Jeudi après-midi, un tennisman franco-mauricien de 27 ans a écrit une page d'histoire pour la famille Couacaud et son pays natal. Au 2e tour de l'Open d'Australie, le natif de Curepipe est allé au combat face à la légende du tennis mondial, Novak Djokovic, quasi-invincible dans son fief de l'Open d'Australie. De quoi rendre très fiers son frère Olivier, ses proches et tous les amateurs de sport...
"Affronter Novak Djokovic à l'Open d'Australie, c'est le risque de prendre une fessée, voire de frôler le ridicule... " Les commentateurs d'Eurosport ont brossé le tableau de manière assez brutal, mais réaliste, lorsqu'Enzo Couacaud, issu des qualifications, se dressait face au nonuple vainqueur de ce tournoi du Grand Chelem, jeudi, dans le mythique Rod Laver Arena de Melbourne.
3h04 de jeu plus tard, c'est quasiment tout l'inverse. Le Franco-Mauricien de 27 ans sort du plus important combat de sa vie galvanisé. Certes, il n'a pas gagné, mais il a tenu tête pendant de longs échanges à la légende 'Djoko'. Lui arrachant même un set. Ce qui a surpris les spécialistes de la petite balle jaune. Le tout dans une arène surchauffée qui a acclamé ce jeune challenger surgit de nulle part qui semblait décontracté, décomplexé.
Faire face au monstre Djokovic
"Oui, il est possible d'être 191e joueur mondial au classement ATP et de gagner un set contre Novak Djokovic. À première vue, cela semblait assez improbable tant le Djoker a prouvé sa domination ces derniers mois sur le circuit professionnel. Relâché dans les échanges et considérant qu'il avait finalement peu à perdre, Enzo Couacaud a montré au public qu'il était possible de faire face au monstre Djokovic ", écrivait ainsi notre confrère Antoine Donnarieix sur Eurosport.fr.
Pour son grand frère, Olivier Couacaud, directeur de la rhumerie de Chamarel que nous avons joint hier au téléphone, ce match était un moment très fort pour toute la famille. LE moment tant attendu de la carrière du petit dernier de la famille.
"On était tous à fond derrière lui pendant le match bien sûr ! Comme c'est la famille, on était émus de le voir jouer. Un plaisir immense. Beaucoup de bonheur. Beaucoup de joie. On était très heureux pour lui qu'il puisse vivre ce moment. Se confronter au meilleur joueur du monde. Beaucoup de fierté aussi. On avait tous envie de voir un beau match... et on a été servis !", relate Olivier, qui a apprécié l'intensité des échanges.
Les Couacaud,famille sportive !
Ex-champion de Maurice de tennis, Olivier Couacaud a joué au tennis une dizaine d'années, tout comme son aîné Hubert junior (qui opta rapidement pour la natation), suivant les traces de leur père, Herbert, qui avait placé la barre très haut. Ancien patron de Beachcomber, où il a été l'un des pionniers de l'hôtellerie mauricienne, il était champion de Maurice en tennis et athlète, l'un des premiers à descendre sous les 40 secondes au 400m, où il a même détenu un record.
" Papa jouait beaucoup au tennis ", se souvient Olivier, 37 ans. " Mon grand frère et moi on a beaucoup joué avec lui. Enzo était plus petit. Il venait nous regarder, ce qui lui a permis de tomber dans la marmite très tôt ! Nous sommes une famille de sportifs."
Les parents d'Enzo, Herbert et Catherine, eux étaient aux premières loges jeudi au Rod Laver Arena. " Nos parents ont pu partir rejoindre mon frère à Melbourne à la fin des qualifications et ont pu assister à quelques-uns de ces matchs " (NDLR : Enzo a disputé 5 matches, dont 3 en qualification).
Ce moment fort pour la famille Couacaud et tous ses proches, était aussi un moment d'histoire pour le sport mauricien ! Jamais, en effet, un fils du sol n'avait atteint un tel niveau du tennis mondial avant Enzo. Un match qui fera date.
" Genial, enorme "
" A l'époque de Kamil Patel et Marine Giraud on avait toujours envie de les voir percer un jour sur un tournoi du Grand Chelem mais la barre était trop haut malgré leurs qualités intrinsèques. Mais voir 20 ans plus tard Enzo le faire tu es mari fier ! C'est génial. Enorme ", analyse JeanFrançois Leckning, rédacteur en chef de People et ancien journaliste sportif, en extase devant son poste de télé.
"Enzo a accompli quelque chose de grand", témoigne Akhtar Toorawa, ancien secrétaire général de la fédération mauricienne de tennis, qui l'a vu grandir puis partir en France pour faire carrière. "Avoir pu jouer contre une icône du tennis c'est déjà quelque chose. Au second set on sent qu'il s'est fait plaisir. Il s'est donné à fond pour le gagner et pouvoir se dire qu'il a pris un set à Djoko ! C'est immense. Immense ! Les gens ne réalisent pas la portée de cet exploit. A 27 ans, il est peut-être un peu tard pour aller plus haut encore, mais si déjà il atteint le Top 100 ça sera super."
Porter haut le quadricolore
Selon Akhtar Toorawa, les efforts du père, Herbert Couacaud, ont payé. "Vers 2005- 2006 je me souviens d'un match entre Enzo et Ludwig Easton, ils avaient dans les 8-10 ans et on voyait déjà le petit Couacaud comme un futur grand mais il fallait des moyens pour y arriver... Il fallait partir à la fédération française de tennis. Ses parents ont payé un entraîneur personnel et il a bénéficié des infrastructures en France plus tard pour s'aguerrir et devenir un bon joueur ".
" Dommage qu'il ait eu beaucoup de blessures dans sa carrière, sinon il aurait pu aller encore plus loin. Le haut niveau, c'est très 'demanding', et ça demande énormément de sacrifices comme Jean-Michel Giraud en a fait aussi pour aider sa fille Marine lorsqu'elle évoluait en France", conclut-il.
Comme tous les amateurs de la petite balle jaune du pays, Matteo Zinno, directeur de la Mauritius Tennis Academy, qui a accueilli plusieurs fois notre compatriote lors de stages de pré-saisons avant l'Open d'Australie ces dernières années, mesure le chemin parcouru. " On est très contents de voir Enzo performer à ce niveau. C'est une superbe étape encore une fois pour lui et je suis sûr qu'on le reverra de plus en plus souvent sur les tournois majeurs et que cela lui donnera la confiance nécessaire pour continuer à avancer et porter le quadricolore aussi haut pour inspirer nos jeunes à suivre l'exemple. "
" La fierté de la famille Couacaud, de l'île Maurice et de la France ! "
"Le Français Enzo Couacaud. Le Franco-Mauricien. Le Mauricien." Selon les sites, les origines rouz blé zaun ver de notre compatriote sont mises en avant, ou pas. Mais qu'importe, puisqu'il est bi-national? "Enzo fait la fierté de la famille Couacaud, de l'île Maurice et de la France! Et oui, merci à la France aussi, il faut le dire", lance l'ex-secrétaire général de la fédé mauricienne de tennis, Akthar Toorawa.
"La fédération française de tennis (FFT) l'a beaucoup aidé. La fédération mauricienne de tennis n'aurait pas pu faire grand-chose pour Enzo, il faut être honnête, s'il était resté à Maurice, il aurait pu jouer quoi, les Jeux des îles tous les 4 ans? Les gens qui critiquent bêtement la France ne comprennent pas ce qu'est le sport de haut niveau ni les réalités du tennis, qui demande un énorme investissement financier. Environ 1 million de roupies par an, pour pouvoir évoluer à l'étranger. Et c'est un chiffre qui grossira ensuite... Il faudra peut-être attendre un siècle pour voir un Mauricien atteindre le niveau d'Enzo, car, hélas, on ne voit aucune relève à Maurice... "
Le débat sur le fait qu'Enzo apparaisse avec un drapeau français à la télé, donne de l'urticaire à Jean- François Leckning également! "Je suis atterré que des gens disent qu'il n'a pas de drapeau mauricien avec lui. Enzo n'a jamais rien demandé à personne. Il est bi-national et a eu la chance d'être pris en main par la FFT qui possède des infrastructures qu'il n'y a pas à Maurice. Venir dire qu'il n'est pas Mauricien sur les réseaux sociaux, c'est mesquin. Surtout que son papa, Herbert, est un des compatriotes les plus exemplaires et les plus engagés qu'on ait connus, que ce soit à travers le tourisme et le sport. Enzo a eu de l'aide avec la France ? Tant mieux pour lui!"