Mamadou Bocar Sy a pris les rênes de la Fédération des associations professionnelles des banques et établissements financiers de l'Uemoa (Fapbef) pour une période de deux ans.
La Fédération des associations professionnelles des banques et établissements financiers de l'Uemoa (Fapbef) a un nouveau président. Mamadou Bocar Sy, Directeur général de la Banque de l'habitat du Sénégal (Bhs) et président de l'Apbef Sénégal, a pris le relai de Nana Ango Aïssa du Niger pour une période de deux ans. C'était à l'occasion de l'assemblée générale de la Fapbef tenue, hier, à Dakar. Un choix qui réjouit le Directeur national de la Bceao pour le Sénégal, même si on sait que la présidence de la Fapbef revient à tour de rôle, par ordre alphabétique, aux huit pays membres de l'Uemoa. " Son esprit d'ouverture et sa proximité avec la Banque centrale seront un atout considérable à la Fapbef ", a salué Ahmadou Al Aminou Lô à propos du nouveau président de la Fapbef.
Dans son discours, M. Sy a souligné le rôle d'" interface " que joue la Fapbef entre ses membres et les administrations publiques, la Banque centrale et les autres institutions communautaires, en prenant en charge des préoccupations qui " transcendaient le cadre national ".
Le nouveau président de la Fapbef promet de poursuivre le travail pour relever les défis qui se dressent devant la profession bancaire. Il s'agit, entre autres, de la dynamisation du marché interbancaire, la digitalisation et son corollaire, la cybercriminalité, l'harmonisation de la fiscalité bancaire dans l'espace Uemoa, les exigences post-période transitoire pour la mise en œuvre des dispositions baloises, le contentieux bancaire, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l'impact de la hausse de l'inflation avec ses effets induits sur les taux directeurs, etc.
AHMADOU AL AMINOU LÔ, DIRECTEUR NATIONAL DE LA BCEAO
" Il n'est pas à l'honneur des banques d'être dans les pages de faits divers "
Le secteur bancaire de l'Uemoa fait preuve de résilience avec une meilleure maîtrise de la qualité du portefeuille de crédit et une rentabilité d'ensemble confortable, sans oublier une meilleure solvabilité. " Le résultat provisoire du secteur bancaire à fin septembre 2022 fait ressortir une tendance pour l'ensemble de l'année qui pourrait être meilleure que les résultats de 2021 avec 673 milliards de bénéfices consolidés ", observe Ahmadou Al Aminou Lô, Directeur national de la Bceao pour le Sénégal et conseiller du Gouverneur Jean-Claude Kassi Brou qu'il est venu représenter à la rencontre. Toutefois, souligne-t-il, le contexte de crise invite la profession bancaire à s'inscrire résolument dans le sens de l'amélioration continue de la gestion des risques afin de préserver les acquis en matière de stabilité financière.
À cet égard, le banquier central invite à accorder une attention particulière à la mise en place d'un cadre de gouvernance adéquat et conforme aux réglementations en vigueur, notant " presque partout des écarts en matière de gouvernance ". " Et nous savons que si la gouvernance est en défaut, les risques s'ouvrent ", dit-il. Si, naturellement, le rôle des banques est de prendre des risques, le régulateur estime que ceux-ci doivent être particulièrement surveillés avec un dispositif robuste, notamment en ce qui concerne les risques de crédit et de concentration qui sont les plus prégnants dans la zone Uemoa et la cybercriminalité qui est un risque continu. Les actions doivent également viser une plus grande maîtrise des risques opérationnels. Ainsi, le Directeur national de la Bceao estime qu'il " n'est pas à l'honneur des banques d'être dans les pages de faits divers " pour des risques opérationnels. Il cite aussi le renforcement continu des fonds propres et des règles prudentielles à l'effet de se doter d'un " coussin de sécurité " pour faire face aux chocs exogènes qui seront " plus fréquents ".
Ahmadou Al Aminou Lô note aussi que beaucoup de pays de l'Union ont eu soit une dégradation très forte du taux de change ou tout bonnement la Banque centrale a été obligée de faire des blocages interdisant de fait la couverture de certaines opérations. En effet, récemment, il y a eu quelques incompréhensions entre la Banque centrale, les banques et le patronat, a-t-il révélé. " Il nous est arrivé de constater qu'il y a un document essentiel appelé " Attestation d'importation " et qui n'attestait pas du tout le franchissement du cordon douanier. Et nous avons eu à nous rendre compte que le secteur privé venait à vos guichets sans qu'on ait la certitude que la marchandise a franchi le cordon douanier ", explique-t-il, invitant patronat et banques à veiller au respect de la réglementation. Même si l'Uemoa dispose d'un matelas assez consistant de réserves de change (environ 4,7 mois de couverture des importations), " ce que nous avons vu comme baisse des réserves de change en un an est extrêmement important ", alerte M. Lô.
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX
Le Sénégal toujours dans la zone grise
Un point qui préoccupe au plus haut point la Banque centrale, c'est l'efficacité du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux. En effet, trois pays membres de l'Uemoa (Sénégal, Mali et Burkina Faso) sont inscrits sur la liste grise du Gafi (Groupe d'action financière, un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme). Une situation que le Directeur national de la Bceao juge anormale. " Ce n'est pas normal qu'on puisse figurer sur cette liste encore longtemps ", dit Ahmadou Al Aminou Lô.
Au Sénégal, l'Apbefs a eu à élaborer un plan d'actions qui, espère-t-il, permettra à notre pays de sortir de cette liste. Sinon, dit-il, les banques locales risquent d'être confrontées à des problèmes de derisking (décision de mettre fin à une relation d'affaires lorsque le risque client est considéré plus sensible) et de correspondance bancaire. Les 11 et 12 janvier, ces trois pays sont à nouveau repassés devant l'Icrg (More about the International Co-operation Review Group), qui est l'organe qui doit s'assurer des mesures prises pour lever cette appréciation négative sur les dispositifs à la fois du secteur bancaire et des autres assujettis (notaires, agents immobiliers, les avocats). M. Lô révèle que l'Union européenne et la Grande-Bretagne ont inscrit ces pays sur une liste plus restrictive.