Au lendemain de l'accident tragique de Sikilo (Kaffrine, le 8 janvier dernier) qui a fait au moins 42 morts et 98 blessés dont certains grièvement, l'Etat a organisé un Conseil interministériel sur la sécurité routière, le lundi 9 janvier 2023, à l'issue duquel 22 mesures ont été prises pour arrêter l'hémorragie sur nos routes.
Non content de certaines de ces décisions du gouvernement, un collectif de syndicats des transports routiers, avec à sa tête Alassane Ndoye et Gora Khouma, entre autres, a décrété une grève générale et illimitée depuis le mardi 17 janvier dernier à 00h. Une semaine après, force est de constater que ce mouvement d'humeur, qui n'a pas trop impacté les activités dans les grandes villes comme Dakar, continue de paralyser la mobilité des personnes et de leurs biens au niveau de l'interurbain. Avec nombre de transporteurs en commun qui ne partagent pas le mot d'ordre mais qui sont contraints d'immobiliser leurs voitures, sous la menace et l'épouvantail de la terreur.
Contrairement au satisfecit des grévistes, le "respect" du mot d'ordre de grève illimitée qui a été décrété par le collectif des syndicats des transports routiers à l'interurbain semble plutôt sous-tendu par la menace et la terreur. En ce sens que des transporteurs ont toujours fait leur propre "police" en déployant souvent des "brigades", composées d'apprentis et jeunes chauffeurs, chargées de contraindre tous ceux qui ne sont pas d'accord avec leur mot d'ordre, ceux qu'ils appellent les "défaillants", à immobiliser leurs véhicules, malgré eux, quitte à en venir aux mains et à endommager les biens de ces derniers, en cas de refus du conducteur de se conformer à leurs injonctions.
En effet, dès les premières heures de son effectivité, cette grève a connu des fortunes diverses. Si le mot d'ordre a été bien suivi dans les gares routières interurbaines et régionales, dans les grandes villes notamment Dakar, et particulièrement en banlieue, la galère des usagers n'aura été que de courte durée. Le transport urbain n'a pas été totalement paralysé, même si, dans des zones comme Keur Massar, des autocars et minibus Tata de l'Association de financement des transports urbains (AFTU, qui s'est démarquée de la grève, tout comme le Cadre unitaire des transporteurs routiers), par peur d'être pris à partie par des grévistes, n'osaient pas dépasser la gare routière des "Ndiaga-Ndiaye", située à l'entrée de la forêt classée et fief de Gora Khouma. Ils ont préféré, dans un premier temps, déverser leurs passagers au rond-point du nouvel autopont.
UN DEPOILEMENT DISSUASIF DES FORCES DE L'ORDRE QUI SOULAGE AU NIVEAU URBAIN
Ce qui créera un spectacle indescriptible, ces voyageurs ayant du mal à continuer leur chemin sur Dakar et ses environs ou à vaquer normalement à leurs occupations dès les premières heures de la matinée. Mais, il a suffi d'un déploiement des Forces de l'ordre (Gendarmerie et Police) sur les différents axes et points stratégiques pour que ces transporteurs reprennent confiance pour se remettre dans la circulation, facilitant ainsi la mobilité des personnes et de leurs biens dans la capitale. Aux côtés des bus disponibles de la société de transport public Dakar Dem Dikk (DDD) dont les usagers réclament, de l'Etat, le renforcement du parc par l'effectivité du dépannage des centaines de bus (en panne) et l'acquisition d'autres nouveaux. Dans plusieurs villes aussi, le trafic urbain n'a pas trop souffert de ce mouvement.
N'empêche, malgré ce dispositif sécuritaire déployé pour rassurer ceux qui ne sont pas d'accord avec le mouvement d'humeur à circuler et dissuader toute velléité d'attaques et de casses, des chauffeurs ont tenté de s'en prendre à leurs camarades qui n'étaient du même camp qu'eux. C'est ainsi que 5 chauffeurs ont été interpellés par la Police de Thiaroye, le premier jour de grève, la mercredi 18 janvier. Il leur est reproché des tentatives de destruction de biens appartenant à autrui. Ailleurs, à Mbour, il y a eu des heurts entre pro et contre la grève à la gare routière, le même jour.
Aussi des bus Dakar Dem Dikk ont subi la furie de grévistes qui ont "caillassé" des cars de cette société de transport public. La matinée du samedi 21 janvier, certains de ces grévistes ont barré l'autoroute et intercepté quelques bus de Dakar Dem Dikk sur lesquels ils ont commis des actes de vandalisme. Des actes que la Direction de DDD condamne avec force. Dans un communiqué, la société nationale de transport public annonce la saisine de la justice pour que les auteurs de ce qu'elle qualifie "d'ignominie", soient traduits devant les juridictions compétentes.
En attendant, des biens de plusieurs passagers ont aussi été saccagés. Toutefois, Dakar Dem Dikk assure continuer, avec les Forces de défense et de sécurité, à s'acquitter de sa mission de service public. Déjà lors de la précédente grève des transporteurs, en décembre 2021, des bus de DDD avaient été endommagés à Diourbel ; des chauffeurs ont été arrêtés, jugés et condamnés pour destruction de biens appartenant à autrui.
UNE ABSENCE DE L'ETAT A L'INTERURBAIN QUI PENALISE LES USAGERS
Autre ville, même recours à la terreur pour imposer le respect du mot d'ordre. Trois individus ont été arrêtés lors d'échauffourées à la gare routière de Thiès (70 km de Dakar), avant-hier, lundi 23 janvier. Là également, des chauffeurs et apprentis ont barré la route pour, disent-ils, contraindre leurs collègues qui ne veulent pas suivre le mot d'ordre de grève à le respecter. Pis, ils s'en sont pris aussi à des chauffeurs de taxi, conduisant tranquillement, qui ont été extirpés de leurs véhicules. Il s'en est suivi des échauffourées, qui ont résulté sur l'arrestation de ces trois personnes qui ont été conduites à la Police centrale de Thiès, informent des médias. Soulignant qu'une forte mobilisation des Forces de l'ordre a été notée sur place, pour calmer les esprits.
Bref, force est de remarquer, comme à chaque mouvement d'humeur, que des syndicats des transports routiers qui s'insurgent contre les 22 mesures de l'Etat pour lutter contre les accidents de la circulation et l'insécurité routière, notamment les points sur les interdictions de circuler la nuit de 23h à 5h du matin et des porte-bagages et autres "Versailles"... , ont toujours eu recours ou ont toujours compte sur la menace et le "caillassage" des véhicules des "défaillants" pour faire respecter leur mot d'ordre.
Pourtant, les gares routières interurbaines, dont les Regroupements de transporteurs assurent l'exploitation/gestion, appartiennent à l'Etat et à ses démembrements (mairies). Il appartient donc à l'autorité de donner des gages aux transporteurs interurbains, pour que ceux désireux de travailler mènent correctement leurs activités, en toute sécurité, comme c'est le cas dans certaines grandes villes dont Dakar où, avec l'aide de la Gendarmerie et la Police, les populations continuent de vaquer librement à leurs occupations, malgré la poursuite de la grève illimitée du collectif des syndicats de transports.