On croyait définitivement clos le débat concernant l'affaire des 49 soldats ivoiriens précédemment détenus à Bamako qui les accusait de mercenariat à visée déstabilisatrice, avant de les gracier en début d'année 2023, suite à des tractations souterraines. C'était au terme d'un procès qui avait abouti à de lourdes condamnations quelques semaines plus tôt.
Depuis lors, lesdits soldats ont regagné le bercail à la grande joie de leurs familles respectives et au grand soulagement des autorités ivoiriennes qui ne demandent à présent qu'à éviter tout malentendu et à réchauffer leurs relations de bon voisinage avec un pays frère avec lequel leur pays est lié par l'histoire et la géographie. Mais depuis quelques jours, des révélations sont venues réveiller l'intérêt et la curiosité de bien des observateurs désireux d'être édifiés sur les dessous d'une affaire qui a fait couler, en son temps, beaucoup d'encre et de salive, et qui est, selon toute vraisemblance, encore loin d'avoir livré tous ses secrets.
L'Allemagne ne saurait être la seule à être pointée du doigt dans cette affaire sensible où l'ONU elle-même a semblé marcher sur des œufs
En résumé, l'on retient que c'est le contingent allemand de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui est à l'origine de la venue des soldats ivoiriens, en terre malienne. Mais l'opération aurait connu des irrégularités administratives qui ont contribué à mettre le feu aux poudres, dans un contexte où la confiance ne semblait pas la chose la mieux partagée entre partenaires. Une situation qui ne manque d'autant pas d'interroger que ces révélations soulèvent bien des questions.
En effet, si Abidjan a fini par reconnaître " des manquements et des incompréhensions " dans la relève de ce contingent qui était à sa huitième rotation, Berlin, par contre, qui est citée comme étant à l'origine de l'arrivée de ces soldats ivoiriens en terre malienne, a semblé faire profil bas sur la question.
En tout cas, elle a été peu audible alors que son intervention aurait peut-être permis d'apporter des éclairages susceptibles de faire baisser la tension. Pourquoi ? Est-ce une volonté de ne pas se voir rejeter toute la responsabilité d'une situation qui sera devenue subitement explosive ?
Etait-ce pour éviter de jeter de l'huile sur le feu ? Etait-ce pour éviter d'exacerber les tensions dans un contexte où, se sentant visiblement de plus en plus à l'étroit dans sa collaboration militaire avec les autorités intérimaires de Bamako, Berlin avait déjà déclaré son intention de mettre fin à l'engagement de ses troupes au sein de la MINUSMA à l'horizon 2024 ? Etait-ce pour d'autres raisons encore tenues au secret ?
L'histoire le dira sans doute. En attendant, l'Allemagne ne saurait être la seule à être pointée du doigt dans cette affaire sensible où l'ONU elle-même a semblé aussi marcher sur des œufs. En tout cas, c'est tout juste si elle ne s'est pas mélangé les pinceaux en ne se montrant pas capable d'éclairer suffisamment l'opinion quant au statut des soldats incriminés.
C'est un bien pour un mal, qui permet de rétablir les choses dans leur contexte et de corriger les maladresses
Toute chose qui a pu en rajouter à la confusion. Dans ces conditions, l'on peut se demander si l'on saura un jour la vérité sur cette affaire. La question est d'autant plus fondée que malgré l'élargissement des soldats ivoiriens aux termes de la grâce présidentielle que leur a accordée le chef de la junte militaire au pouvoir à Bamako, on n'en sait toujours pas davantage sur le contenu du mémorandum secret conclu entre les autorités maliennes et ivoiriennes.
Et rien ne dit que d'ici là, il n'y aura pas d'autres révélations. L'essentiel est que cela ne vienne pas impacter négativement la dynamique de rapprochement dans laquelle se sont engagés le Mali et la Côte d'Ivoire, dans l'intérêt supérieur de leurs peuples respectifs, mais aussi de celui de la sous-région ouest-africaine qui a besoin d'une synergie d'actions pour se donner des chances de se débarrasser de l'hydre terroriste qui ne connaît pas de frontières.
C'est pour cela que, de toute cette histoire, l'on retiendra son happy-end qui a permis de décrisper l'atmosphère et de faire retomber la tension entre ces deux voisins qui semblent décidés à prendre ensemble un nouveau départ. C'est ce que l'on est porté à croire, à travers l'invitation du chef de l'Etat ivoirien à son homologue malien, pour une visite officielle, à en croire certaines confidences.
En tout état de cause, avec le recul, tout porte à croire que Bamako n'avait pas totalement tort de crier à l'impair. Tout comme Abidjan se croyait sur le droit chemin, après plus de sept rotations de son personnel sans aucune anicroche. Au final, on peut dire que c'est un bien pour un mal, qui permet de rétablir les choses dans leur contexte et de corriger les maladresses à l'origine des dysfonctionnements qui auraient pu avoir des conséquences bien plus dommageables. C'est dire si, en toute chose, il faut savoir tirer leçon de l'histoire.