C'est l'histoire d'une disgrâce et d'une amitié ruinée entre un ancien président et son successeur : l'ex-leader mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est jugé à partir de ce mercredi sous l'accusation d'avoir abusé du pouvoir pour amasser une fortune immense.
M. Aziz devient l'un des rares ex-chefs d'État à répondre d'enrichissement illicite pendant les années, de 2008 à 2019, où il a dirigé ce pays charnière entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne, secoué naguère par les coups d'État et les agissements jihadistes, mais revenu à la stabilité quand le trouble gagnait dans la région.
Loin de la fascination guinéenne pour le procès de Moussa Dadis Camara pour un massacre perpétré 20 ans auparavant, des Mauritaniens interrogés par l'Afp manifestent un intérêt dépassionné, préoccupés par l'inflation, résignés à la corruption des élites ou adhérant à la théorie du complot contre celui qui les gouvernait naguère. " C'est un règlement de comptes entre deux hommes qui ont fait beaucoup de choses ensemble ", estime Issa Ahmed Ahmed Mouloud, étudiant de 23 ans, qui fait référence à la proximité pas si ancienne entre M. Aziz et son successeur, Mohamed Ould Ghazouani. Les uns et les autres s'attendent à ce que M. Aziz, visage rude à la fine moustache et au crâne dégarni, confirme sa réputation : batailleur, imprévisible et calculateur. Il a brandi la menace de révélations.
" Si j'y suis contraint, je parlerai ", disait-il en octobre 2022 au magazine Jeune Afrique. À 66 ans, il doit répondre, avec une dizaine d'autres personnalités - anciens Premiers ministres et ministres, hommes d'affaires -, d'accusations d' " enrichissement illicite ", d' " abus de fonctions ", de " trafic d'influence " ou de " blanchiment ".
Fils de commerçant, il se serait constitué un patrimoine et un capital estimés à 67 millions d'euros au moment de son inculpation en mars 2021. Il est accusé de détournement de fonds de marchés publics ou d'avoir dépecé à son profit le domaine immobilier et foncier national. Sans nier être riche, M. Aziz a refusé de s'expliquer sur l'origine de sa richesse et crie à la machination.