Madagascar: Frustration culturelle - La Grande-Ile a souffert

Le prosélytisme déguisé, le recours à la tradition, les discours mal placés durant la grand-messe et l'inculturation dans le temple... ne seraient-ils pas la manifestation des séquelles laissées par les deux années de crise sanitaire ?

Madagascar a maigri. Elle a perdu plus de 73 kg... d'or et est en convalescence.

Entre 2019 et 2022, tout est allé très vite. La Coupe Africaines des Nations où Madagascar était en quart de finale, où le peuple malgache avait ce visage éblouissant. La réconciliation nationale était réalisée, mais tout a basculé le 19 mars 2020 lorsque le président de la République a déclaré, à la télévision, que la Covid-19 est bel et bien entrée à Madagascar. Tout était noir, comme si une tonne de nuage sombre nous tombait sur la tête. Les confinements, la distanciation sociale, l'isolement de certaines régions, on se croyait dans I'm a legend de Francis Lawrence, en regardant les rues désertes de la capitale. " Sans espoir, jusqu'à quand cela va-t-il durer? ", se demandait-on ! Les centres culturels fermaient, les dokany baissaient leurs rideaux de fer, les bars avaient les portes à entrouvertes.

C'était un choc pour la population malgache en général. La situation a engendré une frustration. Bon nombre de pères de famille ont perdu leur travail. Des couturières voyaient leur machine à coudre rouiller. En 2021, rien n'a changé. La crise perdure, les Malgaches marchent avec des chaussures usées, des chemises délavées. Le prix des produits de première nécessité ne cesse de grimper. Les fruits saisonniers se décomposaient sur les étals, les restaurants de luxe se transformaient en gargote, les hôtels en gîte. C'est le silence... Oui, ce n'est plus ce silence qui est d'or. Le peuple se tait car il est affamé. Il ne peut plus bouger. Deux années mortes.

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En effet, ces deux années ont tout chambardé, notamment la culture. " Se tenir par la main est tabou, la distanciation sociale a creusé l'écart entre riches et pauvres, élites et communs des mortels, les conscients et les inconscients ", avance le sociologue Jean-Noël Bemitarika. Cette division est toujours palpable aujourd'hui. D'après le médecin Rémi Ratoavintsoa, " Avant le masque était obligatoire, aujourd'hui, c'est devenu significatif. Les conscients portent toujours leur masque quand ils sont grippés. Ils respectent toujours les gestes barrières pour protéger leurs voisins. Et de l'autre côté, les inconscients les pointent du doigt, et ricanent en disant c'est l'attitude des riches, voire des bourgeois qui ne veulent pas se mélanger ! ".

Autrement dit, le masque était à la mode, mais actuellement, ceux qui le portent sont démodés, prisonniers du passé, ces deux malheureuses années ! Entre 2020 et 2022, il a fallu recourir à la médecine traditionnelle. A part la production de la CVO par les scientifiques malgaches, les Malgaches avaient plus confiance aux tisanes qu'aux médicaments occidentaux. " quand tout va mal, quand tout ne marche pas comme prévu, les Malgaches ont tendance à se tourner vers leurs ancêtres. Nous avons été ainsi tout au long de notre histoire. Dans les années 20, une pandémie a fait des ravages aussi bien en ville qu'à la campagne. Les ruraux, à l'époque, prennent des feuilles pour en faire de la tisane puisqu'ils n'étaient pas sûrs de l'efficacité des médicaments chimiques... ", a fait savoir un historien des maladies.

Madagascar, comme tous les pays du monde, est exsangue à cause de la crise sanitaire. Son système immunitaire est affaibli. La Grande-Ile est impatiente. Ses doigts sont crampés à force de faire la prière. Son cou est tordu parce qu'il regardait trop haut en espérant la manifestation du Seigneur. Nous voilà en 2023. Cette année fera t-elle renaître l'espérance ? Les 348 jours restants vont passer, ensuite les Malgaches pourront tirer une conclusion.

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