurs. Ainsi, il ne veut pas entendre parler d'interdiction d'importation des pneus usagés. C'est à la limite impossible selon lui. " Les pneus importés sont plus nombreux sur le marché que ceux dits neufs. Le Gouvernement ne doit nullement interdire l'importation. C'est une grosse erreur. L'accent doit être mis sur la sensibilisation des chauffeurs pour qu'ils vérifient régulièrement leurs pneus pour voir s'ils ne sont pas endommagés ", dit-il, discutant avec un chauffeur de camion devant lui livrer des marchandises. " L'État n'a qu'à surseoir à cette mesure car les effets seront néfastes sur l'économie, pour nous qui vendons ces pneus entre 6.000 et 50.000 FCfa l'unité ", avertit-il.
Crainte de tomber dans le chômage
Sur la route de Yarakh, Amadou Fall serre le pneu d'une moto. Il se fait aider par un jeune, tout de noir vêtu. L'environnement donne une idée de leur secteur d'activité, ils sont dans la vente et la réparation de pneus. C'est leur gagne-pain depuis plusieurs années. Raison pour laquelle ils ne digèrent pas la décision de l'État d'interdire l'importation de pneus usagés. Selon Amadou, c'est toute une industrie qui risque de s'effondrer. " Cette interdiction risque de faire mal. La moitié des acteurs vivent de la vente de ces pneus convoyés par conteneurs. Si tout s'arrête du jour au lendemain, nous allons tous devenir des chômeurs. Nos familles vont beaucoup souffrir ", estime-t-il, déplorant d'énormes dégâts économiques. Mame a le même sentiment, il redoute des lendemains compliqués car son activité, souligne-t-il, est menacée. " J'invite l'État à ne pas appliquer cette mesure car des milliers de familles vivent de l'activité. En plus, les causes des accidents sont à rechercher ailleurs. Il s'agit de l'indiscipline des conducteurs et du contrôle défaillant des véhicules ", soutient le commerçant. Face à un avenir incertain, il en veut clairement au Gouvernement. " L'État devait penser aux familles qui vivent de cette activité. Les causes des accidents sont à chercher ailleurs. Il faut veiller à l'application rigoureuse du Code de la route. C'est ça la solution ", indique Mame Ousmane, préoccupé par la pérennisation de son activité.