Dakar — Une exposition collective de la galerie "19M Dakar", ouverte au public depuis le 12 janvier dernier, au musée Théodore Monod, met en relief toute la puissance du dialogue créatif, en lien avec les savoir-faire des mains, les métiers du tissage et de la broderie.
Cette exposition fait suite au défilé métiers d'art 2022/2023 que la marque française Chanel avait organisé le 6 décembre dernier à l'ancien palais de Justice de Dakar, une première pour ladite marque en Afrique.
La galerie "12M Dakar" devait lancer officiellement ses activités le jeudi 12 janvier dernier mais cet évènement a été reporté au 19 du même mois, pour respecter le deuil national ayant frappé le Sénégal suite à l'accident de la route survenu le 8 janvier dernier à Sikilo, près de la ville de Kaffrine (centre).
Cette nouvelle galerie dakaroise se veut le prolongement de celle du même nom, ouverte à Paris l'année dernière à la même période.
"La galerie du 19M Dakar est le fruit de collaborations entre des artistes du 19M Paris et des artistes et artisans du Sénégal. Elle permet d'illustrer et de mettre à l'honneur ces mains tout à fait spécifiques [que sont celles des artisans] et la puissance du dialogue créatif entre des artistes et cet artisanat", a expliqué à l'APS Bruno Pavlovsky, président de la Fédération de la haute couture et de la mode de la maison Chanel.
Intitulée "Sur le fil, broderie et tissage", cette première exposition "hors les murs" de la galerie française met en relief des œuvres monumentales en majorité, faites de diverses matières avec pour base le fil.
Il y a par exemple l'œuvre du peintre français Yassine Mekhnache, "Murdiya" (un territoire imaginaire), qui fait 6,5m de long sur 4,20 de haut. Déjà exposée à la galerie "19M Paris", cette œuvre est représentée par une toile de coton brodée de perles à la main (2000 heures de broderie), "un triptyque monumental dont chaque pan de textile correspond à un point de broderie indien, nigérian ou marocain qui inspire ses œuvres depuis quinze ans".
Yassine Mekhnache, présent à Dakar, a fait part de son ambition de réaliser "un projet de broderie transafricaine" suivant une sorte de "dialogue des artisans" de différents pays dont le Sénégal qu'il découvre pour la première fois. L'objectif visé par l'artiste est un espace d'échanges autour des langages de la broderie.
"Aujourd'hui, on a besoin de se replonger dans les valeurs ancestrales et de se rappeler ce que nos parents et nos grands-parents faisaient. Je compare la broderie à la pierre taillée, car on parle de quelque chose qui nous dépasse dans le temps et qui a toujours était là", dit-il.
"Avec l'arrivée des technologies, elle a connu un recul. Ce qui m'intéresse, c'est de la ramener à leur niveau, à l'excellence qu'elle a en elle. Le trésor est enterré au village, il faut aller le chercher", ajoute l'artiste.
Dans un coin de la salle d'exposition, l'artiste Marie-Madeleine Diouf présente une malle contenant différents pagnes couleur indigo, des boubous, des "ndockettes", accoutrement prisé des femmes sénégalaises.
Français d'origine haïtienne, Julian Farade a pour sa part présenté des tableaux avec des pagnes de coton blanc "malicane" imprimés de récits d'aventures de "Leuk le lièvre", telles que contées par Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Sadji. Les mêmes pagnes sont en même temps enrichis de motifs de brodeuses de Ngaye Méckhé, dans la région de Thiès.
Julian Farade a déjà exposé à la galerie "19M à Paris", dans le cadre d'un partenariat avec la boutique "Le Sage", une maison de broderie et d'ornement travaillant avec Chanel.
"Cette exposition à Dakar enrichit beaucoup, c'est très important et cela permet de voir comment on peut transmettre la couleur, discuter sans voir notre interlocuteur", dit Julian Farade, qui a collaboré avec les femmes de Ngaye Méckhé sans les rencontrer.
Cette exposition collective célèbre la transmission, à travers certains projets de co-création visant à établir un pont entre Aubervilliers et Dakar, à l'image des deux tapisseries commandées aux Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès (MSAD).
La collaboration entre la Maison Montex et le centre culturel "Kër Thiossane", à Dakar, s'inscrit dans la même perspective.
L'exposition de la galerie "19M Dakar", qui prend fin le 31 mars prochain, réunit une quarantaine d'œuvres et d'installations réalisées par près de trente artistes et artisans contemporains originaires du Sénégal mais aussi d'Afrique du Sud, de la Bolivie, de la France et du Mali.
"Plusieurs œuvres sont produites spécialement pour l'événement, certaines en complicité avec des maisons d'art du 19M, tandis que d'autres ont été prêtées par des artistes, des institutions publiques ou des collectionneurs privés", ont indiqué les organisateurs.