Congo-Brazzaville: Société - Carte d'identité et délinquance, un sujet à débats

En quelques trente secondes, le Journal télévisé (JT) de " Télé Congo" du 9 janvier a résonné comme un véritable coup de tonnerre dans le ciel du Congo Brazzaville. Alors, " comme au vieux temps " pourrait-on écrire, dans la rue et sous l'arbre à palabres, le peuple gronde et les langues se délient.

" Nous allons reprendre les patrouilles comme au vieux temps. Celui qui sort au-delà de 21 heures, 22 heures, s'il n'a pas sa carte d'identité, il est pris ! On va revenir à ce système, comme ça tous ceux que nous trouverons dans la rue seront des délinquants ". La déclaration de Raymond Zéphirin Mboulou, extraite du JT de Télé Congo du 9 janvier, aura eu le mérite d'être entendue, largement partagée et longuement commentée par la population.

Cependant la formulation du message du ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation de la République du Congo, adressé aux chefs de quartier, et par extension à la nation, a froissé plus que rassuré l'opinion publique. Celle ci doit, avant toute chose, se rendre à une évidence, à savoir celle d'avoir à établir la preuve de son identité, et quelle que soit l'heure au demeurant, si elle est exigée en cas de contrôle des forces de l'ordre.

C'est incontestable, c'est la loi et elle ne fait, par ailleurs, aucun obstacle à la liberté de circuler. Si l'on se félicite de la ferme volonté de l'Etat à engager une lutte sans relâche contre la délinquance, et notamment celle attachée au phénomène des " Bébés noirs ", il n'y a cependant et hélas plus qu'un seul petit pas, que l'on franchirait à une heure tardive, pour faire du simple passant sans pièce d'identité un délinquant en puissance. Ce pas peut-il être allègrement franchi pour vouloir mettre un terme à la délinquance tout en créant quasi aveuglément des dizaines et centaines d'autres délinquants d'une toute autre nature ?

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La réponse à la question appartient à la rue et la moitié du peuple gronde, son autre moitié ironise et les deux moitiés s'en inquiètent. Si certains pointent du doigt le déficit d'éclairage public qui favorise la délinquance dans certains quartiers, d'autres s'indignent légitimement du fait que l'obtention de la carte d'identité relève d'un véritable parcours de combattant pour lequel il faut s'armer d'une patience d'ange durant plusieurs mois, voire même une année ou plus, en un autre terme, ce serait donc selon l'expression " le serpent qui se mord la queue ".

D'autres de se moquer : "Les policiers vont pouvoir danser le mopacho " où il faut comprendre ici la crainte sous-entendue de la population de voir certains contrôles d'identité faire l'objet d'un " petit commerce " par quelques policiers mal intentionnés. D'autres encore s'interrogent : "Mais les vrais délinquants, ils n'ont pas de carte d'identité ? ". Des parents s'inquiètent pour leurs enfants : " C'est une source d'inquiétude si nos enfants tardent à rentrer à la maison, les aura-t-on pris comme délinquants ? "

Les questions fusent, n'en jetez plus, la cour est pleine et, à écouter cette cour, la mesure est pour le moins jugée impopulaire. Pour ce peuple qui gronde, il reste à espérer que la mise en application des contrôles d'identité se fasse avec un profond discernement entre culpabilité et innocence de tout un chacun et d'espérer encore que l'ordre public éradique la délinquance dans la juste et indispensable mission qu'elle s'est donnée.

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