Depuis le début de l'année, la prison de Mambasa, en province de l'Ituri, a enregistré cinq cas de décès. Les victimes étaient depuis plusieurs mois en détention préventive et sont mortes dans l'attente de leur procès.
Construite en 1952, à l'époque coloniale, la prison de Mambasa héberge actuellement plus de 600 prisonniers alors qu'elle a une capacité d'accueil de 200 personnes. La plupart des détenus sont en attente de leur procès.
Le député Emmanuel Leku, élu de Mambasa, parle de violations graves des droits à la détention. Selon lui, les détenus vivent dans des conditions dégradantes et inhumaines dans la prison de Mambasa.
Il dénonce l'inaction du ministre de la Justice face à ce qui se passe dans cette prison.
"La prison de Mambasa est devenue un mouroir. Quand on y entre, c'est seulement par la grâce divine qu'on en sort. Les gens meurent comme si c'étaient des sauterelles. Les gens dorment à même le sol, dehors, sous la pluie, sous le soleil. Quand un prisonnier entre, il doit payer 350.000 francs congolais pour qu'il soit plus ou moins mieux traité. S'il ne paye pas ça, il est livré à ses collègues qui vont le tabasser sérieusement et, sans soins, sans quoi que ce soit, le prisonnier meurt. Donc il n'y a aucun respect des droits humains à la prison de Mambasa. Quelqu'un peut faire dix ans en prison sans un jugement et il peut y mourir pour un fait bénin s'il vous plait ! J'ai été voir le ministre de la Justice, je le lui ai présenté cette préoccupation, jusque-là aucune réponse."
Mauvaises conditions de détention
Les prisonniers font face à de multiples difficultés dont la malnutrition, l'insalubrité et le non accès aux soins de santé, dénonce John Vuleverio. Celui-ci regrette que seul un tribunal de paix fonctionne à Mambasa et celui-ci n'est même pas compétent pour juger toutes les infractions. Les autres juridictions se trouvent à Bunia, la capitale de la province de l'Ituri, située à 160 kilomètres de Mambasa.
Cet éloignement prolonge souvent la durée de détention, s'inquiète John Vuleverio de la société civile de Mambasa.
"Il faut vous dire que la plupart des gens qui sont arrêtés en territoire de Mambasa sont justiciables devant le tribunal de grande instance, devant le tribunal militaire de garnison, malheureusement qui existent seulement au niveau du chef-lieu de la province de l'Ituri. Avec comme conséquence, que les gens font deux ou trois ans de détention sans qu'ils soient amenés à Bunia où se trouvent leurs juges naturels. Nous pensons que non seulement le gouvernement congolais doit faire l'effort d'améliorer en urgence les conditions de vie au niveau de cette maison pénitentiaire, mais aussi dans la création d'un tribunal de grande instance, d'un tribunal militaire de garnison et de parquets qui y seront rattachés. Cela fera diminuer le nombre de personnes qui pourraient être relaxées mais qui restent malheureusement en détention préventive pendant des années."
En attendant que des mesures soient engagées...
L'administrateur du territoire de Mambasa dit être très préoccupé par situation de la prison.Depuis décembre dernier, Jean-Baptiste Matadi Muyapandi affirme avoir ordonné à la zone de santé locale d'affecter un personnel soignant à la prison et aux responsables de la prison de transférer à l'hôpital le plus vite possible les détenus malades pour éviter de nouveaux décès.
"Les cas de maladies à la prison, on les connait, il faudrait qu'on puisse disposer d'un personnel soignant permanent à la prison centrale. Mais je mène déjà des démarches pour que la prison soit alimentée en vivres régulièrement. La vie humaine est sacrée, on ne peut pas garder quelqu'un dont la vie est en train de se détériorer au jour le jour."
Le 3 Janvier, trois détenus transférés à l'hôpital se sont évadés alors qu'ils y étaient soignés. L'administrateur du territoire a instruit la police de mettre à la disposition de la prison des policiers pour assurer la garde des détenus malades à l'hôpital.
En 2022, au moins 50 détenus sont morts dans la prison de Mambasa, précise la société civile. 2023 commence donc très mal avec cinq nouveaux décès enregistrés depuis le début du mois.