Enlevé le 18 janvier à Yaoundé par des inconnus, le corps de Martinez Zogo a été retrouvé portant des traces de torture.
Au Cameroun, le journaliste Martinez Zogo est mort. Enlevé le 18 janvier à Yaoundé par des inconnus, son corps a été découvert ce dimanche à Ebogo 3 dans l'arrondissement de Soa, une banlieue de la capitale. Ses effets personnels ont également été retrouvés non loin du corps sans vie du journaliste, qui portait des traces de torture.
Au moment de son enlèvement, le journaliste produisait une série d'émissions pour dénoncer les scandales financiers au Cameroun. Un crime qui vient davantage fragiliser la presse camerounaise.
La voix de Martinez Zogo, les auditeurs de la radio Amplitude FM ne l'entendront plus. La presse camerounaise porte le deuil d'un de ses fils, assassiné par des inconnus.
Avertissement aux médias
Même si les causes du meurtre de Martinez Zogo ne sont pas encore dévoilées, le journaliste et leader syndical Thierry Eba pense que ce dernier a été victime de la "guerre des clans" au sommet de l'Etat. Selon lui, "là, on est en train d'envoyer un signal fort aux hommes et femmes de médias. C'est clair que c'est de cela qu'il s'agit. Auquel cas, le prochain qui bronche, subira le même traitement."
Au moment de sa disparition, Martinez Zogo dénonçait dans ses émissions les malversations financières concernant les lignes budgétaires 65 et 54. Ces lignes représentent les dépenses de fonctionnement de l'Etat et celles des interventions en investissement de 2010 à 2021, dont les dépenses s'élèvent à 5.400 milliards de francs CFA.
Martinez Zogo disait avoir relevé plusieurs irrégularités, certaines personnalités camerounaises seraient impliquées et ce travail d'enquête du journaliste pourrait être une raison de sa mort.
Chouta et Wazizi
Indigné, Philippe Nanga, coordonnateur de l'ONG Un Monde Avenir, demande aux autorités de prendre leurs responsabilités. "Cette situation m'inquiète, déclare-t-il. On n'a jamais su pourquoi, comment et qui a enlevé Paul Chouta (journaliste enlevé en mars 2022 lors d'un match de football à Yaoundé puis libéré peu après, ndlr).
L'affaire Wazizi (Samuel Wazizi, un autre journaliste arrêté en août 2019 dans la région anglophone du Sud-Ouest et décédé deux semaines plus tard, ndlr) n'est toujours pas close jusqu'aujourd'hui. L'administration doit faire son boulot. Nous qui travaillons à rendre un environnement favorable au travail des journalistes, ce genre d'actes ne nous aide pas."
Lutte pour le pouvoir au Cameroun
Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a indiqué qu'une enquête a été ouverte pour trouver les auteurs de ce crime.
Mais au Cameroun, les journalistes sont soumis à une pression croissante. La faible mobilisation de la corporation depuis la disparition de Martinez Zogo témoigne de la peur qui règne dans les rédaction. Ce dont témoigne le journaliste Thierry Eba :
"Les prochains jours vont être difficiles pour les journalistes au Cameroun, notamment avec cettetransition qui est enclenchée. Les clans qui se sont levés pour la lutte à la succession vont tout faire pour broyer ceux qui viendront mettre le nez dans ce jeu de transition."
Dans cette lutte pour le pouvoir, qui plus est dans un pays plongé dans une guerre civile qui ravage les régions anglophones, les journalistes qui s'efforcent encore de faire leur travail prennent de gros risques.
La mort de Martinez Zogo vient de le rappeler de manière dramatique.