Sénégal: Assane Pène, Couturier - " Je souhaite populariser la demi-mesure peu connue au Sénégal "

Le fils du chanteur Omar Pène, Assane Pène
22 Janvier 2023

Le fils du chanteur Omar Pène, Assane Pène, a lancé son showroom au Sénégal, sis au Point E. Une suite tout à fait normale, dit-il, après l'installation et le succès international de Maison Pen Paris et des boutiques dans quelques villes européennes.

Symbolique de Maison Pen Dakar

Assane Pène : " C'est une réponse au besoin de retrouver mon pays et mes sources. Ensuite, au besoin de contribuer au développement espéré de la couture au Sénégal. Nous avons des talents incroyables qui ne doivent plus se consigner à couper du tissu et coudre au coin de la rue. "

Touche particulière

A.P " Je veux imprimer la touche européenne ici. Je ne me définis pas comme révolutionnaire, mais plutôt évolutionnaire. Je souhaite populariser la demi-mesure, dite petite mesure, qui est peu connue au Sénégal. Je crois d'ailleurs que nous sommes la première boutique qui propose des services de demi-mesure à Dakar. Pour l'instant, je n'ai pas encore l'objectif de la touche africaine authentique, je reste sur les classiques. Ce n'est pas un déni, mais c'est une injonction de mon expérience. Je connais la spécialité, chaque couturier est formé dans un domaine particulier qu'il maîtrise et exerce à ses heures. Toutefois, j'ai des amis pour qui je couds parfois des vêtements traditionnels, mais je n'en fais une habitude. "

Installation à Dakar

A.P " Dakar, c'est un monde à part. Paris est plus organisé sur tous les plans. Les Français donnent plus d'importance aux artisans et artistes qu'aux bureaucrates. Le travail de la création est très valorisé. Par exemple, les clients viennent de partout pour visiter nos boutiques parisiennes. Il y en a qui viennent d'autres pays, logent à l'hôtel une semaine afin de juste prendre le temps de faire le tour de leurs désirs. Mais ici, c'est toi qui cours vers les clients. "

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Adaptation ou innovation

A.P " La couture au Sénégal a une vieille habitude sociale qu'il est presque impossible de changer. Je pense que je vais essayer de m'y faire. Ça risque de chambouler certaines choses puisque je suis obligé de me démultiplier quand je suis à Dakar. Mais ça ira, j'espère. "

Ecosystème

A.P " Je veux partager le peu de connaissances que j'étais allé acquérir. C'est mon souhait. Je veux une école, mais je veux m'asseoir sur les acquis. Je voudrais pouvoir le faire avec aucune prétention. Je veux surtout aller vers les centres culturels qui n'ont pas d'écoles structurées. Ce sera ma modeste contribution pour la formation des jeunes. La plupart de ceux-là sont talentueux mais ils manquent de formation et de coup de pouce. "

Suite de la Maison Pen Dakar

A.P " Mon ambition est africaine. Pour la prochaine étape, j'espère des showrooms à Brazzaville et Abidjan. J'ai beaucoup de clients dans ces deux pays, qui s'étonnent d'ailleurs de me voir ouvrir un atelier ici, si on sait notre caractère de mauvais clients. "

Humanités

A.P " C'est à Dakar que j'ai commencé la coupe et la couture. J'ai appris et découvert le métier à l'atelier de Laye Diarra, à Sodida. Je suis ensuite allé à Paris, en 2003. Les six premiers mois, c'était difficile. L'univers était nouveau. J'étais dans un atelier avec plusieurs nationalités et la langue posait réellement problème. Mais j'ai vite compris qu'on ne me laisserait pas le temps de m'acclimater et me suis mis en face de mes responsabilités. J'ai fait cinq années de trime dans divers ateliers pour glaner de l'expérience. J'ai travaillé notamment avec Mouhamed, un Tunisien qui faisait de la sous-traitance pour grandes marques. Après avoir cru maitriser l'abécédaire et les arcanes du métier, je suis maintenant allé à l'école. Mon choix était dicté par le fait qu'il n'y avait pas d'école spécialisée dans le sur-mesure fait à petites mains. Après la formation, j'ai travaillé pour Smalto, Gucci, Saint-Laurent, Ferragamo, Cifonelli et Berluti. C'est après cela que je me suis mis à mon propre compte. "

Auto-entreprise

A.P " J'ai travaillé assez longtemps dans la sous-traitance des grandes marques. Il m'est arrivé à maintes reprises de regarder de grands programmes à la télévision, en France, et voir mes créations portées par des personnalités. Plusieurs fois aussi, mes créations sont apparues dans des livres de modèles. J'ai réfléchi et su qu'il fallait oser signer mon propre nom sur ce travail prisé par des sommités et connaisseurs. La Maison Pen est ainsi née. L'atelier est sis au 5, Rue Pasquier (Paris). Quand j'ai ouvert Maison Pen, j'ai continué à Smalto, Cifonelli et Berluti, toujours comme sous-traitant. Je savais qu'il était impossible d'avoir le portefeuille que je voulais si j'avais brûlé cette étape. J'utilisais ce qu'ils me payaient pour fructifier ma boutique et sympathiser avec les clients. C'est au fur et à mesure que la Maison Pen s'est fait son nom et que j'ai ouvert une deuxième boutique en face de la maison-mère, puis d'autres à travers l'Europe. "

Au nom du père

Assane Pène a ce parcours des lumineux. Avec des débuts incertains, un cours d'embûches et une assise un peu sous les lambris. Sa personnalité est aussi un peu phénoménale, avec des drôles de cordes à l'arc.

Tant qu'il ne révèle pas qu'il est le fils d'Omar Pène, il est presque impossible de deviner l'ascendance. Les traits avec son père sont peu évidents. Mais il suffit de l'observer et de converser avec lui quelques minutes pour s'exclamer " Eurêka ! ". Visage oblong, sourire ouvert et constant, quelquefois bredouillant, bouillonnant d'idées mais toujours modeste et un tantinet falot, le longiligne quinqua a quand même le sens artiste. Son destin de couturier a gagné ses formes avec la première chemise jaune qu'il a cousue et vendue ensuite à 8 000 FCfa. Il était encore tout gringalet et un jeune homme assez facétieux.

On décelait chez le gamin aux mains encore frêles un fâcheux manque de concentration et une espièglerie qui ne lui laissaient aucune chance de réussite scolaire. On a presque du mal à y croire, tant il excelle dans son domaine qui exige grand soin et minutieuse dextérité. Sa flagrante aménité et sa mesure nient également cette observation de ses anciens enseignants. Oui, le destin peut bien être souvent capricieux. Aujourd'hui, il excelle dans son domaine et jouit d'une reconnaissance internationale.

Sur la table de son showroom du Point E, le catalogue européen des " Meilleurs tailleurs sur-mesure homme " trône et le présente en star de la mode. Il est sélectionné parmi les cinq meilleurs de France. Un focus est fait sur sa signature et son label par le magazine de référence. Il partage la cohorte avec ses anciens mentors (voir l'entretien). Il explique ce succès et cet égard par le travail. Le travail est effectivement " une religion " chez le monsieur. " Ça fait partie des qualités que j'ai résolument prises de mon père, en plus de la discrétion ", confesse Assane. Il ajoute que sa clientèle ignore dans sa majorité qu'il est fils d'Omar Pène. Certains le découvrent même bien après, souvent après plusieurs commandes. " C'est d'ailleurs mieux ainsi, ça fait mieux sentir le mérite. J'ai même beaucoup de clients sénégalais qui l'ignorent encore ", poursuit-il.

Un album en gestation, et peut-être un duo avec le père

Mais ce n'est pas que ce qu'il a pris de son pater, l'un des plus illustres chanteurs-interprètes que le Sénégal ait jamais connus. " La couture, c'est mon métier. Mais ma passion, c'est clairement la musique. D'ailleurs, la plupart de mes amitiés sont des musiciens ou techniciens. J'ai peu de fréquentations dans le monde de la mode. J'ai grandi dans l'univers de la musique et je n'ai pas été épargné du virus. Naturellement, j'ai été toujours fasciné par mon père. Je vous confie d'ailleurs que je signerai un album ", révèle, avec un malin rictus, le fils unique du leader du mythique Super Diamono.

Le projet serait retardé à cause de son manque de temps, mais il promet que ça viendra. Il confie qu'il enregistre à chaque temps libre. Il explique qu'il n'est pas pressé car, répète-t-il, c'est une passion et non une profession. Il préfèrerait encore prendre tout le temps nécessaire pour parfaire le produit. Peut-on s'attendre à la surprise d'écouter un duo avec son père ? " Lui seul a la réponse. (Sampal naako ndënd waaye ñeme wu ko simpi ba leegi (Je l'ai défié frontalement mais il n'ose pas encore le challenge. Il est fuyard sur ce coup. Ses nombreux supporters ne vont pas me croire mais qu'ils lui disent de m'affronter et ils verront ", dit Assane, goguenard, et qui garde apparemment ses classes d'espiègle. Assane Pène a déjà enregistré un single, et avait une fois fait sensation durant un show de son père à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, en 2017.

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