Tunisie: Kairouan - La Cité aghlabide mérite une plus grande implication de l'Etat

20 Janvier 2023

Il va sans dire que ces choix sont non conformes aux principes élémentaires de la restauration et de la conservation des monuments historiques. La Médina est en train de perdre l'âme qui faisait son charme et risquerait, par conséquent, d'être déclassée du patrimoine mondial de l'humanité Unesco.

Kairouan a joué depuis sa création un rôle de relais. La réputation de ses oulémas et ses hommes de lettres lui a valu une forte fréquentation de ses cercles d'enseignement par des disciples arabes, mais aussi de la région européenne.

Un musée à ciel ouvert

En effet, Kairouan fut à son heure de gloire une capitale du savoir vers laquelle se tournaient les savants de tout le Maghreb et même du Machreq.

Dans les domaines très divers de l'activité de l'esprit comme la philosophie, la poésie, mais aussi les mathématiques, Kairouan était un lieu de rayonnement.

Et de nos jours, Kairouan séduit toujours ses visiteurs grâce à son histoire regorgeant de valeurs patriotiques et culturelles, ses monuments historiques, ses vieux souks, ses anciennes demeures, son artisanat, sa pâtisserie, ses préparations culinaires spécifiques ("keftagis", "leblabi", pain "tabouna"... .), ses bassins, ses musées et ses lieux de culte.

En fait, cette cité, belle et désirable comme un lambeau d'éternité, fait partie des villes qu'on aime dès la première rencontre. D'ailleurs, le célèbre artiste Paul Klee l'a évoquée dans ses carnets de voyage et a merveilleusement peint ses souks, sa médina et ses cafés.

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Avec ses célèbres mosquées et ses sites historiques, Kairouan est un véritable musée à ciel ouvert, notamment avec ses monuments qui constituent les vestiges les plus marquants de l'école kairouanaise qui a inspiré et servi de modèle aux édifices construits dans tout le bassin occidental de l'Islam pendant des siècles.

A l'âme perdue...

Malheureusement, cela fait plusieurs années qu'on assiste, à Kairouan, à toutes sortes d'infractions commises par des personnes qui s'approprient des terrains communaux et qui construisent, d'une manière anarchique, des locaux commerciaux et même des habitations, allant jusqu'à squatter les trottoirs.

En outre, des dizaines de belles maisons traditionnelles ont été complètement démolies par leurs propriétaires dans l'objectif de les reconstruire dans un style moderne. Ce faisant, ils ne respectent ni les proportions ni l'harmonie architecturale de la médina.

Ainsi, les briques rouges ont remplacé les briques pleines fabriquées dans les fours traditionnels et le ciment a succédé à l'argile mélangé à de la chaux et les dalles en béton ont évincé les toitures en bois.

Il va sans dire que ces choix sont non conformes aux principes élémentaires de la restauration et de la conservation des monuments historiques et la Médina est en train de perdre l'âme qui faisait son charme et risquerait, par conséquent, d'être déclassée du patrimoine mondial de l'humanité Unesco.

Espérons, dans ce contexte, que le don saoudien d'une valeur de 15 millions de dollars, destiné à contribuer au financement du projet de réhabilitation de la Grande Mosquée Okba et de l'ancienne médina, aidera à assurer la pérennité de la vieille ville qui reste le symbole de l'Islam au Maghreb.

Dans le même contexte, une enveloppe de 6,5 millions de dinars a été attribuée, au mois d'avril 2022, à la commune de Kairouan pour l'embellissement et la revalorisation de la place Bab Tounes (Porte de Tunis)-La Rahba, actuellement enlaidie par les étalages anarchiques.

Le nombre de touristes en hausse

Notre souhait est que les différents travaux de ces projets de rénovation et de restauration ne tardent pas, car longtemps, privée de tout soutien réel de l'Etat, la cité des Aghlabides a besoin aujourd'hui qu'on valorise son patrimoine.

Par ailleurs, il serait souhaitable de penser à créer de petites unités hôtelières et des maisons d'hôtes pour pouvoir héberger tous les visiteurs de la ville sainte, surtout pendant les fêtes religieuses, dont le Mouled, avec l'accueil chaque année de plus de 800.000 personnes.

Rappelons que la capacité d'accueil à Kairouan se limite actuellement à 961 lits au sein de 6 unités hôtelières, ce qui est très insuffisant.

Pour cette année, le commissariat régional au tourisme a enregistré une augmentation des arrivées touristiques. Ainsi, du 1er janvier au 31 décembre 2022, on a enregistré 34.621 arrivées contre 18.417 en 2021, soit une augmentation de 8.890. Quant aux nuitées, on a enregistré 53.018 nuitées contre 31.123 en 2021, soit une augmentation de 70%. Les touristes français viennent en tête (2.081), suivis des Italiens (1.784), des Algériens (1.608), des Américains (1.270) et des Espagnols (680).

Et pour encourager davantage les touristes à séjourner à Kairouan dans de bonnes conditions, il faudrait une plus grande implication des responsables à tous les niveaux pour sauver le circuit touristique enlaidi par les poubelles, les restes des matériaux de construction, les étalages anarchiques, les murs défigurés par les graffitis, les maisons en ruine envahies par les scorpions et l'état de délabrement de beaucoup de petites mosquées de quartier qui risquent de s'écrouler à tout moment.

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