À presque un an de l'élection présidentielle de 2024, les déclarations de candidatures fusent de partout. Au moins six leaders de l'opposition ont déjà manifesté leur volonté de briguer la magistrature suprême.
L'élection présidentielle de 2024 arrive à grands pas et les potentiels candidats pour présider aux destinées des Sénégalais se signalent. Le maire de Ziguinchor et non moins chef de file de " Pastef Les Patriotes " et membre fondateur de la coalition " Yewwi askan wi " (Yaw) a été l'un des premiers à avoir officialisé sa candidature. " Moi Ousmane Sonko, s'il plaît à Dieu et si mon parti le veut, je suis candidat à l'élection présidentielle de 2024. Personne n'est mieux placé que nous pour gagner ", avait déclaré l'ancien parlementaire qui a réorganisé son parti avant de lancer sa tournée nationale appelée " Nemekou Tour ". Ousmane Sonko n'est pas le seul opposant, appartenant à cette coalition de l'opposition à avoir manifesté son désir d'occuper le fauteuil présidentiel à l'issue de l'élection présidentielle de 2024. Malick Gakou, écarté de la course au Palais en 2019 pour défaut de parrainages, se dit prêt à relever le défi de la conquête du pouvoir. " La charge est lourde, elle est pleine d'angoisse et d'émotion, mais je peux vous assurer que je suis prêt à relever ce défi puisque vous savez qu'aucun sacrifice n'est de trop pour servir son pays ", disait-il le 3 août dernier, tout en s'engageant à être " le candidat de la démocratie, de la défense des libertés, de la cohésion sociale, du pouvoir d'achat, des couches vulnérables ". Les deux premières personnalités politiques citées sont loin d'être les seules à vouloir s'aligner sur la ligne de départ.
Un autre leader politique et toujours de l'opposition s'est aussi signalé : Dr Abdourahmane Diouf. Celui-ci, investi sur liste de la coalition " Aar Sénégal " lors des dernières élections législatives, a quitté le navire de ladite coalition. Considéré par certains observateurs comme l'un des grands perdants des élections législatives, il a décidé de faire cavalier seul pour la prochaine élection présidentielle et sous la bannière de son parti " Awalé ". Il se définit comme " le candidat de la concordance, le candidat du développement endogène, le candidat de la reprise en main de notre pays ". Et ce n'est pas tout ! Dans l'opposition, Boubacar Camara et Bougane Gueye Dani, respectivement leaders du Parti de la construction et de la solidarité " Pcs/Jengu Tabax " et du mouvement " Gueum sa Bop " sont aussi en mode 2024. Idem pour l'ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Ce dernier ne compte pas attendre la loi d'amnistie qui le rétablira dans ses droits civils et politiques pour entamer sa tournée nationale. Le leader de " Taxawu Senegaal " compte sillonner le pays pour convaincre du bien-fondé de son programme. En effet, dans la perspective de la Présidentielle de 2024, il a annoncé le démarrage d'une tournée nationale d'écoutes et d'échanges dénommée " Motali Yeené " aux fins de recueillir les préoccupations des populations.
Si les leaders de l'opposition s'affirment et se positionnent, du côté de la majorité présidentielle, le président de la coalition " Benno bokk yaakaar " (Bby) maintient le suspense. C'est toujours le " ni oui ni non " qui plane sur une possible troisième candidature ou pas du Chef de l'État. Il faut, cependant, relever que la plateforme " Macky Pour 2024 ", composée d'anciens membres de la Convergence des Jeunes républicains (Cojer) et de hauts cadres du parti présidentiel a investi Macky Sall comme leur candidat à la présidentielle de février 2024. Toujours du côté de la mouvance présidentielle, l'ancien Secrétaire général du Mouvement des élèves et étudiants socialistes (Mees), Mor Faye, a annoncé qu'il sera candidat en 2024. Il se réclame de l'héritage de Ousmane Tanor Dieng, l'ancien Premier secrétaire du Parti socialiste (Ps). Malgré ce flou, le scénario de 2024 se précise de plus en plus : une floraison de candidats dans l'opposition face au camp présidentiel.
" On verra des candidatures farfelues parce que... "
Mais ces déclarations de candidatures ne sont-elles pas prématurées ? À cette question, l'analyste politique Hamidou Hann répond par la négative. " Ceci est normal à la veille d'une année électorale. C'est tout à fait normal de voir que des leaders de partis politiques des différentes entités se déclarent ", a déclaré M. Hann. Avant d'ajouter : " mais aussi, on verra des candidatures farfelues parce que ce sont des positionnements, des postures politiques qui motivent un peu les individus qui se déclarent candidats pour un peu monnayer leur ralliement dans les grandes coalitions qui vont se structurer ".
À l'instar de M. Hann, le journaliste analyste-politique, Abdoulaye Mbow estime que les Sénégalais doivent connaître dès à présent les candidats qui prétendent diriger le pays. " C'est une démarche normale parce qu'il n'a jamais été question pour l'opposition de penser à la création d'une coalition qui irait ensemble pour la présidentielle. Une déclaration de candidature en perspective de la présidentielle doit se faire très vite parce qu'il faut engranger des voix, faire des tournées politiques et susciter l'intérêt autour de sa personne en tant que candidat déclaré ", a fait remarquer M. Mbow. Enseignant-chercheur en sociologie politique à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis, Ibou Sané pense que ce sont des candidatures " d'intention ", " prématurées " faites parfois dans le show. " La majorité d'entre eux n'ont pas de base. C'est un peu de la mégalomanie. Ils annoncent leur candidature et, à la fin, ils se retirent. Ils nous ont habitués à ça ", souligne-t-il.
" Il y aura forcément le choc des ambitions dans l'opposition "
En effet, force est de reconnaître que ces déclarations de candidature auront quelques conséquences sur le plan politique. Elles vont conduire à l'émiettement de l'électorat de l'opposition de manière générale. Les voix engrangées par l'opposition lors des élections locales et celles législatives en tant que coalition homogène seront départagées entre les candidatures en perspective de cette présidentielle. " Ces déclarations vont fragiliser ces coalitions parce que le risque de confiance va se poser, la lutte des égos va survenir et il y aura forcément le choc des ambitions dans cette grande coalition de l'opposition et qui va fragiliser la dynamique collective ", a déclaré Hamidou Hann, estimant qu'on pourrait même assister à des affrontements symboliques entre des leaders de l'opposition.
Un autre écueil se dresse devant les prétendants au fauteuil présidentiel : le parrainage. Chaque déclaration de candidature, devant le Conseil constitutionnel, doit être accompagnée de la signature de 53.457 électeurs au minimum et, au maximum, 66.820 électeurs. Ainsi, pense M. Hann : " le parrainage va freiner beaucoup de candidats déclarés surtout pour des candidats qui n'ont aucune assise nationale, qui sont parfois d'illustres inconnus. La collecte de parrains est un travail sérieux qui demande de la rigueur et de l'organisation. Ce qui n'est pas le fort des hommes politiques sénégalais et des appareils politiques de manière globale ". Mais, d'après Abdoulaye Mbow, l'État a les moyens, en concertation avec l'opposition et la société civile, d'aller dans le sens d'une réforme profonde de la loi sur le parrainage pour permettre à la démocratie de mieux souffler à travers une pluralité de candidatures.