Sénégal: Aire marine protégée de Bamboung - Une cogestion qui profite à la communauté

17 Janvier 2023

L'Aire marine protégée de Bamboung, dans la commune de Toubacouta, profite plus à la population locale. Pour la sauvegarde de ces Amp, mais aussi de la biodiversité, l'État privilégie la cogestion.

Plus d'une vingtaine de journalistes venant de Dakar, Fatick et Foundiougne ont séjourné, pendant trois jours (6-7et 8 janvier), à Toubacouta, dans la région de Fatick, pour un renforcement de capacités. Ils ont été convoyés sur ces lieux paisibles par le Ministère de l'Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique à travers la Direction des Aires marines protégées. La formation est axée sur la politique et les enjeux des Aires marines protégées (Amp). Elle a porté sur le " Traitement médiatique des thématiques relatives à l'environnement, notamment aux Aires marines protégées ".

Au deuxième jour de la formation, les journalistes, des conservateurs d'Amp, des éco-gardes, des exploitants de ressources halieutiques originaires de la Casamance et du Sine Saloum, des partenaires financiers et techniques et les autorités du Ministère de l'Environnement sont descendus sur le terrain pour une visite d'échange et de découverte de l'aire marine protégée de Bamboung, dans la commune de Toubacouta. Elle s'étale sur une superficie de 7000 hectares. Elle est divisée en deux parties : maritime et continental. " Elle polarise 13 villages dont 10 sur le littoral et 3 villages insulaires dont le plus célèbre reste Bettenty ", décrit Ibrahima Ndiaye, président du comité de gestion de l'aire marine protégée de Bamboung.

Selon lui, le comité de surveillance a été mis en place pour surveiller le braconnage parce qu'il y a des gens qui viennent des autres localités pour exploiter les ressources. Il a reconnu, cependant, que ce n'est pas facile de surveiller7000 hectares. " C'est pourquoi nous avons recruté 23 agents pour renforcer la surveillance et protéger notre Amp ", souligne Ibrahima Ndiaye. Nkoutoub Basse fait partie des surveillants de l'Amp. Il confirme. " Ce n'est pas facile de surveiller cette aire marine protégée. Nous sommes exposés à toutes formes d'agression et de corruption des pêcheurs. Ils peuvent vous proposer de l'argent pour qu'on les laissiez pêcher. Mais, l'Amp appartient à l'État et à la communauté. Nous ne pouvons pas le faire ", a fait savoir M. Basse.

Les surveillants de l'Amp ne sont pas seulement confrontés aux agressions des pêcheurs étrangers, mais aussi à la population locale. Sous le couvert de l'anonymat, un des surveillants avoue avoir reçu des menaces des populations des villages environnants. " Elles voulaient exploiter l'Amp. Mais nous avions refusé. Certaines ont menacé ma famille. Il fallait être fort pour résister à ces menaces ", raconte-t-il.

Pourtant, les fruits de l'Amp sont partagés entre les 13 villages et à la mairie de Toubacouta, après une exploitation commune. Chaque village a deux représentants dans le comité de gestion. Ce que le colonel Mamadou Sidibé, Directeur des aires marines protégées, appelle une congestion entre l'État et la communauté. " C'est la communauté qui gagne le plus dans ce partenariat. Nous les invitons à protéger leur ressource ", a lancé le spécialiste de la faune. Les représentants des aires marines protégées de la Casamance qui ont pris part à cet atelier de gestion ont présenté leur modèle de gestion.

Le campement n'a pas résisté à la Covid-19

Implanté au bord du fleuve, le campement de Bamboung est un lieu touristique. Une grande case ouverte à la mer et à la partie continentale a reçu la délégation composée de journalistes, d'agents du Ministère de l'Environnement, de conservateurs des parcs nationaux, d'éco-gardes, d'exploitants de ressources halieutiques, venant de la Casamance et du Sine Saloum. Il accueille des touristes qui, après la découverte de la biodiversité, à travers la mer, font une escale dans ces lieux. Victime de la pandémie de la Covid-19, le campement a perdu son charme et ses recettes.

Ce qu'a confirmé le président du comité de gestion de l'Aire marine protégée de Bamboung (Amp), Ibrahima Ndiaye. Selon lui, avant la Covid-19, le campement pouvait générer annuellement 70 millions FCfa. " Mais à cause de la pandémie de la Covid-19, les recettes ont baissé parce que les touristes ne venaient plus ", a regretté M. Ndiaye qui souhaite que le campement soit restauré notamment ses cases.

Il compte sur l'aide du projet de l'Aire marine protégée mangrove. Le comité de gestion a mis en place une clé de répartition des fonds générés par le campement en versant à la mairie de Toubacouta 10 %. Le reste des fonds est destiné au fonctionnement du campement, les salaires du gestionnaire et des surveillants des Amp.

DELTA DU SALOUM

" Diorom Boumak ", une localité sans histoire

Située dans la commune de Toubacouta, " Diorom Boumak ", n'a pas d'histoire. À part les tombes, les chercheurs peinent à établir, avec exactitude, le récit qui entoure cette localité du Delta du Saloum, une zone riche par sa biodiversité.

Nichée entre le bras de mer de Diombass et Toubacouta, dans le département de Foundiougne, " Diorom Boumak ", demeure un mystère. Si l'on y a retrouvé des traces de vie, par contre, on peine à établir son histoire. Elle est séparée de Toubacouta par la mer. Après plusieurs minutes de traversée, les journalistes et leurs accompagnants découvrent " Diorom Boumak ". Une localité située au cœur du fleuve du Delta du Saloum. À la descente, le visiteur est attiré par une succession de coquillages de 12 mètres de hauteur. "Diorom Boumak ", est un hameau de plus de 3000 ans d'histoire ", a déclaré le conservateur des aires marines protégées de Foundiougne, le commandant Lamine Kanté.

Cette localité peuplée aujourd'hui de baobabs, de coquillages et de mangroves est perdue entre la mer et une superficie de terres de plusieurs hectares. Perdue parce que personne n'arrive à décortiquer la vraie histoire de ce beau et paisible endroit du Delta du Saloum. Pourtant, El Hadj Arfang Ndour, pêcheur de profession et habitant du village de Soukouta, essaie de raconter l'histoire de "Diorom Boumak ", en parlant de la découverte des tombes dans ces lieux en 1939. " Des griots enterrés entre les baobabs ", a-t-il ajouté.

Selon notre interlocuteur, 128 tombes ont été recensées à Diorom Boumak. " Mais nous n'avons aucune idée sur ses premiers habitants ", se contente-t-il de dire. Pour accéder à ces lieux, une piste de 2 kilomètres est ouverte pour permettre aux touristes de faire le tour, après un trajet en pirogue et de se faire raconter l'histoire d'une localité perdue entre les bras du fleuve Diombass et les coquillages du Delta du Saloum. Une histoire que certaines personnes essaient encore de rétablir. Le Directeur des Aires marines protégées, le colonel Mamadou Sidibé, se soumet à l'exercice en expliquant que " Diorom Boumak était un lieu où étaient rassemblés, au temps de l'esclavage, des captifs avant leur déportation vers l'Ile de Gorée ". Mais d'où venaient-ils ? s'interroge un journaliste.

Pour El Hadj Arfang Sarr, les habitants de ces lieux paisibles seraient originaires des pays de la sous-région, notamment du Mali, de la Guinée-Bissau, Guinée-Conakry, Sierra Leone entre autres pays. " Ils étaient venus ici exploiter des coquillages puisqu'étant victimes de la grande sècheresse. C'est ce que nous savons. Mais nous n'avons aucune trace de leurs arrière-petits-fils. Nous ne savons pas où ils sont partis. Peut-être, ils vivent avec nous à Soukouta, Toubacouta et dans les autres localités du Saloum ", commente M. Sarr.

LT-COLONEL MOMAR SOW COORDONNATEUR DU PROJET AMP MANGROVE

" L'idée est de renforcer le dispositif de gestion des forêts de mangroves "

Le projet aire marine protégée (Amp) mangrove a été lancé en 2019. Son coordonnateur, le Lieutenant-Colonel Momar Sow, fait savoir que les interventions sur le terrain ont permis aux acteurs de l'environnement et aux populations locales de renforcer la surveillance et le dispositif de gestion des Amp mangrove.

Pouvez-vous revenir sur la pertinence et les objectifs du projet Aire Marine protégée mangrove ?

Le projet aire marine protégée (Amp) Mangrove est à sa phase de mise en œuvre. Il a été lancé en 2019 et a bénéficié d'une extension en 2021. Au début, le projet concernait 4 aires marines protégées. Il s'agit de deux Amp au centre du pays, (Banboung et Sangomar), deux en Casamance (Niamo Kalounay et Casa Balantacounda). Nous sommes en train de migrer vers trois autres Aires marines protégées : une Amp au Saloum (Gandoul) et deux autres en Casamance : Abené et Caloulay Blouf Fongy. Le projet Amp mangrove a été créé pour renforcer le dispositif de gestion des forêts de mangrove, en prenant les Amp comme base de travail. La partie Aire marine protégée concerne le renforcement institutionnel et législatif, mais aussi des équipements sur la surveillance des aspects d'efficacité de gestion pour les Amp sur le terrain. Il y a une composante non moins négligeable qui doit renforcer la résilience des communautés et des écosystèmes pour toutes les initiatives concernant la restauration, l'équipement en foyers améliorés, mais aussi les aspects de reboisement.

Quelle appréciation faites-vous des résultats obtenus sur le terrain ?

Les résultats sont encourageants. Les agents des aires marines protégées ont fait des témoignages sur l'accompagnement du projet pour ce qui concerne la surveillance, les rencontres et partages d'informations entre le comité de gestion et les villages environnants. À cela, s'ajoute la valorisation des ressources. Mais nous traduisons ces bons résultats en challenge parce que nous avons des défis à relever sur la continuité et la durabilité.

Le Sénégal compte combien d'Aire marine protégée ?

Le Sénégal compte actuellement 7 aires marines protégée. Nous sommes focalisés sur les Aires marines protégées des zones où il y a les plus grandes superficies de mangrove à savoir le Delta du Saloum où nous avons entre 55.000 et 60.000 hectares et en Casamance où nous avons environs 83.000 hectares de mangroves. Ce sont les Aires marines protégées qui sont dans ces zones qui ont été privilégiées.

(Envoyé spécial à Toubacouda)

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