Ile Maurice: Commission de Pourvoi en grâce - Un système de justice parallèle

Opérant dans une totale opacité, la Commission de Pourvoi en grâce continue à susciter les débats après la grâce accordée à Chandra Prakash Dip, fils du commissaire de police condamné à la prison pour détournement de Rs 3 millions.

Les décisions de la Commission de Pourvoi en grâce continuent à faire des vagues. Sur quels critères se base-t-elle pour prendre ses décisions ? Une question qui demeure jusqu'ici sans réponse alors que le président de la Commission ainsi que ses membres ne souhaitent point sortir de leur mutisme. Le flou autour du fonctionnement de la Commission de Pourvoi en grâce et les compétences de ses membres de décider du sort des condamnés et de leur liberté ne font qu'accentuer le manque de transparence et la controverse. Est-ce un système de justice en parallèle, basé sur des motivations politiques ?

La Commission de Pourvoi en grâce est présidée depuis 2020 par l'ancien Chef juge Keshoe Parsad Matadeen qui succède à sir Victor Glover. Il est épaulé par trois membres dont les noms étaient jusqu'ici inconnus. Il s'agit de Shadmeenee Mootien, Geeantee Toory, qui ont été nommées en 2018, et Zaheer Abbas Hissoob, nommé, lui, en 2020. Il sont tous vraisemblablement des nominés politiques. La première déjà membre a la Commission électorale et la deuxième, fervente activiste dans la circonscription du Premier ministre. Le dernier venu est un enseignant. Avec une commission composée de personnes de formation différentes ayant peu ou aucune connaissance du monde carcéral, des droits de l'homme ou encore de la loi, les décisions sont vouées à la controverse.

Justice parallèle

Depuis leur nomination, les membres de la Commission ont siégé maintes fois et accordé la grâce présidentielle à plusieurs condamnés. Cependant, bien que l'on affirme que Maurice a hérité du système de grâce présidentielle de l'Angleterre car auparavant, avant que Maurice n'accède au statut de République, c'est la Reine qui avait le pouvoir de gracier, force est de constater qu'en Angleterre, la Commission de Pourvoi en grâce fonctionne avec une transparence totale. Les noms des personnes graciées et les raisons pour lesquelles le pardon leur a été accordé sont communiquées.

A Maurice, la Commission fonctionne avec une opacité flagrante alors qu'il n'y a aucune loi qui interdise à la Commission de rendre publique la liste des personnes graciées ou encore les "terms and conditions" de ceux nommés. Il importe de souligner que le président de la République peut nommer qui il veut à la Commission sans aucune justification. Leur rémunération et les avantages auxquels ils ont droit restent un mystère. Pourtant, cet argent est puisé des fonds publics.

La Commission qui siège deux fois en un mois reçoit une cinquantaine de demandes par mois. Si la Commission peut délibérer à une vitesse éclair sur certains cas, il arrive que des demandes faites depuis des mois demeurent aussi sans réponses car la Commission n'a de compte à rendre à personne.

L'avocat José Moirt souligne qu'en Angleterre, le pardon est accordé uniquement dans des cas où les condamnés ont épuisé toutes les options d'appel et que leur cas mérite une attention particulière. "Dans le cas de Chandra Prakash Dip qui n'a pas purgé sa sentence, pourquoi c'était si urgent et qu'est-ce qu'il y avait de si exceptionnel", se demande Me Moirt. L'avocat insiste sur le fait que la Commission de Pourvoi en grâce ne peut surpasser les décisions d'une cour de justice.

Ceux qui décident du sort des condamnés

Kheshoe Parsad Matadeen

L'ancien Chef juge Kheshoe Parsad Matadeen succéda à sir Victor Glover à la présidence de la Commission en 2020 avec un contrat renouvelé pour deux ans jusqu'en 2024. Les délibérations de cet ancien Chef juge avaient déjà fait l'objet de certaines interrogations en 2016 lorsqu'il avait renversé la condamnation de Pravind Jugnauth dans l'affaire Medpoint. Il avait siégé sur l'appel du Premier ministre aux côtés du Puisne Judge d'alors, Asraf Caunhye. Dans son jugement, il donne une toute autre interprétation des termes conflits d'intérêts et mensrea.

Shadmeenee Mootien

Avocate de formation, Shadmeenee Mootien a été nommée en 2018. Proche du pouvoir, elle siège déjà sur l'Electoral Supervisory Commission et l'Electoral Boundaries Commission depuis octobre 2021.

Geeantee Toory

Fervente activiste dans la circonscription du Premier ministre, Geeantee Toory est une femme d'affaires. Elle est la directrice d'Active Stationary Services, commerce qu'elle gère à l'Agrément, St-Pierre. Cette habitante de Montagne Ory a été la présidente de la Commission nationale des sports en 2015 et a éténommée au sein de la Commission de Pourvoi en grâce en 2018.

Zaheer Abbas Hissoob

Le nouveau venu est enseignant de carrière. Ancien élève au collège Islamic de Port-Louis, il a fait ses études à l'Université de Maurice et au Mauritius Institute of Education. Cet habitant de Port-Louis travaille comme enseignant au Islamic Cultural College.

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