En réaction à la décision du gouvernement qui a pris de nouvelles mesures visant à faire baisser la mortalité liée aux accidents de la circulation, les transporteurs routiers du Sénégal ont enclenché, le 18 janvier dernier, un mouvement de grève illimitée. Ce, en signe de protestation contre certaines de ces mesures jugées trop drastiques. Sont de celles-là, " l'interdiction des véhicules de voyageurs, de circuler entre 23 heures et cinq heures du matin, la suppression des porte-bagages, et les visites techniques de l'ensemble du territoire national à Dakar ". Au total, c'est une vingtaine de nouvelles mesures qui ont été prises par le gouvernement de Dakar pour répondre à l'insécurité routière qui endeuille régulièrement des familles en faisant annuellement, en moyenne, près de 700 morts sur les routes du Sénégal. La question que l'on se pose est de savoir jusqu'où ira le bras de fer entre ces transporteurs routiers et l'Etat. La question est d'autant plus fondée que dans leur fronde, les transporteurs grévistes ne fixent pas de limite temporelle à leur mouvement.
A l'étape actuelle de la situation, le Sénégal ne saurait faire l'économie d'un dialogue regroupant tous les acteurs du secteur
Ce qui ne sera pas sans désagréments ni conséquences, de part et d'autre, dans un secteur aussi névralgique que sensible, comme celui des transports au Sénégal. Or, de son côté, pour avoir été vertement critiqué de par le passé pour, entre autres, son laxisme et son incapacité notoire à faire respecter les règles de la circulation routière ainsi que la règlementation sur l'état des véhicules, le gouvernement semble décidé, cette fois-ci, à faire preuve de fermeté. Surtout au lendemain du drame de Kaffrine qui apparaît comme la goutte... de sang de trop qui a créé une onde de choc au sein de l'opinion avec sa quarantaine de morts, et heurté la conscience de l'autorité qui s'est sentie en devoir de prendre ces mesures fortes qui passent mal aujourd'hui au sein des transporteurs. Maintenant que la grève est lancée, que va faire l'Etat ? Va-t-il montrer toute son autorité en restant ferme sur sa décision ? Va-t-il faire marche arrière sous la pression des transporteurs ? Quoi qu'il en soit, tout porte à croire qu'à l'étape actuelle de la situation, le Sénégal ne saurait faire l'économie d'un dialogue regroupant tous les acteurs du secteur à l'effet de trouver des solutions durables et pérennes à la question de l'insécurité routière qui fait des ravages sur ses routes. Car, si c'est d'abord et avant tout une question éminemment économique, elle est aussi politique car, au-delà des emplois, ce sont des vies humaines qui sont aussi en jeu. De ce point de vue, le gouvernement sénégalais est non seulement dans son rôle en prenant les mesures qu'il estime nécessaires à la bonne régulation de la vie sociale, mais il doit aussi se donner les moyens de sa politique qui doit toujours privilégier l'intérêt général. Mais le tout n'est pas de prendre des mesures disciplinaires. Encore faudrait-il pouvoir les appliquer de façon rigoureuse.
En toute chose, il faut privilégier l'intérêt national
C'est pourquoi il importe qu'en laissant entrouverte la porte du dialogue, l'Etat puisse aussi, dans le cas d'espèce, fixer une ligne rouge à ne pas franchir. Il y va de l'intérêt de tous. A commencer par les transporteurs routiers qui ont besoin d'une bonne réglementation qui préserve aussi bien leurs intérêts que ceux de la communauté, et qui doivent prendre conscience de la nécessité de se discipliner dans une situation où ils ont aussi leur part de responsabilités. Ensuite, il y a l'Etat qui a besoin de faire sa propre introspection à l'effet de mettre de l'ordre dans un secteur où les transporteurs routiers ne sont pas à leur première grève illimitée. On se rappelle, en effet, qu'en décembre 2021, un mouvement du même genre avait paralysé la capitale pendant quelques jours, avant que les transporteurs qui manifestaient à l'époque pour dénoncer les tracasseries policières, ne lèvent leur mot d'ordre de grève suite à des négociations avec le gouvernement. Cette fois-ci encore, l'on semble d'autant plus bien parti pour le même scénario que moins que de l'intransigeance, ce mouvement d'humeur des routiers a toutes les allures d'une volonté de pousser le gouvernement au dialogue. En tout état de cause, on ne voit pas comment l'on pourrait trouver une solution de sortie de crise si l'une ou l'autre partie devait jouer les radicaux. C'est dire la nécessité, pour chacune des parties, de mettre de l'eau dans... son bissap. Car, en toute chose, il faut privilégier l'intérêt national.