Burkina Faso: Nouvelles mesures fiscales - Pour un financement endogène des priorités du moment

12 Janvier 2023

La loi de finances initiales pour l'exécution du budget de l'Etat 2023 adopté par l'Assemblée nationale de la Transition (ALT) a introduit de nouvelles mesures fiscales. L'objectif de ces innovations fiscales est de renforcer la mobilisation des ressources domestiques pour faire face aux grandes priorités nationales.

Doter les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) d'armements, de moyens logistiques nécessaires afin de leur permettre de mener efficacement la guerre contre les forces du mal; assurer une prise en charge digne des compatriotes qui ont fui leurs villages du fait du terrorisme et appelés aujourd'hui personnes déplacées internes (PDI) dans leur propre pays; assurer une éducation de qualité aux enfants des PDI...

Les défis pour la reconquête du territoire national tout en poursuivant les efforts de développement à travers des investissements structurants tels que la réalisation d'infrastructures socioéconomiques, éducatives, sanitaires, routières, énergétiques, hydroagricoles sont énormes.

Le financement de toutes ces actions, aussi urgentes les unes que les autres, demande de colossales ressources financières et les nouvelles autorités burkinabè ont décidé de miser sur la mobilisation endogène des recettes publiques.

Le ministère de l'économie, des finances et de la prospective, à travers l'administration fiscale, va jouer sa partition dans la bataille de mobilisation des ressources domestiques. Mais pas sans l'ensemble des contribuables burkinabè.

Dans cette vision, de nouvelles mesures fiscales ont été introduites dans la loi de finances initiale pour l'exécution du budget de l'Etat exercice 2023 adoptée par l'Assemblée nationale de la Transition (ALT). Il s'agit de l'institution de nouveaux impôts ou taxes, de l'élargissement ou de la hausse du taux de certains impôts existant ou encore des mesures de renforcement du recouvrement ou de l'évitement de la fraude fiscale.

Jusque-là épargnés du paiement de la Taxe sur les Véhicules à Moteur (TVM) instituée depuis 2019, les véhicules à deux et trois roues, c'est-à-dire les motos et tricycles, vont être concernés par cette taxe à partir du 1er janvier 2023. Mais contrairement aux véhicules à quatre roues, qui sont imposés annuellement, les propriétaires de nouveaux motos et tricycles paieront une seule fois la taxe lors de l'immatriculation. Les anciens motos et tricycles ne sont pas concernés. Les assujettis à la TVM paieront 10 000 F CFA, 20 000 F CFA ou 30 000 F CFA, selon le gabarit de l'engin.

Le taux de la taxe sur les boissons va connaitre un rehaussement à partir de janvier 2023. Les vins et autres boissons alcoolisées titrant 35° d'alcool et plus vont être désormais taxés à 70%. La taxe applicable aux boissons non alcoolisées énergisantes et autres boissons alcoolisées titrant moins de 35° d'alcool passe à 50%. Quant aux bières titrant plus de 8° d'alcool, elles seront taxées à 40%, contre 30% pour les bières titrant moins de 8° d'alcool et 15% pour les sucreries et autres boissons non alcoolisées.

La culture de l'exemplarité

Tout en constituant un " un levier pour la mobilisation des recettes fiscales ", cette hausse de la taxation des boissons vise à " lutter contre la prolifération de certaines boissons très alcoolisées et/ou énergisantes, nuisibles à la santé des populations ", en décourageant leur consommation excessive, explique le fisc.

Le relèvement du taux concerne également les jeux du hasard. En effet, la retenue à la source libératoire, opérée sur les gains réalisés par les parieurs et ceux provenant des autres jeux de hasard passe de 10% à 15%, soit une hausse de 5%.

L'augmentation des taux de taxation frappe aussi les tabacs, cigares, cigarettes et cigarillos. A compter du 1er janvier 2023, le taux de la taxe sur ces produits passe de 50% à 55%, et ce, conformément à la directive de l'UEMOA.

Les innovations de la loi de finances initiale 2023 concernent également l'attestation de situation fiscale (ASF) et le quitus fiscal.

L'attestation de situation fiscale délivrée par la Direction générale des impôts (DGI) certifie que l'entreprise qui en est titulaire est en règle vis-à-vis de ses obligations fiscales. A compter du 1er Janvier 2023, le code général des impôts a étendu le champ de l'ASF aux demandes de terrains à usage autre que d'habitation, demandes de documents d'exonération et de domiciliation fiscale et d'occupation du domaine public et de location de boutiques et d'équipements marchands.

Quant au quitus fiscal délivré par l'administration fiscale, il atteste que les personnes physiques qui en sont détentrices sont à jour de leurs obligations fiscales. Ce quitus est désormais exigé pour les demandes de terrains à usage autre que d'habitation, de demandes de documents d'exonération et de domiciliation fiscale, les mandats électifs publics et consulaires, les nominations des membres du gouvernement, des présidents d'institutions et toute nomination en conseil des ministres, les décorations à l'exception de celles à titre posthume ou liées aux distinctions honorifiques à caractère militaire et les inscriptions dans les ordres professionnels.

Les manquements à cette nouvelle disposition fiscale sont passibles d'amendes fiscales de 200 000 F CFA ou de 500 000 F CFA en cas de récidive ; ces sanctions sont applicables sans préjudice de poursuites pénales.

Selon le fisc, l'institution du quitus fiscal vise à assurer la promotion du civisme fiscal et de la culture de l'exemplarité au sommet de l'Etat et des institutions. Sa validité est de six mois.

Des mesures de faveur

Toujours dans la dynamique de recherche de justice fiscale, pour compter du 1er janvier 2023, les indemnités de fonction, les indemnités de session et les rémunérations diverses servies aux membres des conseils d'administration des Etablissements publics, des associations, des fondations et autres structures sont soumises à l'impôt sur les revenus des capitaux mobiliers (IRCM), à l'image des administrateurs des sociétés.

Les nouvelles mesures fiscales issues de la loi de finances de 2023 portent aussi sur le rétablissement de la date d'exigibilité de la taxe de résidence. Et Pour compter du 1er janvier 2023, la date limite de paiement de cette taxe est fixée au 31 mars de l'année d'imposition. Pour ce qui est du taux des droits de mutation à titre onéreux d'immeubles, il passe de 8% à 5%, quelle que soit la destination du terrain ; la mesure du forfait étant désormais supprimée. Pour compter de cette année, les ventes effectuées par les producteurs et les importateurs de ciment, seront soumises à la TVA sur la marge.

Outre le relèvement du taux de certains impôts ou de l'élargissement de leurs champs d'application, les nouvelles dispositions fiscales comportent aussi des mesures de faveur.

Ainsi à partir du 1 janvier 2023, les produits comme le sésame, le gaz et les levures vivantes (utilisées dans la panification) sont exonérés de la TVA. Le code général des impôts a institué un mécanisme de compensation entre la créance d'un contribuable envers l'Etat et sa dette fiscale.

Le taux du prélèvement subi par les acteurs évoluant dans le secteur des boissons locales va connaitre aussi une baisse et passe de 5% à 2%.

Toujours dans l'optique d'optimiser le recouvrement des recettes fiscales, le numéro IFU est dorénavant exigé pour la souscription à une police d'abonnement à l'eau, l'électricité et aux télécommunications par des entreprises. La violation de cette disposition est passible d'une amende de 100 000 F CFA par manquement constaté.

Dans la même visée, dans la loi de finances initiale de 2023, le législateur a introduit des innovations relatives au prix de transfert, et ce, pour se conformer aux recommandations de l'OCDE.

Le respect de l'ensemble de ces nouvelles dispositions fiscales par les contribuables devrait permettre au gouvernement disposer de ressources conséquentes pour l'exécution du Budget de l'Etat exercice 2023 qui est centré sur l'objectif de recouvrer l'intégrité du territoire national, mais aussi, sur les actions urgences de développement.

Et dans un pays en guerre, menacé dans ces fondements par les forces du mal, le civisme fiscal voire le civisme tout court doit être chevillé au corps et à l'esprit de tout citoyen.

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