Dans le sillage de la démission-surprise de Jacinda Ardern, cette semaine, la célèbre phrase d'André Malraux (qui avait observé De Gaulle gouverner dans un état presque dépressif) refait surface : "Ceux qui croient que le pouvoir est amusant confondent pouvoir et abus de pouvoir."
Paradoxalement, l'aveu de faiblesse de la Première ministre néo-zélandaise constitue une force qui a valeur d'exemple. C'est la leçon de démocratie d'une jeune politicienne qui redéfinit la notion du pouvoir absolu. Ardern n'a pas trouvé d'excuse pour continuer : elle a calmement expliqué son manque d'énergie ou de carburant dans le réservoir pour continuer à diriger son pays. Connaissez-vous d'autres dirigeants qui, à 42 ans, auraient fait comme elle, surtout quand l'on sait à quel point la politique est un panier de crabes ? Ici je connais beaucoup qui marcheront sur tout, sur des cadavres pour obtenir un simple maroquin, oublions le Graal... Dans leurs yeux, le regard est tout autre que celui, doux, compatissant, d'Ardern.
Sur le papier, la démocratie, terme fourre-tout, signifie le libre arbitre des peuples à choisir leur système politique, économique, social et culturel. Dans la pratique, c'est autre chose. À Maurice, par exemple, on a tendance à croire que la démocratie se résume à la tenue d'élections tous les cinq ans. D'ailleurs, c'est sur cet unique critère que Maurice était jusqu'en 2017 classé parmi les pays démocratiques en Afrique. Mais la démocratie est loin d'être une fin en soi. La démocratie est un processus.
Si les anciens refusent de partir, c'est que l'abus du pouvoir est devenu leur drogue. Comment alors faire participer les jeunes à la démocratie ? Sans doute en enlevant le principal obstacle : soit la défiance des jeunes envers la vie politique et ses politiciens. Les jeunes perçoivent les dinosaures ou crocodiles politiques comme des carnassiers, des personnes qui usent de tactiques électoralistes et castéistes, qui sont loin d'être démocratiques (copinage, communalisme, achat de tickets et autres financements occultes, etc.). Une étude de l'ONU observe que cette triste constatation s'applique "tant aux démocraties établies qu'émergentes". Mais tout n'est pas perdu. Les forums changent de forme et il existe un nombre grandissant de mouvements informels qui militent pour un changement démocratique en profondeur, car ceux qui font partie du système ont déjà succombé...
Personne n'est un tout. Nous sommes tous un fragment d'un ensemble plus vaste, d'un environnement stratégique qui impacte, d'une manière ou d'une autre, notre destinée. C'est le Britannique John Donne (1572-1631) qui résume le mieux notre situation : "Aucun homme ou femme n'est une île, un tout, complet en soi..." - (No Man is an Island).