Congo-Brazzaville: Portrait - Titini Na Titini - Trait d'union

De son vrai nom Schadrac Meschac Abed-Nego Missidimbazi, Titini Na Titini est un feu d'artifice artistique appelé à l'âge des dents de lait à l'autel de la scène. Tel un caméléon qui prend la couleur de son environnement, il éprouve sa lumière dans les arts qu'il côtoie, les sert en véritable multipotentiel qu'il est, pour trouver dans le graphisme urbain un socle constant d'expression.

Né en 1988 à Brazzaville, Titini Na Titini est dirigé vers l'école par ses parents à l'âge de 5 ans pour y recevoir l'instruction nécessaire à tout enfant. En dehors des heures de classe, il accompagne sa mère dans sa vie d'église qui ne parle pas plus que ça à l'enfant qu'il est.

Pourtant un dimanche, le batteur de la chorale est absent et Schadrac se propose de le remplacer sous le regard dubitatif de sa mère et des gens présents. Persuadé lui-même par ce qu'il considère et décrit comme un appel, il convainc sa mère de le laisser se présenter à l'autel.

Puisque Dieu a dit de laisser venir à lui les petits enfants, le corps pastoral obéit à la recommandation du Créateur des âmes sans vraiment comprendre ce qui se passe, laissant au petit de l'espace pour faire son spectacle ; ce qu'il fera sans demi-mesure : un artiste est révélé.

C'est ainsi que se dessine l'ébauche de sa voie, chemin dont il s'éloignera lentement mais sûrement à cause de l'exigence d'un parcours scolaire qui ne laisse pas beaucoup de place à l'approfondissement des talents.

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L'école promet à Schadrac un avenir d'électronicien, matière qu'il étudie au collège Angola libre, quand pendant les cours de dessin le professeur repère en lui un talent pour cette matière au point de laisser libre cours à sa créativité en lui créant là aussi un espace pour coacher ses propres camarades, qui loin de s'en aigrir s'en réjouissent. L'élève aura été autorisé à devenir un maître par un maître bienveillant.

Au lycée technique, Schadrac s'en va à l'école, le sac empli d'ouvrages littéraires et de dessin. Ses amis lui disent à cœur ouvert de s'être trompé de voie ; problème d'orientation scolaire.

Après l'obtention de son Bac F2, Schadrac ne veut plus se mentir : l'école n'est pas sa voie, l'instruction suffira ; le talent émergera. C'est ainsi qu'il devient Titini Na Titini, nom d'artiste qu'il se choisit, d'inspiration inconnue, sans doute de ce génie qui le torture.

" Torture " est bien le mot qu'il convient de dire, puisque Titini ne dort ni ne someille, il crée comme en état second, comme en extase ou en transe. Il dit, d'ailleurs, à ce propos : " Le génie m'a dérangé ; il ne manquait plus que je me lave avec la peinture ". Celui qui n'y comprend pas grand chose, c'est son logeur qui voit les murs de son bien refait sans parvenir à commenter ce qu'il voit. Il faut le vivre pour le croire. Il faut aussi avoir ce regard bienveillant sur des gens qui sont sans doute nés sur une autre planète. Ainsi, sa réputation se fait et que l'atelier Munvunk'Art voit le jour à Brazzaville en 2005, permettant à l'artiste une expression plus libre de son art.

L'artiste a pourtant besoin de ne pas rester figé sur une seule matière. C'est presque un besoin existentiel. Il retrouve la percussion de son enfance, qu'il adjoint à la danse, ayant le rythme dans la peau. Côtoyant et participant à la naissance de multiples collectifs et carrières d'artistes en photographie, en danse, chorégraphie ; en percussion, en slam et poésie, Titini Na Titini devient le trait d'union de la vie artistique de Brazzaville ayant cette extraordinaire capacité de nager dans des eaux aux courants divers.

C'est ainsi qu'il sera retenu en tant que performeur danseur de la cérémonie d'ouverture des Jeux africains de Brazzaville en 2015 où il fera partie des dix seuls artistes à prester du début à la fin sans aucun temps de pause grâce à son atout de caméléon.

En véritable trait d'union, l'artiste n'oublie pourtant pas la nécessité de lier l'utile à l'agréable, le talent sans stratégie, ça ne paye pas les factures. La peinture, oui, mais pas la peinture ordinaire des couleurs unies de nos pièces de vie. C'est ainsi que le graphisme urbain s'impose à lui, en symbiose avec la calligraphie.

Titini crée des panneaux de signalisation à la main, sans matrice, pour les deux plus grandes sociétés de la place en la matière, à savoir MBTP et SGEC. Le graffiti restant sa signature de cœur, il partage ses créations sur les réseaux et s'ouvre à une toile internationale multipliant les échanges culturels qui font de sa vie une véritable passion qu'il vit à 200 à l'heure, lui faisant parfois sauter les heures de repas.

Père de quatre enfants dont trois adolescents et un nourrisson, l'on est parfois obligé de se poser la question de savoir à quoi il carbure : au génie, certainement.

A la question de savoir quels sont ses projets à court et moyen terme, sa réponse reste sans appel. Titini Na Titini, comme à l'instant saisi par ce génie, cet être supérieur que même son apparence reflète, répond: " Il faut que nos traces restent indélébiles ".

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