Sa population et son poids économique font de la ville d'Antananarivo-Renivohitra la 24ème Région ou la 7ème Province de Madagascar.
Mais, corsetée par des textes archaïques en totale incohérence avec la nécessité vitale de la décentralisation, la Capitale subit un triple exode (rural, régional, national) plutôt que de pouvoir optimiser son attractivité. La surcharge sur l'ensemble des infrastructures (alimentation en eau, raccordement à l'électricité, volume des ordures, ratio habitants/habitat, densité humaine au km2, kilométrage de voirie, pression sur le milieu naturel) pousse à un tel désordre structurel (aménagement du territoire, urbanisme) que l'histoire de la Ville et son identité même s'en trouvent menacées.
Antananarivo-Renivohitra souffre de trop quand le reste du pays meurt de moins que rien. Cette distorsion entre Antananarivo-Renivohitra et "le désert malgache" (allusion au livre "Paris et le désert français", de Jean-François Gravier, Flammarion, 1947), commence dès le "Grand Tana".
Le Grand Tana demeure un concept méconnu. Tout juste si on sait qu'il désigne quelque chose de plus large que la seule ville d'Antananarivo-Renivohitra. Quant à ses limites géographiques ou l'opportunité de son invention, mystère, bien que les urbanistes parlent couramment Grand Tana depuis les années 1980.
Les limites vers le Sud-Sud-Ouest d'Antananarivo sont naturelles à la frontière que trace l'Ikopa. En deçà de Tanjombato, en deçà d'Anosizato Andrefana, en deçà de Bemasoandro. Au-delà, il devient plus lâche le maillage des rues, qui caractérise véritablement cette Ville-pays qui a fleuri au pied de la colline originelle d'Antananarivo. De Tanjombato à Andoharanofotsy, d'Anosizato à Ampitatafika, de Bemasoandro et Andranonahoatra à Itaosy et Andohatanjona, les banlieues ne semblent être desservies que par une seule rue principale à laquelle se raccordent impasses et culs-de-sac.
Mais, finalement, plutôt qu'une carte de l'Antananarivo-Renivohitra des six arrondissements (Ambohimanarina avait pu être une commune autonome il y a soixante ans) et une autre des communes plus ou moins rurales alentour, il y la réalité et sa géographie socio-économique.
Une réalité, c'est la lessive qui continue de se faire, au fleuve Ikopa. Comme il y a un siècle. Sur les berges de sa rive droite, l'aval filant à l'Ouest vers Andriantany et Farahantsana, le linge multicolore est mis à sécher sur les pierres anti-érosion : spectacle presque pittoresque s'il n'était pas encore du sous-développement. En vis-à-vis, sur la rive gauche, Bemasoandro, et une décharge sauvage qui se déverse inexorablement dans l'eau. Ici, une ville pas tant urbaine. Là-bas, une banlieue qui s'avoue rurale. Seulement, un pont plus loin. Un pont qui est moins passerelle que fossé et frontière sur le gâchis d'une décentralisation incantatoire.