Engagé dans une entreprise systématique de réduction de l'opposition politique à sa plus simple expression, comme il l'a ouvertement clamé, le président Macky Sall serait-il en train de bénéficier d'un "coup de pouce" du destin ou de Dame justice, c'est selon ? Pour cause, avec l'ordonnance de " renvoi et de mise en accusation " devant la Chambre criminelle de son principal opposant Ousmane Sonko, dans l'affaire dite Adji Sarr, les nuées continuent de s'amonceler au-dessus de la tête du plus irréductible des opposants au pouvoir, de surcroit pièce maitresse de la coalition Yewwi Askan wi. Surtout avec un procès dont personne ne peut préjuger de l'issue sur la situation politique du Sénégal et l'éligibilité de l'accusé. Allez demander à Karim Wade et Khalifa Sall !
L'élection présidentielle de 2024 qui mettra en lice le mandat de Macky Sall est bien partie pour être celle de tous les paradoxes. A preuve, nul ne peut gager des challengers qui vont y participer, à commencer par le président sortant lui-même. Alors qu'il devra faire face à l'épineuse question du troisième mandat, le président Macky Sall voit les ténors de son opposition la plus représentative, en pourcentage électoral, sous le coup de Dame justice. Qu'il y ait joué un rôle ou non, le constat est là : les principaux prétendants au fauteuil présidentiel, sous Macky Sall, sont presque toujours en bisbilles avec la justice.
Dernier en date : le cas Ousmane Sonko, le maire de Ziguinchor et principal porte-voix de la coalition Yewwi Askan wi. Celle-là même qui, aidée par la coalition Wallu, a failli imposer en 2022 la cohabitation à l'Assemblée nationale, en portant un sérieux coup à la majorité parlementaire mécanique de Benno Bokk Yaakar, lors des 12ème et 13ème législatures. A moins de 13 mois de la présidentielle qui se profile, " l'ennemi public n°1 " du camp au pouvoir se retrouve englué dans un procès de tous les possibles, car pouvant même déboucher selon certains esprits à la perte de son éligibilité, en cas de condamnation.
Comme avant lui, Karim Wade du Ps et Khalifa Sall de Taxawu Sénégal. Deux candidats qui avaient vraisemblablement avec eux soit l'appareil politique soit la sympathie du corps électoral pour pousser Macky Sall dans ses derniers retranchements, sur la base du " dégagisme " en vigueur au Sénégal, pendant les dernières élections présidentielles.
A contrario, le candidat du Parti démocratique sénégalais (Pds) Karim Wade qui s'est retrouvé au cœur de la traque des biens mal acquis et du feuilleton judiciaire qui a tenu le Sénégal en haleine pendant près de deux ans et demi, a écopé en mars 2015 d'une peine de six ans de prison ferme, et d'une amende de 138 milliards de francs CFA. Du coup, il perdait toute possibilité de briguer face à Macky Sall le strapontin présidentiel.
Idem pour l'indéboulonnable ancien maire de Dakar Khalifa Sall. Rattrapé par l'affaire dite de la caisse d'avance de la mairie de Dakar, il écopait, lui aussi qui aspirait contester le fauteuil de Macky Sall à la présidentielle de 2019, d'une condamnation ferme au terme d'un procès qui aura duré près de deux mois et demi. Au final, ce fut une condamnation à 5 ans de prison ferme, la révocation de son perte de maire et la déchéance de son statut d'électeur.
Malgré les mesures de grâces prises à leur endroit par le chef de l'Etat lui-même, ces deux anciens challengers au strapontin présidentiel courent encore derrière leur éligibilité, nonobstant une fictive promesse d'amnistie en divagation dans les couloirs du Palais. Aujourd'hui, c'est Ousmane Sonko de Pastef-les Patriotes lui-même qui est envoyé en procès, devant la Chambre criminelle, pour " viols répétés " et menaces de mort ".
Main du destin, instrumentalisation de la justice pour liquider des adversaires ou coïncidence. Allez savoir. En tout cas, le maitre incontestable du jeu politique depuis 2012, fortement ébranlé lors des dernières élections au Sénégal (Locales et Législatives 2022) est comme qui dirait " remis en selle" par les affaires politico-judiciaires qui écartent ses adversaires politiques les plus dangereux de son chemin. Toute chose qui semble du pain bénit pour sa coalition Benno Bokk Yakaar qui amorçait une dangereuse régression sur le terrain électoral depuis 2019. Surtout en perspective de la présidentielle de 2024 et la neutralisation politique d'Ousmane Sonko.