Jusqu'au 28 janvier, la ville de Kaffrine s'impose comme la capitale culturelle du Sénégal. C'est à la faveur de la réception et de l'organisation de la 11ème édition du Festival national des arts et cultures (Fesnac) qui s'est ouverte samedi dernier. Une grand-messe culturelle où la mayonnaise artistique a tardé à prendre à cause du débat politicien, mais les arts ont heureusement fini par dresser le chapitre.
KAFFRINE - C'est au stade municipal El Hadj Babacar Gaye de Kaffrine que s'est tenue la cérémonie officielle de la 11ème édition du Festival national des arts et cultures (Fesnac). À 17h, l'aire de jeu avait fini d'être parée du podium et autres logistiques, et le gradin presque rempli. C'est parti pour un programme qui durera huit heures, contre l'attente de la programmation et des spectateurs. Un ton spectaculaire est d'abord donné avec l'entrée des troupes régionales. Les artistes, habillés en hôtesses par cohortes, pénètrent le stade en processions organisées. Ils sont dirigés par les directeurs des centres culturels régionaux qui ne boudent pas leur fierté. Pour certains, c'est un moment de consécration après un travail de longue haleine pas souvent mis en lumière dans les médias et l'espace public.
Certains groupes régionaux, comme Louga et Kaolack, ont suscité l'euphorie et crevé l'applaudimètre dès l'entrée. En super danseurs électrisés par les rythmes soutenus des tambours, leurs échappées ont provoqué l'hystérie chez les badauds. Ça n'a pas été simple pour les éléments des forces de l'ordre, dont certains ont préféré sourire devant la soudaineté de ce capharnaüm. Ils ont dû comprendre l'excitation de ces enfants et femmes, principalement, qui n'ont pas l'habitude d'autant de couleurs dans leurs jardins. Mais la frénésie laissera bientôt place à la stupéfaction. La communauté léboue, invitée d'honneur de cette onzième édition, a créé la sensation avec une entrée plutôt fracassante.
Majestueuse Collectivité léboue
Avec le Grand Serigne Papa Ibrahima Diagne et le Jaraaf Youssou Ndoye en tête, plusieurs dignitaires de la Collectivité léboue sont apparues avec leurs vêtures et apparats qui leur donnent cette grande et majestueuse dimension. Ils débutaient ce beau tableau traditionnel garni par des seigneuries locales. On relevait la présence de la reine de Bignona Amang Etame Sagna, du représentant du roi d'Oussouye Sibiloumbaye Diédhiou, de l'Ambassadrice Penda Mbaye (tous invités d'honneur du Fesnac) et, évidemment, du Bëlëp Ndoucoumane Talla Ndiémé Ndao, roi de la province traditionnelle de Kaffrine. C'était résolument le ballet des coutumes. Chacun de ces chefs et des cours qui les suivaient a fait honneur à son fief ou sa communauté avec la résurrection de leurs postures et habitudes d'antan.
Ce parfum de téléportation va brusquement s'évaporer avec le cérémonial qui accompagne la présentation et la performance de la Musique principale des forces armées. La Fanfare du troisième bataillon de Kaolack, avec ses caisses de tambours et son importante section de cuivres, entonnera d'abord une reprise de " Ñaani bañ na ", avant d'annoncer ensuite le clap de début de la cérémonie avec l'hymne national. Cette phase suivait l'installation du Premier ministre Amadou Bâ, qui venait d'arriver de Dakar pour présider la cérémonie.
Abdoulaye Saydou Sow, maire de Kaffrine, par ailleurs Ministre de l'Urbanisme, du Logement et de l'Hygiène publique, consacre le début de son discours à la politique avant de terminer par le sujet artistique et culturel, tout en louant le caractère " cosmopolite et culturel " de sa région.
Le Ministre gambien du Tourisme et de la Culture a également pris la parole. De ces festivaliers, la majorité quittait aussi le stade, à la suite des autorités, manquant ainsi le clou du spectacle avec le défilé des régions et les performances.
Amadou Ba offre la palette culturelle de Kaffrine en bréviaire
La cérémonie d'ouverture de la 11e édition du Festival national des arts et cultures (Fesnac) a été présidée par le Premier ministre. Selon Amadou Ba, ce festival restitue et illustre le patrimoine culturel dans sa richesse accumulée au cours de l'histoire.
Le Premier ministre, Amadou Ba, présidant la cérémonie d'ouverture officielle du Fesnac, a d'abord ravivé les mémoires sur l'accident routier qui avait causé 41 décès, le 8 janvier dernier, à Sikilo, situé à quelques encablures de Kaffrine. Pour le chef du Gouvernement, " l'organisation du Fesnac, au lendemain des tragédies, résonne comme un appel à revisiter les valeurs cardinales de notre cher Sénégal ". C'est d'ailleurs l'un des objectifs majeurs du festival, qui est de restituer et illustrer le patrimoine culturel dans sa richesse accumulée au cours de l'histoire. Encore, cette année, le thème annuel est " Femme, éducation culturelle et développement socio-économique ".
Commentant la pertinence du thème, Amadou Ba soutient que le choix d'offrir la femme en exemple s'impose pour son " rôle éminent dans les moments les plus difficiles de notre histoire, comme dans les progrès réalisés en tous domaines ". Il affirme que les Sénégalaises sont une fierté " dans les combats pour la réalisation de nos ambitions de stabilité consolidée, de sauvegarde et de transmission de nos valeurs, de progrès scientifique, technique et de développement ". Il s'agira donc, avec la réception du festival à Kaffrine, de puiser dans l'identité particulière de ses femmes pour les présenter en modèle.
Concernant la région, le chef du Gouvernement considère le Ndoucoumane comme " terre de rencontre et d'hospitalité, un espace au sein duquel le respect de la diversité est le ciment d'une cohésion sociale entretenue tout au long d'une histoire au cours de laquelle ont été conservées les valeurs de courage et de solidarité, le sens de l'honneur, le culte du travail bien fait et la volonté de dépassement ". Amadou Ba a aussi rendu hommage au Fesnac qui s'impose aujourd'hui en un " patrimoine régional, sénégambien en particulier ". Il cite pour prouver cette gémellité les sites mégalithiques de Sénégambie et le Kankurang qui sont inscrits dans la liste des patrimoines de l'Unesco, " en attendant l'inscription du Ngoyaan ", espère le Premier ministre. Ce dernier voit en cette première inscription culturelle transfrontalière en Afrique comme " un pied de nez aux frontières héritées de la colonisation ".
" Je suis certain que la Gambie et le Sénégal prendront les mesures nécessaires pour la protection effective des monuments de cet espace dans le cadre d'une politique concertée d'aménagement culturel du terroir des mégalithes. Ces sites où autorités, chercheurs, populations et opérateurs pourraient mettre au point de véritables circuits de découverte qui feraient de ce patrimoine une ressource au service de la communauté, de son développement, ainsi que l'illustration vivante de la puissance et de la profondeur historique des continuités culturelles que nous devons léguer aux générations futures ", présente, comme perspective, le chef du Gouvernement. Kaffrine est justement le lieu idéal pour ce discours, tant il est un carrefour aussi bien géographique que culturel des peuples de cette grande région.