Depuis lundi, le métro a étendu ses services jusqu'à Ébène et Réduit. L'entrée en opération de la phase 3 du tram a un impact sur les compagnies d'autobus. Pour préserver leurs activités, celles-ci doivent impérativement développer des stratégies d'urgence. L'une d'elles implique la mise en place de nouvelles lignes. Lesquelles ? Quels véhicules doivent être affrétés pour assurer ces nouveaux trajets ? Existe-t-il d'autres solutions ? Explications.
"À ce jour, certains développements sont toujours en cours. Je pense notamment au pont de Coromandel, qui débouchera sur l'autoroute et reliera l'Ouest, Gros-Cailloux, Canot jusqu'à Sorèze. Nous avons déjà fait des applications pour ces routes, qui seront, selon nous, très profitables", déclare Rao Ramah, General Manager de la Compagnie nationale de transport (CNT). Déjà, poursuit-il, la route 52 reliant Port-Louis à PetiteRivière et Bambous est très demandée. Un trafic important devrait en émaner, estime-t-il. D'où le besoin de capter ces nouvelles opportunités. D'ailleurs, dans cette optique, précise-t-il, une dizaine de demandes ont été soumises à la National Land and Transport Authority (NLTA). "Nous allons nous concentrer sur des routes périphériques longeant nos dessertes existantes", ajoute-t-il.
Pour sa part, Yousouf Sairally, Trafic Manager à United Bus Service (UBS), affirme également que des demandes ont été faites auprès de la NLTA pour de nouvelles lignes, avant l'entrée en opération du Metro Express. Dernièrement, une route provisoire entre Curepipe et L'Escalier a été allouée, déclare-t-il. "Au fur et à mesure des développements, je pense que nous pourrons opérer de nouvelles dessertes."
Quant à Mehdi Bundhun, Communication Executive à Rose-Hill Transport (RHT) Holding, il soutient que le tram avait déjà grandement impacté leurs opérations depuis qu'il relie RoseHill à Port-Louis. "L'impact sur nos revenus a été très rude, soit une diminution de 40 % de nos recettes et une perte de 25 000 passagers quotidiennement. Depuis l'avènement du métro, nous faisons régulièrement des requêtes pour obtenir de nouvelles lignes. La plus récente est la ligne 182 ; qui va de Résidence La Cure à Gros-Cailloux. Obtenir ces nouvelles dessertes nous permettra de réorganiser nos opérations de façon pérenne", estime-t-il. Pour lui, l'autobus demeure un mode complémentaire, permettant de desservir plus d'arrêts et de régions ne figurant pas sur le tracé du métro.
Aussi, argumente-t-il, il est très important de revoir les routes afin de mieux équilibrer l'offre et la demande. "On préconise de créer des zones exclusives pour chaque opérateur, ce qui assurerait la viabilité, sans pour autant faire fi du ca- hier des charges défini par le régulateur", ajoute-t-il.
Mehdi Bundhun affirme que RHT véhicule environ 5 000 passagers par jour sur la desserte Ébène-Réduit. "Nous allons certainement en perdre mais il est encore tôt pour dire si cette perte sera significative. Le trajet en bus de Rose-Hill à Réduit coûte Rs 24 alors qu'en métro, il faut dépenser Rs 35. Nos autobus peuvent également entrer partout dans la cybercité d'Ébène, contrairement au métro", précise-t-il.
Pour affréter ces nouveaux services, quels types de véhicules seront sollicités ? Selon Rao Ramah, cela dépend de la distance. Ainsi, pour de longs trajets, les autobus classiques d'une cinquantaine de places seront privilégiés. Récemment, soutient-il, de nouvelles routes ont été allouées dans l'Ouest avec la ligne 5 reliant Baie-du-Cap à Quatre-Bornes, ainsi qu'une autre ligne sur Chamarel. Les fourgonnettes de 14 places ne sont pas idéales pour de tels trajets, confie-t-il.
Yousouf Sairally évoque quatre à cinq permis pour des autobus dotés d'une vingtaine de places. "Ce type de véhicules est déjà opérationnel pour des trajets dans la capitale comme la Place de l'Immigration et Tranquebar, entre autres. D'ailleurs, ces autobus peuvent exécuter beaucoup plus de trajets, ce qui bénéficiera aux passagers", ajoute-t-il. Les autobus de plus de dix mètres, soit de 50 places, demeurent prisés pour de longs parcours. En revanche, les véhicules de 14 places risquent d'être moins pratiques de par le nombre de passagers et les multiples arrêts, souligne-t-il.
Au niveau de RHT, notre interlocuteur affirme qu'avec l'arrivée du métro et le nombre grandissant de voitures en circulation, des minibus de 25 à 30 places sont plus appropriés. Il est en faveur de véhicules électriques pour minimiser l'empreinte carbone. "Malheureusement, le coût des autobus électriques reste toujours relativement élevé et les subventions de l'État pour l'achat de ces bus restent grandement insuffisantes."
D'autres solutions à trouver pour les cars individuels
Pour Sunil Jeewoonarain, secrétaire de la Fédération des autobus individuels, opérer de nouvelles lignes s'avère complexe. "Il y a déjà une saturation du réseau desservi par nos services de transport en commun. On ne peut mettre des autobus partout car nous risquons de subir des pertes et d'être contraints à la fermeture. Pour moi, ce n'est pas la solution", déclare-t-il. Il estime qu'une perte d'environ 10 à 15 % de passagers sur les routes Rose-Hill et Ébène pourrait être enregistrée avec l'entrée en opération du métro sur cette ligne. Aussi, il pense à d'autres solutions pour contrer le manque à gagner. Celles-ci passent par la réglementation contre les vans et taxis marron. "Les autorités doivent comprendre que si l'on va vers la modernisation, ce système de transport illégal ne doit pas exister. En parallèle, il y a une pénurie de main-d'œuvre. Beaucoup d'autobus restent au garage, faute de conducteurs et de receveurs qualifiés", indique-t-il. Une crise qui perdure depuis dix ans.
De plus, il mentionne des vols à bord des autobus, commis soit par le public voyageur soit par certains receveurs qui se servent dans les recettes. "Il faut contrecarrer ces problèmes avec des moyens modernes comme le 'cashless system', entre autres. Nous devons explorer ces pistes et les appliquer au plus vite." Des mémos ont été rédigés et envoyés aux ministères concernés sur ces problématiques, avance-t-il. Il plaide également pour une compétition saine entre les opérateurs.