Tunisie: Vente conditionnée | Pratiques déloyales et abusives des commerçants - Les citoyens désemparés

18 Janvier 2023

Le consommateur doit se plier aux conditions de vente du marchand d'alimentation générale ou de l'épicier pour avoir l'aliment de base devenu celui du profit. Le citoyen qui veut consommer seulement des aliments basiques peut aller valser...

Au plus fort de la pénurie d'un quelconque aliment de base, du sucre à la semoule en passant par le lait depuis l'an dernier, il y a un phénomène fort déplaisant qui s'est répandu et s'est renforcé comme une traînée de poudre au sein des épiciers et autres superettes, c'est la vente conditionnée.

Selon la définition, la vente conditionnée est "une forme de vente qui ne sera effective que si une ou plusieurs conditions sont réalisées". Donc, en matière d'alimentation générale, c'est la pénurie qui alimente et renforce la vente conditionnée. Effectivement, le lait est le produit de base numéro 1 à être la cible de cette pratique malhonnête et déloyale auprès des épiciers. Comme beaucoup d'articles de presse l'ont relayé, ces derniers jours, l'achat d'un paquet de lait est conditionné à celui de yaourts et crèmes dessert.

Une pleine sinistrose commerciale

Oulaya, femme de ménage et mère de famille habitant dans la zone de Mnihla, raconte son désarroi au quotidien : "L'épicier m'oblige à acheter des yaourts même quand je n'en veux pas, pour avoir du lait. Par ailleurs, il fixe le prix de la quatraine d'œufs à sa guise une fois à 1,3 D, une autre à 1,4 D".

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Quand un client entre pour demander uniquement du lait et du sucre et repartir, il a peu de chance d'obtenir satisfaction. Alors, il doit se rabattre sur les magasins et autres supermarchés. Mais là encore, la partie n'est pas gagnée puisque beaucoup de Tunisiens n'ont plus les moyens de payer au comptant leurs emplettes, en milieu de mois. Au moment où on s'interroge si le salaire est épuisé ou s'il en reste encore un montant, pour la grande majorité des Tunisiens. Quand d'autres affirment ne pas en percevoir. On baigne en pleine sinistrose commerciale en Tunisie où le client n'achète plus beaucoup et s'auto-rationne et le marchand ne sait plus comment faire des bénéfices et tirer recette de son activité, de moins en moins rentable. A moins de le faire sur le dos du consommateur...

L'épicier, tour de contrôle

Tout de même, beaucoup de consommateurs tunisiens se sont rapprochés de leur épicier de quartier en créant une relation de fidélité pour trouver leur compte. Cela permet au client fidèle d'obtenir un paiement par crédit, généralement à la fin du mois avant de payer un montant total. Ainsi, l'épicier promet en retour de lui procurer de temps à autre un paquet de lait, de beurre ou de sucre.

Autrement, le client peut toujours espérer en obtenir, mais en vain. Car, la plupart des épiciers tunisiens sont adeptes de l'adage " charité bien ordonnée commence par soi-même", et se servent en premier ainsi que leurs proches familles et entourage. Depuis plus d'un mois, pour obtenir du café turc appelé en dialecte " el bonn el arbi", il faut avoir une chance grandiose. Le citoyen lambda traverse toute une ville pour obtenir les 200 grammes rationnés et supposés être à la vente. Sans résultat. Pendant ce temps, de façon légitime ou pas, l'épicier ne se prive pas de ce plaisir du palais et garde au chaud un ou deux paquets pour les soirées en famille.

En fait, il s'agit d'un problème de stockage de café dans les entrepôts qui subissent une forte pression, étant à 5 jours consommés de la pénurie totale, alors que le stock de réserve intégral doit tenir 60 jours, d'après le raisonnement de Hédi Baccour, directeur d'une enseigne tunisienne et président de la Chambre syndicale des grandes surfaces.

Pour le café, on peut présupposer que l'épicier, qui en a, va faire chanter le client en l'obligeant à acheter un paquet de biscuit avec ou du chocolat. Ce sont des pratiques abusives, déloyales, difficiles à dénoncer et à prouver, qui risquent de continuer et perdurer en toute impunité. Les citoyens consommateurs sont désemparés et quasiment résignés.

Ainsi, un client tunisien s'est rendu dans une enseigne d'origine française du côté d'El Menzah IX pour acheter 2 paquets de lait conformément au rationnement mis en place. Il s'est mis dans une colère noire en s'apercevant que les employés de cette grande surface s'en procurent 4, contrairement à tout le monde. Ainsi, il a dénoncé "le deux poids, deux mesures" qu'il a subi effrontément. Pour justifier l'injustifiable ou l'imbroglio, la direction a expliqué que ce sont des paquets que vont se partager les employés entre eux, entre ceux actifs et ceux qui vont les relayer par la suite...

Au final, les Tunisiens qui n'ont pas d'argent liquide sur eux ne peuvent ni acheter au supermarché, parce qu'il y a une pénurie des aliments de base qu'on trouve davantage auprès des épiciers, ni chez ces derniers qui ne vendent ni lait, ni sucre ou café sans obliger le client à acheter d'autres produits. Même au comptant. La vente conditionnée doit être déconseillée, quand elle ne peut pas être interdite.

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