Cote d'Ivoire: Banane, manioc, placali, djoumgblé... - Le " marché Gouro " s'invite dans les supermarchés abidjanais

11 Janvier 2023

Le supermarché de la commune de Yopougon, spécialisé dans la vente d'épices africaines, de produits vivriers, affiche complet le mercredi 4 janvier 2023.

Dans les rayons, une bonne brochette de clients. Les étals et caisses de conservation abondent de produits locaux. Banane, manioc, gombo frais, Akpi, djoumgblé, aubergine, piment, placali, igname, pâte d'arachide, betterave, navet, patate douce, etc., tout y est.

Des femmes et des hommes, entre les rayons, paniers en main, font des achats. On parlemente avec les rayonnistes, on fait des choix.

Kacou Alice est une habituée de la surface commerciale. Elle s'y rend régulièrement. " Je trouve que ce marché est avantageux. Il est sécurisé et un accent est mis sur l'hygiène. Les prix des denrées sont également abordables ", témoigne-t-elle. Avant d'ajouter : " il suffit de faire le choix des produits que tu désires, tu vas ensuite à la caisse. On pèse ce que tu as pris et on te délivre ta facture. Ici, tout est acheté au poids ".

Odile Touarali, agent d'une Ong, trouve que l'introduction des produits locaux dans les supermarchés est innovante. "Les produits sont bien conservés, c'est ce qui me motive à venir régulièrement faire mes achats. Les prix pratiqués ici sont accessibles aux différentes bourses. Mes collègues viennent également s'approvisionner en produits vivriers", laisse-t-elle entendre.

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"On trouve un peu de tout dans cet espace. Depuis que j'ai découvert cet endroit par le biais de ma fille, j'ai été séduite ", affirme, pour sa part, Madeleine Gnangni, habitante de Yopougon. Elle précise que l'accueil, mais surtout les prix pratiqués sont les éléments qui l'ont fidélisée.

Solange Kouade, restauratrice, révèle, elle aussi, qu'elle fait ses achats chaque semaine dans ce lieu parce que les produits se conservent mieux.

"C'est la première fois que je viens dans cet espace, c'est mon épouse qui a l'habitude d'y venir faire des emplettes. J'ai décidé de venir et je constate qu'on trouve un peu de tout. C'est pratique, on ne patauge pas dans la boue, on ne marchande pas assez. Tu es à l'abri des injures des vendeuses parfois de mauvaise humeur. Ici vous avez le choix, vous pesez vos produits après quoi vous réglez votre facture ", relève, à son tour, Séka Saint Jean de Dieu.

Toujours dans le même supermarché, des rayons sont aussi dédiés à la viande, la volaille et même au poisson (capitaine d'eau douce, thon blanc). Il y a également du poisson fumé, des crevettes fumées, de la graine de palmier à huile et de la pâte d'arachide en conserve.

Kazen Hussein, gérant par intérim explique que le supermarché et toutes les autres succursales basées à Treichville, Angré, sont ravitaillés par des coopératives, des opérateurs et des producteurs locaux. " Lorsque les produits ne sont pas vendus durant toute la journée, ils ne sont plus frais, on les offre à des associations ou parfois, on les revend à moitié prix à des restaurants de la place ", a-t-il confié. A l'en croire, la clientèle est satisfaite puisque elle dispose d'une panoplie d'offres.

A Yopougon Ficgayo, un supermarché d'une enseigne française présente les mêmes offres. Ici, certains produits locaux tels que l'attiéké, le gombo, le poulet africain, le piment sent bon, le riz local sont exposés dans les rayons. On y trouve du poisson d'eau douce. Les Ivoiriens peuvent trouver des produits pour concocter toutes sortes de recettes locales.

Djahi François, chef secteur, fait savoir que les produits classiques qui se trouvent sur les marchés ordinaires sont disponibles dans ce supermarché. A propos du ravitaillement, il explique que des fournisseurs locaux livrent quotidiennement des produits frais que la clientèle apprécie bien.

De l'alloco en rayon

Une autre enseigne locale, ouverte récemment au carrefour Sable, dans la commune de Yopougon présente aux consommateurs des produits locaux qui ont la particularité d'être surgelés. On peut citer, entre autres, de l'alloco, des feuilles de patate, des feuilles de taro, d'épinard, du piment, du gnangnan, de la purée d'aubergine, du gombo, du poisson fumé, du poulet fumé, des pattes de grenouilles, de l'igname, des patates, du taro surgelé, exposés aux côtés de produits importés.

Le supermarché draine déjà du monde. Surtout les adeptes de cuisine rapide. Selon Guy Marc Obro, directeur des magasins, la structure a décidé, en dehors des produits importés, de mettre en valeur les produits locaux.

A l'en croire, ce projet de surgélation vise à capter les produits locaux qui sont produits en quantité. "Notre vocation est d'aspirer le surplus de production et le transformer. Le directeur des magasins ajoute que pour la transformation des produits, la structure dispose d'une usine à Vridi.

"Tout est réalisé tout en respectant les standards internationaux d'hygiène et de qualité. Il y a un traitement qui précède l'empaquetage ", confie Guy Marc Obro. Les produits sont estampillés d'étiquettes orange, blanc et vert pour insister sur la provenance. Les produits sont aussi conditionnés et mis à la disposition de la clientèle.

Ces initiatives, avance-t-il, ont pour objectif de garantir l'approvisionnement des produits durant l'année et surtout les avoir au même coût, quand on sait que les produits sont saisonniers. " Nous travaillons avec les producteurs locaux. Nous tenons compte également de ce que veut la clientèle.", a conclu le responsable de l'enseigne.

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Supermarchés/Marché Gouro : A chacun sa clientèle

En dépit de l'entrée massive des produits locaux dans les grandes surfaces, certaines commerçantes ne sont pas inquiètes. S'il y en a qui estiment que c'est une façon de mieux approvisionner le pays, en revanche, d'autres, comme Dougou Lou Ella, vendeuse de tomate fraîche, voit en ces supermarchés des potentiels concurrents.

Selon elle, les clients qui fréquentent ces supermarchés trouvent que leurs produits sont excessivement chers. " Le kilogramme de tomate est à 600 FCfa, mais nous vendons parfois en détail. On prend le produit en gros à 400 voire 450 F Cfa et notre bénéfice est souvent de 100 FCfa ou 150 F Cfa. Nous ne pouvons donc pas pratiquer les mêmes prix qu'eux. Cependant, nous arrivons à nous en sortir parce que nous avons pu fidéliser nos clients habituels ", confie-t-elle.

Idem pour Djénéba Fofana (vendeuse de feuilles) qui trouve que permettre à la population de s'approvisionner partout et en tout temps est, au contraire, un avantage pour la sécurité alimentaire du pays.

Akafou Thérèse (vendeuse de banane en gros et en détail) ne dit pas le contraire. Elle rappelle que la Côte d'Ivoire applique la règle de la liberté du commerce et d'industrie. C'est pourquoi, elle estime que c'est une aubaine.

De plus, c'est chez eux, les grossistes, que certains supermarchés s'approvisionnent. " Plusieurs personnes n'arrivent pas à pénétrer un marché bondé d'hommes. Quand ceux-là s'orientent vers les grandes surfaces, le marché ordinaire est décongestionné et on peut mieux circuler ", explique-t-elle.

Toutes les commerçantes de marché ordinaire ne sont pas du même avis. Lucienne Yuan, vendeuse de piment, n'apprécie pas beaucoup cette situation. " Avec l'avènement des produits vivriers dans les supermarchés, le marché va finir par se vider ", craint-elle.

Sa préoccupation est largement partagée par sa collègue, Zéblé Patricia, vendeuse d'épices et de pâte d'arachide dans le même marché. " Si les différents produits que nous proposons à nos clients se retrouvent dans les rayons des supermarchés, qui sont de plus en plus fréquentés, qui viendra vers nous ? Pour tout vous dire, les clients se font rares. Les femmes trouvent que notre cadre est insalubre et que dans les supermarchés, elles peuvent se déplacer plus aisément avec leurs produits dans des chariots. Malgré tout cela, nous continuons de pratiquer les meilleurs prix dans les marchés ordinaires, entre 250 et 1500 F Cfa ", souligne Dame Zéblé.

Kouadio Ahou, une habituée du marché gouro, juge également que les prix pratiqués dans ce marché défient toute concurrence. " Je préfère venir au marché car les prix, à mon avis, sont plus abordables. Ici, on peut marchander. La commerçante vend son tas de tomate à 600 FCfa, mais je lui ai demandé de me servir pour 300 FCfa, et sans hésiter, elle l'a fait. Ailleurs, tu payes ou tu laisses, personne ne te fera de rabais ".

Elle ajoute que l'insalubrité du marché n'est pas un frein puisque dit-elle, " Je prends la peine de bien laver les denrées une fois rentrée chez moi ".

La "guerre" des prix

Dans les grandes surfaces ou dans les marchés locaux, la "guerre des prix bat son plein". Les clients et clientes y trouvent leur compte. Les supermarchés qui vendent les produits vivriers drainent toujours du monde. Les marchés traditionnels ne désemplissent pas non plus.

Le kilogramme de la tomate fraîche se négocie à 600 FCfa au marché, tandis que dans les grandes surfaces, il est vendu à 545 F Cfa. Le kilo de concombre est vendu à 445 FCfa au supermarché alors qu'au marché, il est vendu en détail selon sa forme.

Quant à la viande, le kilogramme sans os est vendu 2900 FCfa et avec os à 2750 FCfa contre respectivement 3000 et 3500 au marché. Concernant l'aubergine, il se vend à 475 FCfa/Kg dans les supermarchés, contrairement au marché où il se négocie en tas de 100 FCfa et 200 FCfa.

Si dans les grandes surfaces, l'achat se fait au kilo et par la pesée, dans les marchés, les commerçantes n'appliquent pas encore cette méthode.

Elles font des tas en estimant leur poids. La majorité des clients pensent que la balance des grandes surfaces affiche les poids exacts alors que celle des marchés locaux est souvent truquée.

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