Ile Maurice: Manishwar Purmanund - "Il y a deux poids, deux mesures dans la grâce accordée par le système"

interview

L'activiste social responsable de la branche locale d'une ONG internationale qui défend les droits humains a été très actif sur la question de brutalité policière. Il a aidé des victimes à porter plainte contre des policiers. Nous l'avons rencontré...

Comme l'un des activistes ayant évoqué le problème de la violence policière, vous avez déposé quatre plaintes auprès du Central Criminal Investigation Department au nom des victimes et de nombreuses plaintes auprès de l'Independent Police Complaints Commission (IPCC). Qu'est-il advenu de ces plaintes ?

Parmi les quatre cas, un a été référé au tribunal par l'IPCC. Pour les autres, on attend encore des informations. Au total, nous avons déposé environ 13 plaintes auprès de l'IPCC pour lesquelles nous avons accompagné les victimes et les avons assistées durant toutes les procédures. Nous sommes toujours sans nouvelles de neuf de ces cas. Je tiens à préciser aussi que l'une des victimes s'est vue forcée de retirer sa plainte, en raison de pressions et menaces de certaines personnes, bien que nous lui ayons assuré tout notre soutien. On peut néanmoins la comprendre.

En dépit de nombreuses protestations, le nombre de cas rapportés de brutalité policière semble augmenter, ainsi que des allégations de "planting" de drogue. Quelles en sont les causes ?

Premièrement, il y a un manque de connaissances des fonctions spécifiques, des responsabilités et des obligations d'institutions telles que la police, ce qui engendre une déconnexion entre eux et le public. Ainsi, dans de nombreux cas où nous sommes intervenus, nous avons constaté que les victimes s'adressaient souvent à la police comme premier recours, mais que celle-ci refusait de prendre leur déposition ou de traiter l'affaire, et les renvoyait vers d'autres départements comme la Child Development Unit. Nous avons également remarqué une tendance à "laisser tomber" des plaintes pour éviter de consacrer du temps et des efforts à leur gestion, en particulier dans des cas où les victimes sont vulnérables et peu éduquées. En revanche, de fausses allégations sont faites en raison du buzz par des personnes qui veulent simplement sauver leur peau. Récemment, j'ai enquêté sur deux tels cas pour lesquels j'ai été sollicité et j'ai établi que les allégations de brutalité policière étaient fausses. Dans l'un des cas, la personne avait été verbalisée pour une faute routière et pour éviter de payer, elle s'est plainte d'avoir été brutalisée par le policier concerné.

Il existe également un déni et une hostilité générale de la part de ceux à la tête d'institutions. Quant à ceux au bas de l'échelle, ils travaillent sincèrement. Par exemple, nous travaillons beaucoup en collaboration avec le poste de police de Grand-Bois pour établir un cadre conforme aux droits humains, et il y a eu beaucoup d'améliorations.

Pour améliorer les lacunes, il faut d'abord reconnaître qu'elles existent, et peu de commissariats l'ont fait. Mais les personnes au pouvoir ne veulent pas le faire. Nos équipes ont écrit de nombreuses lettres à différents ministères pour solliciter des réunions afin de faire des propositions et mettre en œuvre les plans d'action que nous avons élaborés en collaboration avec nos bureaux régionaux dans différents pays, mais nous n'avons jamais reçu de réponse concrète. Nous avons également écrit au commissaire de police (CP) mais n'avons jamais reçu de réponse.

... Parlant du CP, son fils, condamné à 12 mois de prison, a obtenu la grâce présidentielle et vu sa peine commuée en amende de Rs 100 000. Ou encore, la faveur accordée à l'ex-député du PMSD Thierry Henry, qui a vu son amende rayée de son certificat de moralité. N'oublions pas aussi l'obtention du répit d'exécution de la sentence de 18 mois de prison de l'homme d'affaires Rafiq Peermamode...

"En revanche, de fausses allégations sont faites en raison du buzz par des personnes qui veulent simplement sauver leur peau."

Il ne s'agit pas du concept de la grâce présidentielle en soi, mais des circonstances de qui l'obtient, comment et pourquoi. Si l'on prend tout en considération, il est clair qu'ici, il y a deux poids deux mesures dans la "grâce" accordée par le système : une pour le citoyen lambda et une autre destinée aux riches, connectés et privilégiés. J'interviens dans de nombreux cas où des personnes qui ont commis de simples délits comme le vol d'un produit alimentaire à une époque où elles n'avaient pas d'argent, ont été condamnées à une amende par le tribunal et cela figure dans leur certificat de moralité depuis huit à dix ans. Ces gens ne peuvent pas avoir un emploi dans les supermarchés, doivent travailler au jour le jour comme manev mason pour gagner un peu d'argent et ne peuvent pas contribuer au fonds de pension.

Dans d'autres cas, des personnes répondant à un profil stéréotypé et vulnérables sont souvent piégées, maintenues en détention préventive pendant des années, malgré l'absence de preuves sous des accusations provisoires, alors qu'elles continuent de clamer leur innocence. La question est donc, en tant que citoyen mauricien, eski mo bizin enn pros pouvwar ou pros enn parti politik pu gagn lagras ? Les personnes qui le méritent vraiment, mais n'ont aucune proximité ou affiliation avec ceux au pouvoir, ont-elles reçu la même considération ? On refuse même de publier la liste dans l'intérêt public. Quant à la constitution de la commission, pourquoi n'estelle pas étendue, par exemple, pour intégrer un représentant des plateformes citoyennes ou des ONG qui travaillent pour promouvoir l'équité et la justice dans le processus décisionnel ? Il y a un manque de transparence et donc de confiance sur le fonctionnement.

Votre organisation a été très active pour que des familles de squatteurs dont les maisons ont été ravagées par des inondations et cyclones se voient attribuer un logement. Combien d'entre elles sont encore touchées ?

142 familles sont toujours affectées. La raison principale étant un faible revenu mensuel. La procédure est également complexe et longue. Certains ont fait leur demande depuis 2010 ou 2012 et attendent toujours. Dans certains cas, ils n'ont pas l'argent pour le dépôt, tandis que dans d'autres, ils sont jugés non éligibles parce que leur revenu total est de Rs 1 000 ou Rs 2 000 de plus. Mais ce montant n'est même pas suffisant si l'on considère leurs conditions de vie.

"Des personnes répondant à un profil stéréotypé et vulnérables sont souvent piégées, maintenues en détention préventive pendant des années."

Pour de nombreux enfants vivant en tant que squatteurs, nous avons dû les inscrire dans notre Family Empowerment Programme, afin que notre organisation puisse leur fournir une preuve d'adresse officielle pour qu'ils puissent être inscrits à l'école. À chaque saison de pluies ou de cyclone, leurs maisons sont détruites et ils doivent tout recommencer à zéro. En raison des restrictions sanitaires l'an dernier, particulièrement lors du passage du cyclone Batsirai, les squatteurs ont eu du mal à trouver du secours. Les centres communautaires étaient fermés et les shelters ne pouvaient accueillir que quelques personnes car ils ne voulaient pas enfreindre la Quarantine Act. Toutefois, alors que les restrictions étaient toujours en vigueur, certains ministres avaient pu ouvrir les Citizens Advice Bureaus pour y tenir des réunions, sans être poursuivis en justice !

Quels projets United for Human Rights compte désormais d'entreprendre ?

Un soutien à un niveau plus élevé pour des campagnes de sensibilisation aux droits humains. L'année dernière, nous avons atteint 10 000 personnes. Cette année, nous avons pour objectif de doubler ce chiffre. Nous envisageons également d'organiser davantage de collectes de dons ainsi que des programmes de formation et des actions communautaires avec différentes institutions. Nous travaillons également en étroite collaboration avec la Citizens Commission for Human Rights International pour des mesures de sensibilisation à la santé mentale et aux droits des personnes autrement capables.

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